- Vincent devant le Palais des Festival de Cannes
Bonjour Vincent. Peux-tu te présenter à nos lecteurs, présenter ton parcours d’initiation aux jeux ?
Je m’appelle Vincent Miramon, je suis un « tout jeune » auteur de jeu de société, âgé de 47 ans.
Je vis à Pau, où j’exerce le métier de psychologue. Je suis originaire d’une petite vallée pyrénéenne, et ma vie d’enfant a plutôt été tournée vers l’extérieur. J’ai donc rencontré les jeux de société tardivement, mais de façon assez mémorable.
J’avais 13 ans et à l’occasion de vacances à la montagne, un ami de la famille, venu de Paris, nous fait jouer à un jeu dont il était l’auteur. Une histoire de planète à coloniser, avec des figurines en métal et des cailloux… Ça m’a marqué puisque je m’en rappelle encore ! Il se trouve que ce monsieur, c’était Gérard Mathieu, qui a collaboré dans des jeux très marquants de cette époque. Ici, en l’occurrence, c’était « Full Métal Planet », qui est aujourd’hui une véritable pièce de collection ! Pas mal, non, pour commencer une carrière de joueur ?
- Gérard Mathieu, l’auteur de « Full Metal Planet »
Par la suite il y a eu le club « Jeu de rôle » du lycée, avec beaucoup d’émerveillement autour de jeux comme « Cyberpunk », « Stormbringer »…
Et c’est là aussi que j’ai rencontré un certain Cthulhu… d’où des études en psychologie juste après (lol) !
Ensuite, plutôt tourné vers les jeux vidéo, je perds de vue l’univers du jeu de société pendant longtemps. Et c’est avant le confinement que j’y reviens, en poussant par curiosité la porte d’une boutique ludique. Et là que vois-je ? Un rayon entier de jeux consacrés à l’univers de Lovecraft !!! J’en suis ressorti avec ma première boîte de « Horreur à Arkham – le JCE (Jeu de Cartes Évolutif) ».
Et à partir de là, c’était trop tard, j’étais tombé dans la marmite du jeu de société, jusqu’au cou !
Aujourd’hui, quel joueur es-tu ?
Je suis un joueur curieux, facilement émerveillé, et frustré d’être passé à côté du continent « Jeux de société moderne » pendant si longtemps.
Du coup, pour rattraper mon retard, j’en achète énormément. D’ailleurs, tout le budget nourriture et habits de la famille y passe désormais, c’est n’importe quoi !
Plus sérieusement, je joue beaucoup, notamment avec mon fils. Nous sommes adeptes de deck-building, comme « Shards of Infinity », « Clank » ou de jeux aussi variés que « La Bête », « Terraforming Mars » ou « Paléo ».
À côté de ça, je dois bien le confesser, mon petit plaisir inavouable, c’est le jeu solo tard dans la nuit. Quoi de mieux qu’une bonne partie d’« Horreur à Arkham » avant de s’endormir ?
Quels autres domaines culturels aimes-tu explorer ?
La musique, beaucoup. Selon l’humeur, je navigue entre post-rock, électro, piano contemporain...
Et puis j’essaie de bricoler quelques trucs avec mon logiciel Ableton, généralement la nuit aussi, mais sans jamais aboutir à grand-chose…
As-tu d’autres passions dans la vie ?
Oui, je suis passionné de montagne. Et en vivant à Pau, je les ai à côté, j’en profite bien.
J’ai pratiqué le parapente, le VTT, et maintenant c’est plutôt la randonnée. C’est d’ailleurs par ce biais-là que j’en suis venu au game design.
- Vincent par monts et par vaux à vol d’oiseau...
Raconte-nous cela.
Durant le confinement, c’était extrêmement frustrant de voir ces beaux sommets de l’autre côté de la fenêtre, sans pouvoir s’y rendre. L’idée de concevoir un jeu sur le thème de la montagne a alors germé, juste comme ça, sans rien connaître au processus de création. Et c’est à l’occasion d’une randonnée, un peu plus tard, que l’impulsion a été donnée. Ce jour-là, je contemplais un cairn, et un petit morceau d’idée en a surgi : le principe d’un jeu de course dans lequel des randonneurs devraient tracer un chemin jusqu’au sommet en construisant des cairns.
Voilà comment j’ai entrouvert la porte de l’univers du game design, avec ce premier proto qui, quelques semaines plus tard, allait s’appeler « Hikers ».
As-tu eu l’occasion d’être aidé par des personnes déjà installées dans le monde du jeu ?
Oui, il y a une personne qui m’a accueilli dans cet univers-là, c’est Théo Rivière.
J’ai vite repéré cet auteur, pas seulement pour ses cheveux roses, mais surtout parce qu’il racontait des choses fort intéressantes sur son podcast 63/88 et sur sa chaîne Twitch.
Il proposait notamment une émission, Prototips, avec plein de bons tuyaux sur la conception de protos. Je l’ai contacté et j’ai découvert quelqu’un d’extrêmement bienveillant et accessible, en plus d’être brillant. Je pense qu’il est très attaché à accompagner ceux qui font leurs premiers pas dans le game design.
- « Hikers » présenté en festival par Vincent
Et mon premier moment marquant en tant que « prototypeur » débutant, c’est quand la vidéo de « Hikers » est passée dans son émission Prototips.
Je téléphonais à toute ma famille pour leur dire « Eh ! Eh ! Mon proto passe sur Twitch !!! ». Phrase qui n’avait aucun sens pour eux, en fait. Mais moi j’étais aux anges !
Et puis j’ai aussi été bien aidé par la Société des Auteurs de Jeux, qui est un « camp de base » précieux quand on se lance dans l’aventure.
Y a-t-il eu un moment clé dans ta bascule dans l’univers de la création ?
Oui, c’était à l’occasion du festival « L’Alchimie du Jeu » 2022, à Toulouse.
Je m’étais inscrit au concours d’auteurs, je débarquais là avec ce proto « Hikers », sans savoir ce qu’il valait vraiment.
L’idée n’était pas de concourir mais de le faire tester à un public plus averti que ma tatie Françoise ou mon collègue infirmier, pour avoir des retours.
Et à ma grande surprise, le proto a remporté le premier prix « Jeux Expert ».
C’est un moment bascule car il m’a poussé à aller voir plus loin. C’était encourageant.
Es-tu déjà auteur à temps plein ?
Non, pas du tout.
Dans la vie « normale », je suis psychologue. Je travaille beaucoup auprès d’enfants et dans le traitement des traumatismes psychologiques. C’est une activité assez intense, émotionnellement, qui me tient au contact, non seulement de la souffrance psychique, mais aussi d’une autre réalité, où se loge l’imaginaire et la fantaisie infantile. Ce que les psys appellent l’espace potentiel.
Bref, je ne suis pas là pour faire mon psy, mais c’est une source de créativité avec laquelle le game design s’accorde parfaitement bien, selon moi.
Que cherches-tu à ressentir en créant des jeux ?
Comme dans beaucoup de processus créatifs, ce sont des plaisirs multiples qui s’entremêlent.
Par exemple, cette excitation quand une idée captivante tombe du ciel, ou l’enthousiasme de la conception matérielle du proto, la satisfaction d’observer une table de joueurs qui s’y amusent...
Je pourrais en citer beaucoup d’autres.
Quant à ce que j’ai envie de procurer à travers un jeu, c’est une expérience émotionnelle, si possible de plaisir.
Après tout, c’est la vocation première du jeu, me semble-t-il.
Comment espères-tu ton avenir d’auteur de jeu ?
J’espère cet avenir fait d’inspiration, bien sûr.
J’espère rester bien ancré à cette partie d’où surgissent les fantaisies, les idées, et l’émerveillement de transformer tout ça en une expérience ludique.
Quant à l’aboutissement d’autres projets éditoriaux, je ne peux présager de rien. On verra !
Suivez les pas de Vincent dans « Voyage Ludique avec Vincent Miramon – Épisode 1 » bientôt en ligne sur la Yozone…
Liens utiles :
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La page de Vincent sur le site de l’Alchimie du jeu
Illustrations © D.R.