« Mais ce qui fait que Tem Edo-Jendal est entrée dans l’Histoire, ce n’est ni son omniprésence médiatique ni la sympathie que les deux mondes lui vouent à l’unisson, mais la puissance inédite de son art, de ses œuvres énigmatiques à la fois synthétiques et transcendantes, de ce qu’elle a baptisé le “germe immortel” de l’Art des siècles et millénaires passés. »
Tem Edo-Jendal : une enfant, une star, une artiste, une fascination planétaire. Jamais Aline Ruby et Carlos Rivera, deux agents des forces spéciales, n’auraient imaginé l’approcher. Et encore moins de cette manière. Car c’est sans doute grâce à l’entremise de Chrys Royjacker, un de leurs amis fortunés, qu’ils vont être chargés d’une mission de première importance : retrouver une femme, une artiste, dont la présence aux côtés de Tem serait cruciale. Car Tem est malade. Disons, bien plus que malade. Tem n’est pas vraiment telle qu’elle apparaît et il faut à tout prix retrouver cette mystérieuse Espinoza.
« Vision spectrale du génie humain balayé sans grand effort par sa propre bêtise, la silhouette déchirée de la cité se profile à l’horizon, floue et silencieuse. »
Si le moteur de l’action est bien là, l’arrière-plan de ce « Mars Express – TEM » apparaît insuffisamment détaillé pour créer un véritable cadre à l’intrigue. On en saura au final assez peu sur ce monde futur dont les colonies d’outre-terre – Mars et la Lune – n’apparaîtront guère que dans le dernier quart du roman, comme un « Deus ex machina » destiné à nourrir les ultimes péripéties. Ce que l’on sait, dans le futur qui nous est présenté, c’est que bien des cités – Jakarta, Osaka, Bordeaux – sont depuis longtemps sous les flots. C’est d’ailleurs à travers une Amsterdam partiellement engloutie, joliment qualifiée de « territoire archivé d’un échec” (les amateurs de bande dessinée penseront sans doute à « La Cité des eaux mouvantes » de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières) qu’Aline Ruby et Carlos Rivera s’en vont à la recherche de la mystérieuse Espinoza, en suivant des traces d’art et de couleur, sans doute le passage le plus réussi et le plus original du roman.
« Tout le monde connaît son histoire – contée mille fois, illustrée mille fois, romancée davantage – celle de cette enfant malade sauvée d’une anomalie génétique semeuse d’embryons mort-nés par les prouesses médicales historiques de ses pères et de leur métacorporation depuis lors tentaculaire. »
Cyberpunk, biopunk, conglomérats ou personnes à la richesse insensée, manipulations et mensonges, traques et gunfights, retournements de situation : tous les ingrédients du genre sont là. Malheureusement, dans ce scénario riche d’emprunts, il manque un petit quelque chose, un supplément d’âme et d’ambiances pour que la mécanique romanesque fonctionne vraiment. La faute à des éléments insuffisamment congruents (l’un des ressorts de l’intrigue, cette histoire très banale et plus que convenue de femme battue, écho des obsessions contemporaines maladroitement projetées dans un futur qui en verra sans doute bien d’autres, peut ainsi prêter à sourire), à des facilités scénaristiques (pour trouver en quelques secondes une information qui manque à tous, l’IA en simple équivalent du geek habituel) et à des psychologies extrêmement basiques, voire incohérentes, par exemple celle de Carlos dont Ruby estime qu’il est un « monstre de maîtrise » alors qu’au contraire il en manque de manière flagrante d’un bout à l’autre du roman. Les hypothèses des deux investigateurs apparaissent par moments si simplistes qu’on en aurait presque de la peine pour eux, et bien des maladresses les font apparaître comme des losers. Le roman est fortement desservi par des dialogues rarement fins, souvent basiques, plus proches de ceux de la série Z que de ceux des thrillers de haut vol, avec une vulgarité systématique des protagonistes qui devient très vite lassante, même si l’on peut lire ici et là quelques-unes de ces formules bien trouvées qui font toujours le régal des amateurs de polars.
Cyberpunk, biopunk, polar : s’il respecte les lois de genre, ce « Mars Express – TEM », trop linéaire et pas assez « écrit » pour pleinement convaincre, apparaît avant tout destiné aux futurs fans du long métrage d’animation « Mars Express » de Jérémie Périn et Laurent Sarfati, dont la sortie en salles est programmée en ce mois de novembre 2023. Plus qu’aux amateurs de littérature de genre, il s’adresse à ceux qui, avant ou après avoir vu le film, souhaiteront en savoir plus sur son univers et ses personnages. En ce sens, et même si ce « Mars Express – TEM », dans la chronologie du monde créé par le scénario de Jérémie Périn, s’affiche comme un « préquel » ou « antépisode », il s’inscrit plus dans le registre des novélisations que des romans à part entière.
Titre : Mars express – TEM
Auteur : Cédric Degottex
Couverture : Mikael Robert (illustration) / Jean-Charles Pasquer (design)
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 253
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : novembre 2023
ISBN : 9791028118112
Prix : 17,95 €