Après une brève introduction du maître-d’œuvre, Julien Freu signe la première nouvelle sur le sujet. Alors qu’une vague de meurtres sanglants marque l’été, un groupe de copains se réunit pour une partie de jeu de rôle qui tourne rapidement au drame. “La fille du lac” montre comment l’immersion peut s’avérer totale, la difficulté de faire la part des choses, surtout quand tout est fait pour que jeu et réalité se confondent. C’est vraiment remarquable, plus noir que SF, mais ne boudons pas notre plaisir.
Puis Jean-Guillaume Lanuque présente le plat de résistance “Jeux de rôles & littératures de l’imaginaire”, dressant l’historique du média, ses interactions avec la littérature qui peuvent se faire aussi bien dans un sens que dans l’autre. Pour un non connaisseur, les acronymes se mélangent vite et n’évoquent rapidement plus grand-chose. C’est notamment le cas pour les trois entretiens qui appuient le dossier, ceux de Jean-Philippe Jaworski, Cédric Ferrand et Fabien Hildwein. Ils partagent leur expérience du JDR, comment ils ont aussi bien été inspirés par le jeu pour leurs écrits qu’inversement. C’est vraiment instructif et complète parfaitement le long article précédent.
Autre nouvelle : “La caravane des brumes” d’Arnaud Cuidet qui mélange allègrement tous les genres. Il suffit de voir les membres d’une expédition : une barbare rejoint un elfe, une voyageuse du futur et un homme fin XIXe - début XXe. Ceux-ci se rendent dans le château d’une sorte de nécromancien. Faut-il y voir un groupe de quatre joueurs lancés dans une vaste partie ? Je l’ignore et, même alors, ce mélange n’a ni queue ni tête pour moi.
“Sainte Déviance” de Florent Moragas n’est guère plus convaincant. Un robot -une IA... ?- cherche partout où il passe le pouvoir et est poursuivi sur la planète où il s’écrase. L’auteur met énormément de choses dans les sept pages du texte qui est trop condensé, devient vite brouillon et s’oublie rapidement.
Le dossier s’achève sur quelques recommandations de lectures et de jeux.
Ce numéro de « Galaxies » débute par six nouvelles d’origine diverses : France, Ukraine, Inde et États-Unis.
“Samsara” de Julien Deslangle a remporté le Bussy d’argent 2023. Sunay Agrawal a choisi l’immortalité, rendue possible via un avatar numérique quand on en a les moyens. Après plus de deux siècles, Sunay Agrawal 2 a épuisé toutes les potentialités offertes et s’ennuie prodigieusement, désirant juste en finir. Mais comment mourir dans son cas ? C’est assez introspectif, ce qui prend le pas sur le reste et laisse une impression mitigée.
J’ai préféré “Comment j’ai fini par écrire de la Science-Fiction”, témoignage de Janis Ian, à sa nouvelle “Prie-Lieu”. Les Marcs sont des soldats de premier ordre, mais difficiles à cerner. Une soldate se rend dans la famille de l’un pour annoncer son décès. C’est là que le fossé sociétal se révèle vraiment avec tout un cérémonial qu’elle ne connaît pas, tout comme le lecteur qui se pose bien des questions. L’auteure tourne autour du pot et j’avoue avoir décroché, me demandant ce qu’elle veut bien pouvoir/vouloir dire. Une première décevante, ce qui est dommage pour cette chanteuse américaine engagée aux multiples cordes à son arc.
Forme épistolaire pour “En attendant que tu reviennes” de Louise Sbretana. Pia laisse de mystérieuses lettres à l’attention d’un inconnu, sachant qu’elle risque gros si ces messages sont interceptés. La quatrième et dernière signe la fin de cet échange à sens unique et révèle une belle surprise. C’est original et bien trouvé.
Traduit de l’indien, “Lorsque l’enfant paraît” du Dr. Shantala montre comment une femme dans une station spatiale vit l’accouchement, alors que son bébé a grandi dans un utérus artificiel. La technique doit suppléer à sa présence jusqu’à son retour sur Terre, sans que l’enfant s’en rende compte. C’est assez étonnant et n’est pas sans poser des questions.
Les cinquièmes “Chroniques d’Ukraine” se résument à deux nouvelles.
Avec “Les sauveurs”, l’auteur bicéphale Henry Lion Oldie présente un groupe de quatre enfants aux capacités exceptionnelles, lancés dans des missions pour sauver la planète, rien que ça ! C’est entraînant et se lit avec plaisir.
Dans “Conférence de l’inspecteur principal de la Police criminelle lors d’une réunion (séance dans le sommaire !) du (d’un dans le sommaire !) Club de SF”, Alexandre Zolotko délire sur Ils sont parmi nous... avec cet inspecteur donnant des preuves tirées par les cheveux sur la présence d’aliens. Rien d’enthousiasmant jusqu’à la fin qui rattrape tout et emporte le morceau. Un beau retournement de situation.
“Croisière sur le Fleuve” s’arrête sur Gabriel Jan, auteur aujourd’hui oublié mais traité dans ce numéro plus pour une polémique ayant agité le microcosme de la SF dans les années 70 quant à une partie de son œuvre que pour ses écrits.
Plus de soixante pages (un tiers de la revue !) de chroniques livres, BD et cinéma concluent ce numéro.
Cette 84e livraison de « Galaxies » est grandement consacrée aux Jeux de rôle et Science-Fiction à travers un dossier instructif dont on regrettera deux textes dans l’ombre de celui de Julien Freu. C’est d’ailleurs à l’image de l’ensemble des nouvelles d’un intérêt inégal, ce qui laisse au final un sentiment mitigé.
Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 84 (126 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Couverture : Barpov
Traducteurs : Pierre-Alexandre Sicard (Prie-Lieu et article), Leila Zamar (Lorsque l’enfant paraît), Viktoriya et Patrice Lajoye pour les nouvelles du dossier Chroniques d’Ukraine
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : octobre 2023
ISSN : 1270-2382
N° ISBN : 9782376251873
Dimensions (en cm) : 13,6 x 21
Pages : 192
Prix : 11 €
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