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Solaris n°228
L’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire
Revue, n°228, science-fiction / fantastique / fantasy, nouvelles – articles - critiques, automne 2023, 162 pages, 13,95$ CAD

Cinq nouvelles au sommaire qui lorgnent pour la majorité vers le fantastique merveilleux. Une orientation qui n’est pas habituelle, mais qui en cette saison d’automne n’est pas pour déplaire, quand les jours baissent, que l’humidité s’installe, que le froid s’invite...



Dave Côté présente une société future où un condamné est privé de ses dernières phalanges, donc reconnaissable de suite à ses mains. Rayun est justement un “Dégriffé” qui exorcise sa haine dans une salle de boxe qu’il dirige. Sa situation est assez étrange, il porte aussi un lourd héritage et certains aimeraient l’utiliser pour changer cette société inhumaine. La fin est assez abrupte, c’est surtout le chemin qui y conduit avec les pensées de Rayun évoluant au fil de ses rencontres qui s’avère intéressant. Celui qui a fauté un jour devient un paria à jamais, car pas de retour en arrière. Une idée de départ qui n’est pas sans échos contemporains et qui fait réfléchir.

“Le conte de Botman” ouvre un partenariat avec « On Spec », consœur canadienne anglophone de « Solaris ». Chaque année, un texte sera choisi parmi ses publications et traduit en français. Et inversement. Pour cette première, Liz Westbrook-Trenholm nous offre une incursion en fantasy. Des polymorphes sont envoyés dans notre monde récupérer la fille de la reine, placée dans une famille humaine pour être en sécurité. Hélas, elle a grandi plus que prévu et s’oppose à ce retour. Pour elle, le monde féérique n’est qu’élucubrations. Le déroulement est très agréable avec cette incursion féérique dans notre monde. Les situations cocasses ne manquent pas, notamment quand les parents expliquent tout ce qu’ils ont fait pour cette fille adoptée en douce. Un bon choix pour une première !

Autre traduction de l’anglais : “La voleuse de pommes de terre sous les étoiles indifférentes” d’Alexander Zelenyj dont l’entame dégage un côté assez dérangeant. Un vieillard voit une fille manger des pommes de terre dans son champ. Il l’assomme d’un coup de pelle et la séquestre dans sa cave. Je ne sais pas pourquoi, j’ai tout de suite imaginé un pédophile, mais la suite m’a donné tort. La fille a une peau verte, n’est pas ce qu’elle semble être de prime abord. Il s’agit d’une ode à la nature, apportant le printemps là où elle passe et une nouvelle raison de vivre au vieil homme. Il regarde les étoiles, se demandant d’où elle vient. Être féérique, extraterrestre... ? Qu’importe, il est heureux et a retrouvé la sérénité. Cette nouvelle dégage une certaine zen attitude que l’homme partage en fin de récit. Il y a un côté apaisant à le lire, à se laisser bercer malgré un début perturbant.

Jonathan Reynolds est efficace comme à l’accoutumée. Au début des vacances, une bande de copains apprend l’emménagement d’une belle jeune fille à côté de l’un d’eux. Aussi s’y précipitent-ils tous pour voir cette perle rare. Jonathan tombe sous son charme et la belle semble remarquer l’effet qu’elle lui fait. Les deux se rapprochent et, au fur et à mesure, certains remarquent des bizarreries que Jonathan ignore, il n’a de regard que pour Luna qui l’a ensorcelé au grand dam de ses camarades. À la lecture de la brève biographie de l’auteur, comment ne pas remarquer qu’il est justement originaire de Bromptonville, là où se déroule la nouvelle. Et bien sûr, le choix du prénom de l’amoureux n’est peut-être pas innocent... Il y a forcément anguille sous roche, ce que Jonathan apprendra à la dure. “Un jardin lunaire”, du fantastique efficace et prenant avec cette bande de copains qui en rappelle bien d’autres. Trente pages au déroulement implacable.

Jean-Louis Trudel nous a habitués à œuvrer dans la Hard Science, à l’opposé d’“Un couteau pour la nuit”. Axel regrette la disparition de sa compagne Thémisia, il déménage avec l’aide d’un ami, lui cachant le cercueil qu’il installe à côté de son lit ! Autant dire que le lecteur prend une première claque. Le cas ne semble heurter personne et régulièrement Axel trouve un couteau sur son chemin, comme pour lui indiquer quelque chose. Seconde claque, quand le lecteur comprend son rôle. Pourtant des indices étaient donnés avec le jeu Anges ou démons, à prendre au pied de la lettre. Un Jean-Louis Trudel à contre-emploi, dirais-je, ce qui n’en est que plus surprenant. Il imagine un cas de conscience quasi insoluble et qui ne devrait pas exister. Des images effrayantes, comme de toute beauté, parsèment ce texte vraiment bien vu.

“Les carnets du Futurible” alertent sur un événement qui pourrait très bien se produire et mettre à mal notre société tributaire de ses réseaux électriques et informationnels. “La mère de toutes les pannes électriques ou la tempête solaire qui détruira la civilisation demain”, voilà qui n’est pas sans inquiéter le lecteur. Il suffit de voir comment tout est bloqué dès qu’il n’y a plus de courant, plus d’internet. Une simple panne nous rappelle notre fragilité due à une trop grande dépendance. Le soleil obéit à des cycles, le champ magnétique terrestre nous protège mais celui-ci a diminué, nous fragilisant encore plus. Soit-disant que l’éventualité d’une grande éruption solaire serait prise en compte pour protéger les infrastructures, mais rien ne vaut l’expérience pour savoir si les prévisions se vérifient. Quoique... mieux vaut éviter. « Ravage » de René Barjavel est bien sûr cité au cours de ce long article signé Mario Tessier, toujours aussi instructif et intéressant à lire.

Dans le volet critique, “Le Daliaf présente...” « Blessures » de Ying Chen, court roman à la croisée des genres. Et les pages s’achèvent sur la recension signée Élisabeth Vonarburg de « L’art du vertige » de Serge Lehman, un élégant ouvrage dans lequel l’auteur mène une réflexion personnelle autour de la SF.

Des textes attractifs et surprenants, un soleil qui nous inquiète et fascine à la fois... un très bon numéro de « Solaris », différent des autres par sa dominante fantastique souvent mâtinée de merveilleux.


Titre : Solaris
Numéro : 228
Direction littéraire : Jean Pettigrew, Pascal Raud, Daniel Sernine, Francine Pelletier et Élisabeth Vonarburg
Couverture : Tomislav Tikulin
Illustrations intérieures : Sagana Squale, Laurine Spehner, Julie Ray, Émilie Léger, François Pierre Bernier et Suzanne Morel
Traductions : Pascal Raud (Le conte de Botman et La voleuse de pommes de terre sous les étoiles indifférentes)
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris
Période : automne 2023
Périodicité : trimestrielle
ISSN : 0709-8863
ISBN : 9782924625965
Dimensions (en cm) : 13,3 x 21
Pages : 162
Prix : 13,95 $ CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
16 novembre 2023


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