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Bifrost n°112
La revue des mondes imaginaires
Revue, n°112, nouvelles - articles - entretiens - critiques, octobre 2023, 192 pages, 11,90€

Avant d’ouvrir les pages de ce « Bifrost », impossible de passer à côté de la couverture de toute beauté. Pour se rendre compte de sa richesse, de sa minutie avec quantité de détails et ses jeux de couleurs, il faut tenir la revue en mains et l’examiner sous tous les angles, le seul moyen d’appréhender tout le travail de Saralisa Pegorier. Bien sûr, il ne faut pas se focaliser sur ce qui saute aux yeux, sans chercher plus loin.
Apparaît aussi le nom de l’auteure mise en avant ce trimestre : Anne Rice (1941-2021).



Je dois avouer, ou confesser pour être davantage dans le ton du dossier, ne guère être amateur de cette dernière. Malgré mon a priori de départ, je n’en ai pas moins lu avec intérêt le dossier qui lui est consacré. Stéphanie Chaptal et Morgane Caussarieu dressent son portrait à travers sa vie et son œuvre. Même si les deux apprécient la dame, elles n’omettent pas ses faiblesses (par exemple, succès aidant, sa volonté de ne pas écouter ses éditeurs et de ne pas retravailler ses écrits) et ses errements à travers sa foi connaissant des hauts et des bas, ce qui a entaché certains récits. Un entretien orchestré par Hubert Prolongeau enrichit aussi le dossier, ainsi qu’un interview d’Adrien Party revenant sur l’importance d’Anne Rice dans la littérature fantastique. Elle a notamment modernisé la figure du vampire, y insufflant une bonne dose d’érotisme. Morgane Caussarieu décrypte les quinze tomes des « Chroniques des vampires », dressant au final une liste des titres à lire, afin d’éviter les volumes dispensables qui risquent d’éloigner à coup sûr les curieux. De manière générale, Anne Rice n’était guère ouverte à la critique, même celle venant des lecteurs qui, dans ce cas, n’avaient rien compris à son œuvre selon elle. Ses divers romans relevant de l’imaginaire sont chroniqués et, dans l’ensemble, les avis ne sont guère élogieux (les trois quarts m’ont semblé à éviter !). Une bibliographie dressée par Alain Sprauel clôture ce dossier.
Le travail d’ensemble est remarquable et vraiment intéressant, même si je reconnais que l’œuvre d’Anne Rice n’est clairement pas pour moi. D’ailleurs, je ne résiste pas à l’envie de partager un bout de l’introduction au dossier : « ... elle a réinventé la littérature gothique d’horreur du XXe siècle, et fait partie des pionnières de tout un pan de l’urban fantasy, registre qui donnera, bien des années plus tard, naissance à la bit-lit, puis à la romantasy, autant de sous-segments littéraires hypermarketés généralement dispensables, mais qui font pleuvoir à grosses gouttes l’huile dollar dans les rouages éditoriaux... ».
Dans la droite ligné de sa mère, Christopher Rice n’a jamais donné suite aux demandes du Bélial’ pour publier un court texte de la reine des damnés dans ce numéro. Pas de regrets pour ma part, surtout qu’avec “Le maître de musique”, Morgane Caussarieu semble faire référence au roman « Le violon », tout en non-dits lourds de sous-entendus.

Voilà longtemps que Robert Charles Wilson est absent des étalages, aussi ne peut-on que se féliciter de la publication de “Dans le corps du ciel”, nouvelle qui éveille rapidement la curiosité avec ces objets passant dans le système solaire. Bien des siècles plus tard, deux amis imaginent leur avenir de manière très différente. Tao reste terre à terre, travaille pour le bien général, alors qu’Esmi voit son corps comme une entrave et aimerait s’incarner dans une machine pour explorer les étoiles. Beaucoup de choses figurent dans cette nouvelle, laissant la part belle à l’imagination et à la rêverie. Vivement un nouveau bouquin de Robert Charles Wilson, tant sa voix est originale !

Élodie Denis est quasi une inconnue, aussi “Par une route sans fin” relève de la bonne surprise. Au volant d’une DeLorean (référence qui n’échappera à personne), Abi fait des bonds dans le temps, obéissant aux ordres du Central. Le jour où elle contrevient aux instructions, tout déraille... Le déroulement s’avère des plus intrigants : que fait-elle vraiment ? Pourquoi ces voyages temporels avec de telles contraintes ? L’auteure garde toujours une part de mystère, dispose d’une belle plume et sait jouer avec les références pour donner du cachet à cette nouvelle qui, on l’espère, sera suivie d’autres.

Ray Nayler régale une fois de plus avec “Le loup du passé” qui n’est autre qu’un robot de combat qu’une jeune fille ramène à la vie dans un futur post-apo qui ressemble à l’existence dans le passé avec élevage de moutons et de chèvres menacés par la présence de loups. Si le robot éloigne les prédateurs, il peut avoir une autre utilité dans cette société où une femme s’apparente aussi à une proie. L’actualité s’invite de manière remarquable dans cette très belle nouvelle. Il est à noter que le recueil « Protectorats » est paru en septembre 2023 au Bélial’.

Le professeur Lehoucq s’intéresse aux pulsars, revenant sur le roman « L’œuf du dragon » de Robert L. Forward. Limpide et instructif, comme à l’accoutumée.
Nathalie Mège est interviewé par Erwann Perchoc sur sa carrière de traductrice. Dans les dernières pages de la revue, Mathias Échenay, son éditeur chez La Volte, et Dominique Martel et Hellen Herzfeld, les Quarante-Deux, rendent hommage à Philippe Curval, disparu le 5 août 2023.
Et bien sûr, « Bifrost », c’est aussi un important volet critiques, sans oublier l’éditorial d’Olivier Girard qui, ce trimestre, évoque la liquidation judiciaire des éditions ActuSF, pas forcément une surprise pour qui savait observer les signes avant-coureurs. Des regrets mais aussi de la lucidité.

Un « Bifrost » consistant qui fait la part belle au fantastique avec le dossier Anne Rice très bien mené, sans oublier la SF avec de belles nouvelles.
Un très bon numéro.


Titre : Bifrost
Numéro : 112
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Saralisa Pegorier
Illustrations intérieures : Franck Goon, Philippe Gady, Nicolas Fructus et Matthieu Ripoche
Traductions : Gilles Goullet (Dans le corps du ciel) et Henry-Luc Planchat (Le loup du passé)
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 112, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : octobre 2023
ISBN : 9782381631035
Dimensions (en cm) : 15 x 21
Pages : 192
Prix : 11,90€



Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
1er novembre 2023


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