Vous connaissez cette histoire ? Pas vraiment. Flore Vesco s’empare du conte fantastique des frères Grimm et se l’approprie pour brosser un portrait saisissant de la société médiévale, au travers des yeux d’une héroïne tenace mais sans cesse en danger : pauvre, fille, rousse, presque femme et donc attirant regards et appétits... Le travail lui a donné force et endurance, la vie à la dure a développé sa malice et son intelligence pour se tirer par la ruse des mauvais pas.
Et malgré tout, Mirella n’est pas devenue méchante. Contrairement à ses contemporains, elle ne crache pas sur plus faible qu’elle, au contraire, elle sait tendre la main. A Pan, le garçonnet qui vient remplacer le porteur mort. Aux lépreux du lazaret voisin, qui lui font en échange un précieux cadeau.
L’histoire fera la part belle à ses qualités, puisque au contraire du conte qui déploie des solutions magiques pour faire le bien puis le mal, c’est Mirella qui participe fortement au sauvetage du village, laissant le joueur, mâle et donc tellement plus crédible, s’en attribuer les lauriers, avant de sauver les enfants survivants. Si la morale est toujours bien présente, elle est moins cruelle, moins brutale que dans le conte, et beaucoup plus positive.
Mais au-delà de la réécriture, du récit fortement féministe qu’en fait l’autrice, il faut saluer le travail d’écriture, riche en grammaire et vocabulaire médiéval ou à sa ressemblance, flanqué de tournures désuètes, de préfixes et suffixes depuis longtemps disparus, dans les dialogues comme dans la narration. Tout cela donne une couleur vraie à ce roman, sans pour autant nuire à la lecture. Un petit lexique final aide à s’y retrouver, mais sans qu’il soit vraiment nécessaire de s’y référer au fil de la lecture. Les notes de bas de pages sont rares, et plus souvent humoristiques, comme les attributs des différents saints patrons, sans qu’on puise déceler le vrai, l’historique, de la fiction. L’autrice pousse le souci du détail très loin, avec des titres de chapitres qui forment une comptine, écho à musicalité des contes médiévaux tout comme aux chansons que Mirella invente et qui sont au cœur du récit.
C’est beau, subtil, respectueux de la matière merveilleuse (à la fin) et fortement irrévérencieux et drôle (tout le long) malgré l’omniprésnece du danger etd e la mort. Flore Vesco donne la parole et le flambeau à une moins-que-rien à l’âme d’ange, elle nous oblige à regarder cette histoire par le prisme du plus faible mais aussi du plus juste, et en fait un pamphlet pour la solidarité, l’entraide et l’humanité en des temps de peur, d’épidémie et de mort hélas toujours autant d’actualité.
« L’estrange Malaventure de Mirella » a raflé à juste titre les récompenses : prix Vendredi 2019, Prix Sorcières et Imaginales jeunesse 2020.
Enfin, les couvertures de Thomas Gilbert, pour le grand format -rehaussé de rouge métallique- comme le poche, sont très belles, idéalement captivantes pour le public ado visé.
Titre : L’Estrange Malaventure de Mirella
Autrice : Flore Vesco
Couverture : Thomas Gilbert
Éditeur : L’École des Loisirs (édition originale : ,)
Collection : Médium +
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 215
Format (en cm) :
Dépôt légal : avril 2019
ISBN : 9782211301558
Prix : 15,50 €
Poche
Collection : M+ poche
Pages : 215
Format (en cm) :
Dépôt légal : mars 2021
ISBN : 9782211312813
Prix : 8,50 €
Prix Vendredi 2019
Prix Sorcières 2020
Prix Imaginales Jeunesse 2020