C’est quoi ce jeu ?
Blue Orange est un éditeur largement connu pour ses jeux familiaux et ses jeux destinés aux enfants. L’éditeur souhaite donner à jouer des règles accessibles, rapides à assimiler et à mettre entre toutes les mains.
À travers cette nouvelle proposition ludique, l’on peut entrevoir une orientation éditoriale nouvelle. Blue Orange a fait cette fois appel au talent des auteurs Thomas Dupont (« Codex Naturalis », la gamme « Cartaventura, « Rush Out », « Dunaïa ») et Antoni Guillen (« Monki »), et de l’illustrateur Mark Oliver pour élargir la gamme en créant un jeu plus complexe à l’univers high tech « psychédécalé ».
Il vous incombe en abordant ce jeu, de concevoir les plus beaux rêves pour des robots auxquels vous devrez assurer un agréable sommeil par la gestion de votre usine à rêves. Cette usine fabrique des rêves à hauteur de robot. Des rêves d’herbe verte, de fleurs blanches et de moutons.
Votre mission sera de récupérer des tuiles Machine contre différentes ressources afin de les produire sur votre tapis de construction. Il faudra optimiser votre usine et offrir les plus beaux rêves possibles. Les plus beaux étant dans ce cas, ceux qui rapportent le plus de points.
Dans la boîte
Vous disposez d’un plateau personnel joueur sur lequel faire avancer vos machines et compter vos points de moutons électriques. Le carton est assez épais mais le plateau étant plié, lors de sa mise en place, une irrégularité se forme qui peut faire légèrement glisser vos tuiles machines.
Vous y comptabilisez aussi vos 2 ressources principales, l’encre magique et les fleurs électriques, sous la forme de 2 roues qui évitent les objets à manipuler et sert aussi à en limiter la possession, premier point de gestion. Il vous reste les arc-en-ciel, les meeples assistants et votre compteur de points/moutons électriques tous en bois.
Sur un plateau central, aussi épais et à double face pour pouvoir jouer avec un module avancé, sont disposées les différentes actions du jeu, prises de ressources, de bonus et de tuiles.
Ces dernières, comme les plateaux, sont graphiquement designées en perspective 3D. Ce qui donne des tuiles peu aisées à mélanger (lorsque l’on est un peu gauche), et une vision perspective du jeu un peu troublante. Cependant, l’œil s’habitue vite et le format se laisse prendre en main rapidement.
Au final, le matériel sans plastique (excepté les petites attaches pour les compteurs), très fun et coloré, est agréable à manipuler et apporte une touche de fantaisie à l’ensemble.
Comment on joue ?
Sur votre plateau joueur, vous enverrez travailler à l’usine successivement 3 assistants, un le matin, un l’après-midi et un le soir.
Soit au magasin de stockage pour récupérer des ressources, soit sur le quai de livraisons afin de bénéficier de différents bonus (encres magiques, fleurs électriques, engrenages permettant de relancer une de vos tuiles Machine construites, points de victoire ou sabliers qui font avancer vos tuiles Machine), ou encore pour récupérer une tuile Machine en en payant le coût en ressources et pour la poser sur votre tapis roulant.
Au fil de la journée, les assistants voient leur rendement baisser et donc la force de leurs actions diminuer. Ingénieuse trouvaille !
Puis les machines progressent dans leur construction si un assistant au moins se trouve dessus. Et il faudra continuer à les faire avancer pour qu’elles parviennent au bout de la chaîne et soient construites. Ainsi opérationnelles, pendant la phase de nuit, elles produiront différentes ressources gratuitement ou contre d’autres ressources.
Au bout des 7 manches de 3 tours, celui qui a le plus de points remporte la partie.
On en pense quoi ?
Dès la couverture au design très graphique et coloré, on se demande sur quel genre de jeu on va tomber. L’aspect est attirant mais cela s’adresse-t-il uniquement aux enfants ou bien le « 10 ans et + » sur la boîte permet-il d’envisager qu’il puisse aussi toucher les adultes ?
Surtout que l’inspiration thématique semble provenir du fameux roman de science-fiction de l’auteur Philip K.Dick intitulé « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » qui a donné « Blade Runner » au cinéma, et on ne peut pas dire que l’ambiance était au beau fixe avec une vision de notre futur très dark, un monde ravagé pluvieux, au bord du déclin. L’année 2019, celle du film, est maintenant passée et les voitures ne volent toujours pas. Pour ce qui est du reste… à chacun de juger.
À l’ouverture de la boîte, le matériel tout carton aux graphismes qui peuvent rappeler l’univers Lego donne envie de s’en emparer comme on le ferait d’un jouet.
Il est visuellement riche, regorgeant de couleurs flashy, très tranchées, permettant à la fois une immersion dans un monde « parallépipédique », robotisé, qui pourrait tout à fait correspondre à des décors d’un nouveau long-métrage de chez Pixar, et en même temps qui reste très lisible, après s’être habitué à la perspective 3D qui déconcerte un peu à la découverte du jeu.
D’apparence un peu denses, les plateaux sont pourtant très fonctionnels, les emplacements deviennent rapidement évidents et logiques et les icônes sont très claires, porteuses de sens dans le jeu.
La séquence de jeu en 2 grandes phases, jour et nuit, permet d’enchaîner les actions avec logique. Cependant, pour les joueurs débutants, jeunes ou moins jeunes, il faudra appréhender cette pratique avant d’en saisir concrètement l’efficacité.
Au-delà de son aspect enfantin tout mimi, « Mech A Dream » impose très vite une réflexion.
Les assistants étant de moins en moins efficients au fil de la journée, il faut décider du bon moment de la récolte des ressources ou des tuiles.
Le choix de ces dernières ne doit pas être pris à la légère car selon le temps qu’elles demandent pour être construites, vous devrez bien choisir ensuite les bonus de sablier, qui autorisent leur avancée sans assistant, et parfois même « sacrifier » un adjuvant pour accélérer le processus.
Il s’agit donc d’optimiser chaque placement pour qu’ils offrent une rentabilité maximale. Il est indispensable d’éviter les actions trop neutres.
Même l’acquisition des ressources demande de la vigilance d’optimisation. Si vos machines produisent beaucoup d’encres magiques, votre stock possible étant limité, vous risquez de vous retrouver à en produire pour rien alors qu’il vous aurait fallu plutôt à ce moment de la partie des fleurs électriques pour profiter des bonus du quai de livraisons.
Quel enchaînement sera le plus efficace ? Tout est vraiment une question de bon tempo.
Cependant, il ne s’agit pas d’une course. Il faut éviter de se précipiter et savoir attendre patiemment son heure… sans trop non plus. Le juste réglage pour le juste dosage.
Dilemme, dilemme !
La configuration de jeu a une certaine importance sur le renouvellement des tuiles.
À 2, il est compliqué de trouver les bonus de tuiles les plus intéressants et l’on peut finir avec le même type de tuile, donc les mêmes gains de ressources et dans l’impossibilité d’avoir un jeu plus varié et équilibré, particulièrement sur les tuiles jaunes qui rapportent uniquement des points.
À 4, les tuiles changent plus vite. Il faudra évidemment être le plus chanceux ou le plus rapide pour prendre les tuiles efficaces, mais le choix reste ouvert.
Peut-être que défausser certaines tuiles en fin de manche aiderait à ouvrir le champ des possibles…
L’univers se situe donc à des années-lumière de l’atmosphère étouffante de « Blade Runner », et c’est une sacrée bonne nouvelle. Il est plaisant, coloré bubble gum, appelle à jouer et s’apprivoise avec plaisir.
« Mech A Dream » est vraiment un agréable jeu de gestion de ressources très rythmé. Un jeu passerelle qui comprend des mécaniques d’horloger tout en proposant divers modules pour varier le gameplay et les difficultés.
Il s’adresse à des joueurs.ses qui veulent se frotter à un jeu plus complexe qui a le bon goût de se rendre lisible rapidement. Cela évitera de perdre les non aguerris sur les rouages du tapis roulant.
À lire sur la Yozone :
l’entretien avec Thomas Dupont, auteur du jeu
Mech A Dream
Thème : fabriquer les moutons électriques des rêves des androïdes
Mécanique(s) : gestion de ressources, engine building
Âge : 10 ans et plus
Nombre de joueurs : 2 à 4
Durée d’une partie : 45 min environ
Auteur(s) : Thomas Dupont & Antoni Guillen
Illustrateur(s) : Mark Oliver
Éditeur : Blue Orange
Date de sortie : 17 février 2023
Illustrations © Mark Oliver & Blue Orange