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Cycle d’Elric (Le)
Michael Moorcock
Omnibus, intégrale, fantasy, 1218 pages, avril 2006, 25€

Elric est le dernier de sa lignée. Sorcier, guerrier, il possède -ou est possédé par- Stormbringer, l’épée « tumul-tueuse ».
Omnibus se risque à publier une intégrale d’un texte fondateur et iconoclaste, fantasy revisitée ET révolutionnaire, où les repères s’évanouissent souvent au profit d’une écriture qui alterne le sublime et le moins bon.




Michael Moorcock ne s’en est jamais caché, son « Cycle d’Elric » ne fut pas toujours une affaire bien sérieuse (et là, j’ai déjà l’impression d’énerver beaucoup de monde !).

Alors que l’on attend toujours une adaptation filmée dont Vin Diesel ne sera surtout pas (Moorcock dixit !), c’est plus de 1200 pages qui nous tombent sur le coin de la figure en provenance du fameux Multivers créé par l’écrivain.

Mais Elric, c’est quoi ? Un héros atypique, pas beau, pas gentil dont la destinée est forcément encombrée. Une suite de plusieurs romans et nouvelles, souvent novateurs et brillants, d’autres fois, franchement très mineurs. Une épopée située quelques 10 000 ans avant... ou après notre ère (on ne sait).
Mais l’intérêt d’Elric est aussi dans les bordures et les fossés que les contemporains de l’auteur se sont empressés d’occuper. BD, peinture, rock’n roll, comics, tout le monde a sa vision d’Elric.
En outre, nous n’oublierons pas de signaler que la création de Moorcock est aussi une figure emblématique des « Jeux de Rôles » où son univers est décliné à l’infini.
Cependant, Elric est aussi un renversement des valeurs du genre fantasy, un exercice de style décontracté, pas toujours sérieux, parfois tragique et sublime, dont les hauts faits rendent obsolètes tout ce qui est publié depuis des lustres dans le genre.

Si l’on s’intéresse à la fantasy sur le mode maniaque, on ne peut rater Elric. Néanmoins, on peut préférer « Le Cycle des Épées » de Fritz Leiber, chef d’œuvre absolu de Sword and Sorcery, d’un niveau littéraire bien plus soutenu et forcément plus classique -moins surprenant aussi.
On peut tout dire sur Elric, d’ailleurs les critiques et les amateurs l’ont fait depuis longtemps et la folle sarabande des analyses-théories n’est pas encore prête de s’arrêter.

Nous ne reviendrons pas sur le fond de l’œuvre, renvoyant le lecteur à la parfaite préface (comme à l’habitude) de Jacques Goimard. Tout est dit et il n’y a pas grand chose à ajouter là-dessus. L’avant-propos de Moorcock est à lire aussi car l’auteur résume succintement et avec une grande sincérité ce que fut Elric pour lui. Le lexique des personnages concluant cette intégrale est une petite cerise sur le gâteau pour les fans.

Et au milieu coule une rivière capricieuse, encombrée de cadavres. Car Elric tue beaucoup, pas toujours à bon escient mais telle est sa destinée !
L’écrivain avoue des racines existentielles à Elric. Ce n’est pas faux. De là à placer le tout au rayon des chef d’œuvres littéraires à ne pas rater, il y a une marche que nous ne franchirons pas.
C’est que vivre impose de gagner sa vie. Et Elric joua aussi ce rôle alimentaire pour Moorcock. Vite pensé, vite écrit, les possesseurs des volumes du Club du livre d’Anticipation (Opta) peuvent se contenter de ce qu’ils ont déjà entre les mains.
Soit, ça ne fait pas grand monde et c’est finalement heureux pour un volume Omnibus dont le rapport qualité/prix s’avère assez imbattable pour le coup.

Partant, faut-il lire tout cet « Elric » ? Bon, why not, mais on n’est pas obligés non plus ! Se limiter au “cœur originel” du cycle (« Elric le Nécromancien », « La Sorcière Dormante », « L’Épée Noire », « Stormbringer ») et à sa conclusion (« Elric a la Fin des Temps ») est même vivement conseillé. « Le Cycle d’Elric » est un peu comme ces vieux groupes de rock. Passé quelques albums révolutionnaires, le reste n’est plus du même tonneau, mais procède surtout de l’art du travail bien fait (ou parfois bâclé, avouons-le), de besoins financiers passagers, agrémenté de quelques instants de surtensions bienvenues. Des retours de flammes (« Elric a la Fin des Temps » encore) qui vous réconcilient forcément avec l’ensemble.

Reste alors ce sentiment tenace d’avoir entre les mains quelque chose d’indispensable et d’imparfait, mais dont l’énergie résiduelle suffit quand même à arracher le morceau sans coup férir.

Rien que pour le personnage inédit, en rupture totale avec les héros passées, présents et futurs de la fantasy contemporaine, on adhère à l’ensemble. Quand le tout est soutenu par un Moorcock un peu concentré sur son sujet, on touche au génial. Quand le style est plus distendu, seuls les aspects purement distrayant émergent des romans.

Ceci dit, par sa créativité, son ampleur, « Le Cycle d’Elric » est un formidable coup de pied aux fesses qui surprend toujours !

À lire également sur la Yozone : Délices & Daubes n°15
« Indigeste et cultissime »
(Henri Bademoude).

Titre : Le Cycle d’Elric
Auteur : Michael Moorcock
Textes : Elric des Dragons, La Forteresse de la Perle, Le Navigateur sur les Mers du Destin, Elric le Nécromancien, La Sorcière Dormante, La Revanche de la Rose, L’Épée Noire, Le Dernier Enchantement, Stormbringer, Elric à la Fin des Temps. Avant-propos de Michael Moorcock, préface de Jacques Goimard, Lexique des personnages.
Traduction (de l’anglais) : Daphné Halin, Gérard Lebec, George W. Barlow, Michel Demuth, Franck Straschitz, E.C.L. Meistermann.
Couverture (souple) : Atelier Didier Thimonier (photo © The Bridgeman Art Library)
Éditeur : Place des Éditeurs, Omnibus, 12, avenue d’Italie, 75013 Paris
Site internet : Omnibus
Pages : 1218
Format (en cm) : 13 x 3 x 20 (broché)
Dépôt légal : avril 2006
ISBN : 2-258-06682-4
EAN : 9 782258 066823
Prix : 25€


Stéphane Pons
27 novembre 2006


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