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Méto : Zone noire
Yves Grevet
Syros, Hors série, roman (France), anticipation, 275 pages, octobre 2022, 16,95€

Deux ans ont passé, et Méto et ses compagnons ont fait s’effondrer le système des Maisons. Le décès de leurs concepteurs, dont le grand-père de Méto, laisse présager un avenir moins sombre, à reconstruire.
Mais la sœur de Méto a été enlevée, et on lui demande de se livrer contre sa liberté. Méto y voit l’occasion de passer en zone contaminée et de trouver le Cube Noir, la dernière Maison de très sinistre réputation. La région est à la merci des bandits et des trafiquants, et lorsque Méto arrive à destination, il retrouve de vieux ennemis.



Plus de dix ans après l’immense succès de la trilogie originale, et la publication d’autres très bons romans (citons « Celle qui sentait venir l’orage », « U4:Koridwen » ou dernièrement « Sable bleu »), Yves Grevet replonge dans l’univers post-apo de son jeune héros au nom romain. Le bond temporel dans la fiction est moindre : deux ans se sont écoulés, et si les jeunes des anciennes Maisons sont désormais libres, le monde n’est pas encore nettoyé des ravages causés par leurs aînés. A l’est demeure la zone contaminée, interdite à la population, une lande sauvage et mystérieuse où sévissent bandes armées.

On retrouve le même ton, la même narration très directe que dans la trilogie originale : du présent, des dialogues très directs, des descriptions utilitaires. Le monde de Méto est sans pitié, et ne laisse que peu de place à la rêverie et au sentimentalisme, tout y est au contraire tourné vers l’instant présent, tant la mort peut frapper à tout moment. En comparaison des autres romans de l’auteur, le style peut ainsi paraître très sec, démonstratif, presque froid. Ce ton sert parfaitement l’histoire, son atmosphère sombre et délétère, dans laquelle les instants d’humanité brillent comme de trop rares lumières. Méto croisera une famille qui vit isolée, entourée de pièges pour tenir les bandes à distance. L’homme, un ancien soldat, a du mal à faire confiance. Il faudra toute la franchise et la sincérité de Méto pour le convaincre de l’aider. Idem, à son arrivée au Cube Noir.
Cette histoire ressemble fortement à une opération commando, puisque Méto et une poignée de ses amis vont donc s’attaquer au Cube, échapper aux gardes et tenter d’en délivrer les enfants du joug du César et de la Matrone qui les régentent. On retrouve, comme dans la trilogie originale, les leviers de suspense similaires : le danger d’être capturé ou trahi, l’arrivée sous peu de renforts, le coffre-fort au code inviolable...
Ce qui diffère c’est l’ambiance au Cube, puisque les dirigeants ont instauré un culte de leurs personnes, ce que Jove avait toujours combattu. La Maison prend des allures de secte, les enfants n’en apparaissent que davantage endoctrinés, inféodés à leurs maîtres. Pour Méto, Caelina et les autres, les libérer passe aussi par éveiller leur conscience. De manière plus condensée que dans « Le Monde », vient aussi la question du jugement des bourreaux, et du désir de violente revanche des enfants, que Méto leur déconseille. Dans « Zone Noire », on lit un excellent condensé de la libération des peuples des dictatures qui les opprimaient (voire de la Libération en 1944), et des hésitations sur la conduite à tenir ensuite pour se montrer juste et non pas aussi monstrueux que les monstres vaincus.

L’ouvrage se referme sur la fuite, une bataille inégale, où nos héros ne maîtrisent rien. Ce que l’histoire perd en symbolique, elle y gagne en action pure, en la démonstration d’un conflit à armes inégales, aveugle et meurtrier, preuve au chemin qui reste à parcourir avant la paix, qui ne sera retrouvée qu’une fois rentré sur l’île.

Malgré ma lecture récente de la trilogie originale, ce « Zone Noire » me laisse une plus étrange sensation, son ton sec, sa narration au présent et sa froideur m’ont encore davantage sauté aux yeux. C’est un très bon exercice de style, très bien maîtrisé, mais un roman bien peu « accrocheur » : la part de pensées, de sentiments exprimés est si réduite qu’on l’imagine sans mal transposée à l’écran sans perte de matière, avec des acteurs peu expressifs, qui diraient leur texte presque mécaniquement. C’est une drôle d’impression, née du constat qu’on regarde Méto et ses compagnons agir, mais qu’on peine à s’identifier puisqu’ils ne laissent que peu de prises au lecteur, tant ils se sont blindés pour survivre.
On ne s’y plonge pas, au contraire, on reste en surface, en surplomb, à regarder, d’autant plus impuissant. Cette distance, encore une fois, sert très bien le propos de la série, mais peu surprendre, voire dérouter les lecteurs habitués à plus d’empathie avec leurs héros.

Trois BD sont sorties cet hiver, autour de nouveaux personnages apparus dans ce volume, dessinées par Nesmo qui avait déjà illustré la trilogie originale. Il faut s’attendre à voir l’univers de Méto s’étoffer encore, et peut-être au bout ce monde redevenir paisible et offrir à ces jeunes gens une vie, et pas seulement une survie.


Titre : Méto : Zone noire
Série : Méto, tome 4
Auteur : Yves Grevet
Couverture : Thomas Ehrestsmann
Éditeur : Syros
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 275
Format (en cm) :
Dépôt légal : octobre 2022
ISBN : 9782748530445
Prix : 16,95 €



Nicolas Soffray
2 mars 2023


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