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Galaxiales (Les) - L’intégrale
Michel Demuth
Le Bélial’, Kvasar, fix-up (France), science-fiction, 668 pages, novembre 2022, 29,90€

En 1976 paraissait le premier volume des « Galaxiales » chez J’Ai Lu, trois ans plus tard le second, toujours sous une couverture de Christopher Foss, mais le troisième n’est jamais sorti. Trop accaparé par ses diverses activités, Michel Demuth n’a jamais trouvé l’énergie ni le temps d’achever sa grande œuvre, à savoir son histoire du futur, dont les volumes présentaient justement la chronologie avec les grands événements et tendances décidant du sort de l’humanité. Ces deux volumes lus à la suite m’ont fait rêver, voyager et combien de fois ai-je consulté cette frise du temps, désireux de savoir ce que cachait chaque titre de nouvelle... Je pense que nous devions être nombreux à vouloir poursuivre cette projection dans le futur, sous la prose envoûtante de Michel Demuth.



Cette intégrale a justement pour but de combler les trous et de donner à ces « Galaxiales » leur forme définitive. En introduction, Richard Comballot raconte comment ce projet a été lancé vers 2010. Il est devenu réalité en 2020 quand il a sollicité des auteurs pour la rédaction des nouvelles manquantes. Entre temps, bien des noms prestigieux (Ayerdhal, Roland C. Wagner, Daniel Walther...) ont rejoint les étoiles, ne pouvant apporter leurs mots à l’édifice. Malgré tout, cette intégrale a fière allure : un gros volume avec rabats, l’illustration de couverture reprise d’« Yragaël » de Philippe Druillet et colorisée par Nicolas Fructus. Un livre qui pèse son poids et délivre un maximum de plaisir.
Comme l’explique dans la préface Serge Lehman, Michel Demuth avait “La classe américaine”. Rien à redire, « Les Galaxiales » se rangent aisément aux côtés de l’« Histoire du Futur » de Robert Heinlein et des « Seigneurs de l’Instrumentalité » de Cordwainer Smith. Trente jalons posés à travers 2000 ans dressent cet avenir qui débute en 2020 par une première mission spatiale ratée (“L’été étranger”, la première nouvelle du cycle parue dans le numéro 140 de « Fiction » en juillet 1965). Mais l’humanité ne s’arrête pas à un échec et se lance à la conquête de l’espace. La Terre décline, ses états sont divisés et se déchirent dans des guerres intestines, faisant le jeu de Mars. À partir des années 2070, la transmission de matière permet de s’affranchir des distances une fois qu’un relais est placé sur une planète. L’Église de l’Expansion en est née avec ses premiers martyrs luttant contre l’effet de labyrinthe. Les pouvoirs politiques, économiques et religieux cherchent à asseoir leur domination lors de cette expansion à travers l’espace. Les empires s’effondrent quand les distances s’accroissent et puis fatalement l’humanité croise le chemin des Autres, des êtres qu’elle ne peut comprendre. Cette partie de l’histoire est essentiellement traitée par les auteurs qui ont rejoint le projet. L’humanité lutte sur de nombreux fronts, mais se bat essentiellement contre elle-même, à travers différents empires, ceux qui déclinent et ceux qui prennent de l’importance, les Autres leur échappant, se contentant d’être là. La dernière nouvelle écrite par Michel Demuth et l’avant dernière du cycle, “Yragaël ou la fin des temps”, laisse une impression de décadence, différentes espèces se côtoient sur Fleur-d’Ocre, une planète sans espoir, un terminus sans retour. Jacques Barbéri signe la conclusion des « Galaxiales ». En partant du simple titre, “Le Sceau de Syoïse” et de l’indication « Tentative de Second Empire : règne de Syoïse le Poisson », il a imaginé un tyran élevé quasi au rang de Dieu, l’être à éliminer pour que l’humanité puisse espérer un avenir meilleur. Chaque auteur a dû relever un tel défi : partir d’un titre de la frise chronologique pour écrire une nouvelle s’inscrivant harmonieusement dans ce vaste projet. Le texte est à chaque fois précédé d’un exergue décrivant en quelques phrases et dans les grande ligne la situation générale, avant de se focaliser sur un événement pas forcément prépondérant, mais apportant sa touche de couleur au tableau final. Seul “Sénémyane” d’Ugo Bellagamba interpelle avec une longue introduction suivie d’un poème qui me semble revenir sur ce qui s’est passé précédemment. La forme étonne et c’est surtout l’exergue qui apporte quelque chose à l’ensemble, même si le reste s’apparente à un cri de détresse, à un appel à l’aide. Il est à noter qu’Ugo Bellagamba a aussi achevé “Chanson pour givrer le temps” dont le début a été retrouvé sur le disque dur de Michel Demuth.

Il se dégage de l’ensemble une belle homogénéité, il n’y a pas vraiment d’impression de rupture entre l’œuvre de Michel Demuth et les récits des auteurs invités, à savoir : Jacques Barbéri, Ugo Bellagamba, Olivier Bérenval, Richard Canal, Jean-Jacques Girardot, Christian Léourier, Colin Marchika, Dominique Warfa et Joëlle Wintrebert. Du beau monde qui a su relever un véritable défi ! En effet, en dehors des textes déjà écrits et de la frise chronologique, pas grand-chose sur quoi se baser pour insérer son texte dans la grande histoire du futur made in France. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, comblant les trous laissés par Michel Demuth.

À titre personnel, ma lecture des titres en J’Ai Lu m’avait fasciné, cette vision du futur avec des débuts se déroulant en France, donc chez nous, constitue une de mes grandes expériences de lecture. J’ai relu les nouvelles originales avec le même plaisir, replongeant avec délice dans la prose envoûtante de l’auteur qui m’avait déjà emporté si loin. Cette intégrale me transporte encore plus loin, je redécouvre cette histoire du futur française que je rapproche davantage de celle de Cordwainer Smith que de celle d’Heinlein. Comment oublier certains textes comme “La course de l’oiseau Boum-Boum” ou encore “Haine-lune”... et j’en passe.

Il s’agit de rien de moins qu’un des chefs-d’œuvre de la science-fiction française qui prend là une nouvelle dimension. « Les Galaxiales », l’histoire du futur imaginée par Michel Demuth, trouvent son terme de fort belle manière : un très bel objet et surtout un contenu de haute volée avec des morceaux de bravoure qui ne s’éteindront jamais dans nos esprits. Remettre ce monument sur le devant de la scène tient de l’acte militant salutaire.
Un livre à ne surtout pas manquer.


Titre : Les Galaxiales - L’intégrale
Auteur : Michel Demuth
Sommaire et auteurs de chaque texte :
- Le Jeune Homme et les Étoiles…, introduction par Richard COMBALLOT
- La Classe américaine, préface par Serge LEHMAN
- L’Été étranger, Michel DEMUTH
- Les Grands Équipages de lumière, Michel DEMUTH
- Gamma-Sud, Michel DEMUTH
- Mantes – Voyage par les prés et les bois de France, Michel DEMUTH
- Le Fief du félon, Michel DEMUTH
- Un rivage bleu, Michel DEMUTH
- Aphrodite 2080, Michel DEMUTH
- Les Tambours d’Australie, Michel DEMUTH
- Haine-Lune, Michel DEMUTH
- Relais sur Évidence, Michel DEMUTH
- Le Bataillon-Légende, Michel DEMUTH
- Castelgéa, Michel DEMUTH
- Contact en nadir, Michel DEMUTH
- L’Arbre de fureur, Michel DEMUTH
- La Course de l’oiseau Boum-Boum, Michel DEMUTH
- L’Île aux Alices, Michel DEMUTH
- Elle était cruelle…, Michel DEMUTH
- Chanson pour givrer le temps, Michel DEMUTH & Ugo BELLAGAMBA
- Soleil rouge, soleil blanc, Christian LÉOURIER
- Je te vaporise, Colin MARCHIKA
- Aux forêts de Céziandre, Olivier BÉRENVAL & Richard CANAL
- Herbe Feu, Joëlle WINTREBERT
- Chasse en Syrénie, Christian LÉOURIER
- Les Médiateurs m’ont envoyé, Michel DEMUTH
- Les Hommes-Sœurs d’Hermonville, Dominique WARFA
- Sénémyane, Ugo BELLAGAMBA
- L’Homme en armes et l’âme en peine, Dominique WARFA
- Dans les cryptes du Toucan, Jean-Jacques GIRARDOT
- Yragaël ou la Fin des temps, Michel DEMUTH
- Le Sceau de Syoïse, Jacques BARBÉRI
Couverture : Philippe Druillet (Colorisation : Nicolas Fructus)
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Kvasar
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 668
Format (en cm) : 15 x 21,9
Dépôt légal : novembre 2022
ISBN : 9782381630670
Prix : 29,90 €


Pour contacter l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
27 décembre 2022


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Les Galaxiales 1, J’Ai Lu, 1976



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Les Galaxiales 2, J’Ai Lu, 1979



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En juillet 1965, L’été étranger, première nouvelle du cycle.



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