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Brins d’Éternité n°59
Revue des littératures de l’imaginaire
Revue, n°59, Science-fiction - fantastique - fantasy, nouvelles-articles-chroniques, été-automne 2022, 124 pages, 10$ CAD

Ce numéro 59 aura mis une bonne année à succéder au 58, dans lequel il était annoncé qu’une nouvelle équipe prenait le relais. Dans l’éditorial, Dave Côté (pourquoi était-il question d’Evan Côté dans le 58 ?) s’explique de cette longue éclipse. Il a repris le flambeau de rédacteur en chef, alors qu’il était à une période critique de sa vie. Impossible pour lui de concilier l’entrée dans le monde du travail, ses propres envies d’écriture et la direction de « Brins d’Éternité ». En conséquence, il annonce déjà son retrait. Son bref passage laisse tout de même interrogateur sur la suite de la revue. Espérons qu’un meilleur casting a été fait cette fois-ci.



Même s’il s’est fait attendre longtemps, ce numéro n’est pas exempt d’imperfections dans son montage : plusieurs pages blanches, d’autres annoncent en grand les résultats de différents prix dans ce qui ressemble vraiment à du remplissage, la couverture n’est même pas créditée (ou je n’ai pas trouvé).
Alors que le palmarès du congrès Boréal 2022 est donné auparavant, ce sont les nouvelles (premier prix et mention) du concours d’écriture sur place volet étudiant de l’édition 2021 qui figurent au sommaire. Premier prix : “Soir de spectacle” de Rosalie Baulne et mention à “Derrière la porte” de Stéphanie Deloumeau (Deloumau ?). Aucun rappel des contraintes : temps, thème, juste les textes dont il n’est même pas question dans l’éditorial. Les deux traitent du masque à travers deux déclinaisons, mais porter un masque n’y annonce jamais rien de bon.

Le livre « L’équilibre » de Cassie Bérard est présenté d’une manière originale à travers une correspondance. Le sujet est lancé par Mélissa Gasse, avant que ses correspondants ne répondent sur les points soulevés ou abondent sur d’autres. La méthode est intéressante. Par contre, plus d’un intervenant use de l’écriture inclusive qui plombe le propos. La lecture s’en retrouve hachée et c’est dommage.

“Une personne à découvrir” est consacrée à Geneviève Blouin, ce qui n’est que justice, car elle possède une voix originale et s’est déjà faite remarquer à plus d’une reprise à travers ses textes.

En plus de chroniques uniquement d’ouvrages outre-Atlantique, six nouvelles figurent au sommaire.
“L’expédition Crozier” rappellera aux lecteurs le livre « Terreur » de Dan Simmons ou encore la première saison de la série du même nom. Alors que le capitaine Crozier lutte pour avancer et ne pas mourir de froid, même s’il sait que c’est inéluctable, il est sauvé par des chercheurs du futur. Une nouvelle vie lui est offerte, une nouvelle chance de réussir l’expédition Franklin avec des bateaux reconstruits à l’identique. Mariane Cayer s’empare de cette histoire pour en faire un enjeu du futur. Cet homme fascine lors de ses conférences, car il incarne le passé avec tous ses dangers, ses incertitudes. Ces repêchages temporels obéissent à des règles strictes. Malgré tout l’engouement qu’il suscite, le capitaine sait qu’il n’est pas à sa place, que son destin était de mourir avec ses hommes. Un très beau texte.

Hava et Arçi s’aiment, mais la première ne rêve que de lieux exotiques rendus possibles par la technologie, alors que la seconde apprécie les bonheurs simples, la réalité et non cette fuite dans la virtualité. Leur amour peut-il survivre ? Célia Chalfoun montre l’effet pervers des métavers et de ce qu’il est possible d’y faire, de la différence qui tend à augmenter entre ceux qui s’y lancent à corps perdus et ceux qui gardent les pieds sur terre. Sur un mode intimiste, “Arçi dans la brise” interroge à juste escient en mettant en avant les sentiments humains face à la technologie toute-puissante.

Gabriel Veilleux nous plonge dans un monde post-apocalyptique avec une menace qui fait penser à des zombies, mais n’en est pas. Pour survivre, un petit groupe prend le risque de rentrer dans un Walmart, sachant que la menace y rôde. “Pour une poignée de comprimés” illustre le geste de trop, la limite qui est franchie pour le bien-être d’une seule personne. De l’action, de l’adrénaline... pas de tergiversations.

Je ne suis pas certain d’avoir tout compris dans “La ménagerie d’Alois” de Frédéric Parrot, mais n’en ai pas moins été happé par l’étrangeté du récit. Une femme se souvient d’elle, jeune fille, et de la maison avec un passage vers la chaudière. Elle se sentait attirée, ainsi que son chat qui la suivait, vers ce qui s’y cachait. Le mode de narration entre un présent triste et un passé dévoilé par séquences alimente l’intérêt de l’ensemble qui est vraiment fascinant.

“Eisa Arkyndottir” est la seule rescapée du drakkar de son père, un chef viking. Elle a juré de se venger de la trahison d’un autre chef de village et de protéger les siens restés à terre. Faute d’un autre choix, elle accepte de faire un pacte avec une sirène. Jeu de dupes et mythologie scandinave au menu de ce texte d’A. J. Lachance qui offre une belle évasion de par son contexte et son déroulement avec une jeune héroïne pleine de courage.

“Néons et bardanes” de Dave Côté n’est pas sans faire écho avec son éditorial. Un homme est coincé dans la ville de Montréal engluée dans la végétation et qui est noyée sous les bardanes se collant partout. Rien que sortir est risqué, car revenir n’est pas garanti. Fuir la ville est la seule solution, mais comment, tant la City semble désertée. Des messages laissés apparents donnent des bouffées d’espoir, la force de partir et de tenter le franchissement du pont Champlain. Effectivement la sensation de désespoir est latente et l’impression d’être coincé dans une situation inextricable l’emporte sur tout autre sentiment. N’est-ce pas ce que l’auteur a ressenti face à l’ampleur de la tâche ? Une belle nouvelle comme au revoir.

Même si la forme est loin d’être parfaite, ce « Brins d’Éternité » présente de belles choses au sommaire, notamment des nouvelles fort différentes et d’un bon niveau.
Souhaitons à Dave Côté de retrouver une sérénité mise à mal avec les responsabilités liées à la revue et qu’il n’avait pas anticipées, ainsi qu’à « Brins d’Éternité » une assise solide qui lui permette de poursuivre son chemin sur les voies de l’imaginaire.


Titre : Brins d’Éternité
Numéro : 59
Éditeurs : Dave Côté, Mélissa Gasse, Laurie Laberge, Anaïs Paquin
Couverture : non créditée
Genres : nouvelles, articles, critiques, entretiens
Site Internet : Brins d’Éternité
Période : été-automne 2022
Périodicité : quadrimestrielle
ISSN : 1710-095X
ISBN : 9782924585214
Dimensions (en cm) : 14 x 21,6
Pages : 124
Prix : 10 $ CAD



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
22 décembre 2022


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