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Vu des pop cultures
Neil Gaiman
Au Diable Vauvert, choix de textes (Grande-Bretagne), 648 pages, mai 2022, 23€

Neil Gaiman est né en 1960. Après des débuts peu concluants dans le journalisme, qui lui permettent de rencontrer des idoles de jeunesse, il se tourne vers l’écriture, de comics d’abord avec « The Sandman » entre 1988 et 1996, puis de nouvelles et de romans. L’avalanche de prix qui s’abat sur « American Gods » en 2000-2001 le propulse au premier rang des auteurs anglais. Après presque 35 ans de « carrière », il rassemble ici nombre de textes de commande, discours, essais, introductions, d’où transpire un amour sincère pour la lecture depuis son plus jeune âge.



Porte-flambeau de la lecture depuis son manifeste « Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l’imagination » en 2013 (déjà traduit par Patrick Marcel et publié au Diable Vauvert), on sait qu’en plus d’écrire, Neil Gaiman sait partager son amour de la lecture, avec fantaisie et sincérité. En 2016, sur la proposition de son éditeur anglais, il compilait nombre de ses écrits de non-fiction, discours et introductions, autant d’occasions de célébrer les autrices et auteurs, les libraires et les bibliothécaires qui l’ont conduit sur cette voie.
Dans tous ces textes, enfin traduits et rassemblés, on sent plus que transpirer la sincérité d’un auteur toujours humble sur son propre travail, et admiratif de ses aînés. Deux traits de caractères qui s’accentuent lorsqu’on lui demande, à lui devenu célèbre, quelques lignes pour la réédition d’une œuvre qui participa à sa propre naissance en tant qu’auteur.

Au fil de ce monumental recueil (650 pages, tout de même), on découvre par petites touches la jeunesse de l’auteur, sa scolarité compliquée et ses ruses de gamin pour accéder à la petite bibliothèque de ses écoles ; ses « abandons » à la bibliothèque municipale, lieu sûr où ses parents étaient certains de le retrouver ; ses premières dépenses en librairies qui soldaient des pulps bourrés d’auteurs américains célèbres. Ses premières galères professionnelles, à faire des piges pour des pages culture, qui vont lui ouvrir des portes ; son grand saut dans le comic, puis dans l’écriture, avec le succès que l’on sait, des collaborations avec l’illustrateur Dave McKean ou le grand Terry Pratchett, sa rencontre avec Amanda Palmer.
Il y a aussi les auteurs qu’il n’a pas assez connus, jamais rencontrés, à peine croisés, trop peu ou trop tard, comme Diana Wynne Jones qu’il ne lira qu’une fois adulte, et qui a forgé la fantasy anglaise de toute une génération, de Suzanna Clarke (qu’il est content d’avoir croisée et encouragée) à J.K. Rowling. Des auteurs disparus des librairies, trop rarement réédités (comme Alfred Bester, introuvable en français). Enfin, côté musique, en sus de celle qui allait devenir sa compagne de route, il fait ici une belle place à Lou Reed, une de ses idoles.

Je suis le premier à décrier les ouvrages prescripteurs au titre souvent impératif (« Les 1000 livres à lire dans sa vie »...), qui ne sont souvent qu’une triste compilation de classiques, de monuments consensuels de la Littérature, et qui peuvent autant vous dégoûter que vous faire peur d’avance.
Mais « Vu des pop cultures » s’avère une véritable mine de lectures et de conseils, et bien plus appréciable car très personnel : s’il y a beaucoup de textes de commande, on n’est pas venu chercher Gaiman sans raison, et lui ne se contente pas d’un mot gentil (ou si c’est le cas, il n’a pas jugé utile de le reproduire ici) : dans chaque texte, il y a sa vie, ses tripes, ses émotions. Qu’il ait travaillé longuement avec l’auteur, l’ait croisé lors d’un festival ou d’une soirée, ou simplement lu, à un quelconque moment de sa vie, ses mots résonnent du vrai, du sincère. Du haut de ses presque 60 ans, d’une vie avec ses bonheurs et ses malheurs, Neil Gaiman partage tout cela avec nous, s’arrogeant rarement le droit de faire la leçon, et dans ce cas en exprimant le regret qu’on ne lui ait pas fait la leçon plus jeune.

Ce n’est pas une biographie, ce n’est pas une playlist, ce n’est pas une pile à lire. C’est un peu tout cela et plus à la fois, avec des trous, des silences, des choix. Cela se déguste par petits bouts, chaque bouchée nous confirmant que Neil Gaiman, malgré une carrière qui en ferait pâlir d’envie plus d’un, reste un merveilleux et généreux passeur.

Sur ce, je vais ressortir de mes cartons quelques introuvables chinés au hasard d’un bouquiniste et dont le nom brille d’un nouvel éclat. Ou me lancer dans le « Lud-en-Brume » d’Hope Mirrlees traduit chez Callidor presque cent ans plus tard, et réédité au Livre de Poche à la faveur, peut-être, d’une certaine préface...


Titre : Vu des pop cultures (The View from the Cheap Seats : Selected Nonfiction, 2016)
sous-titre : Essais, discours & textes choisis
Auteur : Neil Gaiman
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Patrick Marcel
Couverture : Studio éditeur
Éditeur : Au diable vauvert
Collection : Littérature étrangère
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 648
Format (en cm) : 20 x 13 x 5
Dépôt légal : mai 2022
ISBN : 9791030705287
Prix : 23 €



Nicolas Soffray
19 novembre 2022


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