Nul besoin d’avoir lu le tome précédent pour apprécier cette seconde aventure d’Hal Beck. Mais si elle est aussi bonne, ce sera dommage de s’en priver !
Les deux auteurs nous livrent ici une magnifique démonstration de crime (je ne dis pas meurtre, il n’y en a pas) en chambre close, un exercice auquel les Anglais excellent depuis un siècle avec Agatha Christie, John Dickson Carr et tant d’autres. Même si le train marque des arrêts, brefs, dans les gares, permettant l’éventuelle montée ou descente des personnages, on est vite convaincu, comme Hal, que Marianne n’a pas été emportée par la voiture de ses kidnappeurs, mais cachée dans le train.
Mais la galerie de seconds rôles, tous assez hauts en couleur, donne une liste de suspects bien fournie : Zola D’Ormond, la journaliste rivale de l’oncle Nathaniel ? Seymour Hart, qui ne lâche jamais sa mallette ? Gene Jackson, et son fils Ryan qui a écrit « SOS » sur le carnet d’Hal ? Pas Frank Moretti, le père d’Hadley et Mason, et sosie d’Elvis sur les scènes de casino ! Ou bien l’intrigante Adie Broccoli, avec son lézard sur l’épaule ? Ou Vanessa Rodriguez, mystérieuse et un peu effrayante ? Au-delà des traits très marqués de chacun, et du recul permis par l’humour des dialogues des ados, les questions et les doutes sur le rôle des uns et des autres s’accumulent. Hart ets vu en train d’échanger une boîte contre une enveloppe d’argent, Jackson refuse qu’Hal parle à Ryan, subitement tombé malade...
Au sens de l’observation d’Hal, vient s’ajouter la leçon de prestidigitation que les donne la fratrie Moretti. Tout est dans l’art de la diversion, de pousser les gens à regarder ce qu’on veut qu’ils voient, et détourner leur regard de la manipulation. Très vite, Hal (et le lecteur, petit ou grand), aidé de quelques indices comme un papier de bonbon, suspecte que cet enlèvement en voiture est de la poudre aux yeux, et que Marianne est retenue cachée dans le train. Probablement dans le wagon privé de son père, mis sous scellés par la police. Les pièces du puzzle s’assemblent rapidement pour tout amateur de policier, mais les auteurs ne recourent pas trop à des grosses ficelles pour retarder la révélation, et on dévore ces 300 pages avec plaisir, appréciant les dernier tour de passe-passe, goutant aux conseils de nos jeunes héros : s’attacher aux détails troublants, se poser les bonnes questions.
Le gros plus de ce roman est bien sûr son décor. On regrette que les auteurs ne décrivent pas davantage le train, pour ne pas alourdir la narration riche en dialogues et bien rythmée. Un petit dossier final vient nous en apprendre plus sur le véritable train qui les a inspirés. Mais comment ne pas penser au « Crime de l’Orient-Express » ? d’autant que le Comet, et son wagon privé le Silver Scout, avec un toit panoramique, semble hors du temps, et on plaquera plus souvent des images entre début de siècle et années 50, tout en chromes et en profilés, aux accents presque steampunk, que le modernisme des TGV français. La quasi-absence de technologie (seule Zola a une montre connectée, et on a volé le disque dur de Reza, mais les enfants n’ont pas de smartphones ni de consoles) renforce ce sentiment que le train mélange modernité et vintage. Quelques croquis d’Hal n’auraient pas été de refus. Il faudra se contenter de la couverture d’Oriol Vidal, que je trouve pour le coup assez décevante, très très loin de l’esthétique qu’on se figure à la lecture.
Un très bon roman policier, drôle juste ce qu’il faut, malin et addictif, qui plaira aux ados, à leurs aînés et ouvrira des portes vers les classiques anglo-saxons.
Le 4e tome vient de paraître !
Titre : Le Kidnapping du California Comet (Kidnap on the California Comet, 2020)
Série : Mystères sur les rails, tome 2 (Adventures on rails)
Auteurs : M.G.Leonard & Sam Sedgman
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Anne Guitton
Couverture : Oriol Vidal
Éditeur : Nathan
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 315
Format (en cm) : 21 x 14,5 x 2,5
Dépôt légal : aout 2021
ISBN : 9782092595336
Prix : ,95 €