Le premier volet « Le Serpent » a permis aux lecteurs de se familiariser avec le concept de la trilogie « La Maison des Jeux ». La partie se déroulait dans la Venise de 1610, alors que ce second tome nous envoie dans la Thaïlande de 1938. Apparemment, il n’y a aucun lien, si ce n’est la présence de la Maison des Jeux, un lieu qui semble hors de l’espace et du temps. Deux niveaux y cohabitent : la Basse et la Haute Loge, celle où les enjeux défient l’imaginable. Des nations s’y font, des empires s’y écroulent... Rien n’y semble tabou, mais des règles existent et des arbitres veillent à leur respect. Pourtant le défi lancé par Abhik Lee à Remy Burke les bafoue, sans qu’un seul n’intervienne. Au matin, il a besoin qu’un autre joueur lui dise ce qu’il a accepté, car il n’en avait même pas conscience. Dès le début, les dés sont pipés. Remy n’a aucune chance, rien que son aspect (un Français de 1m80) détonne au sein de la population locale et l’empêche de se fondre dans le décor. Ce joueur dans l’âme ne tente pas moins l’impossible, remporter une partie qu’il ne peut gagner, car tout se dresse contre lui. Le lecteur assiste alors à une fuite désespérée, mais si belle tant elle semble vaine. Remy fait fi des pronostics, révèle des aptitudes cachées et essaie de comprendre pourquoi son adversaire en a après lui et pourquoi une telle partie a été entérinée par la Maison des Jeux qui dispose de ressources partout. Le déroulement est passionnant, la Thaïlande se révèle un formidable terrain de jeu.
Le charme de cette trilogie se situe aussi au niveau du ton employé. Un mystérieux narrateur (un ou plusieurs, peut-être des arbitres) prend souvent le lecteur à témoin, lui présentant des faits hors cadre comme pour éclaircir les enjeux, donner des indices sur la partie qui se joue vraiment. C’est aussi troublant qu’intéressant, car le procédé n’est pas courant. Claire North cherche à déstabiliser le lecteur, à le transformer en un simple pion pas forcément maître de son destin pour peu qu’il doive un service à untel. Chacun comprend ainsi que les apparences peuvent être trompeuses, que ce n’est qu’une partie au sein d’une autre beaucoup plus vaste. Tout est lié, rien n’est gratuit, chacun avance ses pions et tout se monnaye un jour. Et cette échéance se rapproche...
« Le voleur » commence par ces mots : « Le GRAND Jeu est pour bientôt », ce qui indique clairement la teneur de « Le Maître », le dernier tome de cette trilogie. Mais avant une partie de cache-cache se joue en Thaïlande. Apparemment déséquilibrée, elle illustre le pouvoir de la Maison des Jeux, de la Maîtresse des Jeux pas aussi impartiale qu’elle le devrait et jusqu’où sont prêts à aller ceux qui se livrent les joutes en Haute-Loge. Pris à témoin, le lecteur intègre l’échiquier, se transforme en un simple pion, jouet d’événements à la portée inimaginable, et savoure la maestria de l’auteur à raconter le défi, bien loin d’une partie innocente entre enfants.
Du grand art !
Titre : Le voleur
Série : La Maison des Jeux, tome 2
Auteur : Claire North
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Michel Pagel
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 40
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 156
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : septembre 2022
ISBN : 9782381630571
Prix : 10,90 €
Claire North sur la Yozone :
« La Maison des Jeux, tome 1 : Le serpent »
« 84K »
« La Soudaine apparition de Hope Arden »
« Touch »
« Les Quinze premières vies d’Harry August »
Derniers titres de la collection :
30. « À dos de crocodile » de Greg Egan
31. « Toutes les saveurs » de Ken Liu
32. « Le livre écorné de ma vie » de Lucius Shepard
33. « Symposium Inc. » de Olivier Caruso
34. « Sur la route d’Aldébaran » de Adrian Tchaikovsky
35. « Simulacres martiens » de Eric Brown
36. « La Maison des Jeux, tome 1 : Le serpent » de Claire North
37. « Un an dans la « ville-rue » » de Paul Di Filippo
38. « Opexx » de Laurent Genefort
39. « La millième nuit » d’Alastair Reynolds
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