Et puis tout part en cacahuète.
Et que fait-on dans ces cas-là ? Quand des créatures préhistoriques apparaissent dans votre salon ? Quand on attend les vols de missiles nucléaires par escadrilles au-dessus de sa tête ? Quand on nous enlève nos proches ?

« Laïka est revenue » est difficile à présenter. Impossible à raconter. Il se lit, il se vit, et c’est tout. C’est l’histoire d’une ado, d’une fille à un âge compliqué, au quotidien compliqué, face au monde qui s’écroule. L’auteur fait le choix d’une narration interne, à la première personne, et c’est un récit a posteriori mais au présent : un style direct, avec une narratrice qui s’adresse au lecteur, fait quelques allusions, lâche une poignées de ces « si j’avais su à ce moment-là... » et autres regrets qui laissent entrevoir le pire pour les pages à venir. Les chapitres sont assez courts, cadençant bien la lecture. Tout cela tient en moins de 230 pages très vite haletantes.

Je suis un grand fan de Jean-François Chabas. Si ses « Chroniques de Zi » avaient dépoussiéré le merveilleux jeunesse, ce roman-ci me rappelle un peu « Les Rêves rouges » : l’âge pivot de l’adolescence, la prise de conscience que le monde est un peu plus grand que son petit univers entre la maison et le collège... Mais ici, le bouleversement est externe : c’est tout le monde qui déraille.
« L’attaque » des aliens est si perturbante, si originale (d’un point de vue littéraire) que dans un premier temps, très bref, on aimerait la comprendre. Mais face à la folie qui s’empare de la réalité, pour les trois ados la priorité est la survie. Échapper aux créatures, aux machines qui apparaissent de nulle part.

Et au milieu de la folie, des horreurs, naissent parfois de belles choses. Quand les conventions sociales s’effacent au profit de l’urgence, quand le pragmatisme est la seule réponse à l’irrationnel. Savoir quand il faut fuir, ou se dresser et résister.

L’auteur met aussi face à face science et foi, avec les parents d’Anita et le père de Neolin, chaman de la tribu de Lëni-Lënape, sans les opposer, mais comme deux approches différentes de l’événement. L’auteur ne cherche pas à expliquer le comment, il laisse à ses personnages deviner le pourquoi. Et au lecteur de vivre cet intervalle, ce temps de réflexion laissé à l’Humanité qui va, au niveau individuel, faire tant de dégâts, jusque dans la famille Bum...
La conclusion, particulièrement ambiguë, réaffirme le message de cette histoire : cette Terre n’est pas à nous, nous n’y sommes que des fourmis. A nous de voir quel sens nous voulons donner à notre brève existence.

Bref, c’est captivant, sombre et violent, totalement fou sur la forme mais terriblement réaliste et humain dans le fond. Qu’on soit ado ou plus âgé, « Laïka est revenue » se ressent comme une grande claque littéraire et philosophique, une leçon de ce qu’est la vie : une chose fragile, futile et inestimable à la fois.

Titre : Laïka est revenue
Auteur : Jean-François Chabas
Couverture : Patrick Connan
Éditeur : Le Rouergue
Collection : épik
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 232
Format (en cm) : 21 x 14 x 2
Dépôt légal : mars 2022
ISBN : 9782812623240
Prix : 15 €