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Cas Chakkamuk (Le)
Roy Braverman
Hugo et Cie, collection Hugo Thrillers, thriller, 306 pages, juin 2022, 19,95€

Roy Braverman : un autre nom pour Ian Manook, auteur de la trilogie « Yeruldegger » et de « Mato Grosso ». Après l’Asie Centrale, après le Brésil, c’est à l’Amérique du Nord que s’est intéressé l’auteur sous ce pseudonyme, tout d’abord avec la trilogie « Hunter », « Crow » et « Freeman », ensuite avec « Pasakukoo », qui se déroulait dans le Rhode Island. C’est au même endroit, dans la petite ville imaginaire de Notchbridge, que se déroule, quelques années plus tard, ce « Cas Chakkamuk » où l’on retrouve quelques-uns des personnages apparus dans de précédents romans, dont l’inoxydable recouvreur de dettes arménien Mardirossian.



Tout commence, de manière un peu trompeuse, dans une poisseuse atmosphère de luxure, de concupiscence, de séduction, de vulgarité, inhabituelles chez un auteur qui a plus habitué son lectorat aux empoignades franches sur fond d’intrigues mouvementées. Brenda Warwick, épouse du shérif Doug Warwick, demande à celui-ci de consoler charnellement sa propre sœur Laureen, qui a besoin de réconfort après la disparition de son propre époux. Compte tenu du fait que Laureen fait chavirer la moitié des hommes du Comté, le shérif ne parvient pas à résister longtemps. Mais, une fois la chose faite, Laureen et Brenda accusent publiquement le shérif de viol.

Stupéfaction dans la petite ville de Notchbridge. L’ex-shérif Blanski, personnage principal de « Pasakukoo » et à présent patron du journal local, le Notchbridge Sentinel, s’en frotte les mains. L’écrivain Benjamin Dempsey, qui l’assiste dans ses investigations, également. L’affaire n’a pas fini de faire couler de l’encre. D’autant plus qu’elle fait suite à une autre affaire, la mystérieuse disparition de Brian Ross, l’époux de Laureen, quelques mois plus tôt. Une disparition qui semble-t-il n’a pas suscité de soupçons particuliers – il est manifestement parti de son propre gré – mais qui peut-être aurait dû : Brian Ross, auteur à succès, était riche à millions. Et tant qu’il ne sera pas considéré comme mort, son épouse ne touchera pas ces millions.

Et puis – on connaît Braverman – tout se complique et s’emballe. Arrive un personnage fétiche de l’auteur, l’increvable et faussement chétif chasseur de primes (plus exactement collecteur de dettes) arménien Mardirossian, qui réclame à Blanski les cent mille dollars peut-être malhonnêtement gagnés à l’aide desquels il s’est offert le Notchbridge Sentinel. Apparaissent des soupçons concernant la disparition de Brian Ross. Puis un cadavre. Puis un autre. Le FBI, désormais, s’en mêle. Laureen Ross, inexplicablement, retire sa plainte. Commence alors un diabolique jeu du chat et de la souris où les uns et les autres sont tantôt la proie et tantôt le prédateur, mais où l’inoxydable et sagace Mardirossian, qui a flairé une affaire bien plus juteuse que son objectif initial, semble toujours avoir un coup d’avance.

Des garagistes rouleurs de mécaniques et trafiquants de stéroïdes, un indic minable terminant sa trajectoire dans son propre congélateur, un avocat enclin à franchir lui-même toutes les limites, un procureur prêt à tout pour se faire réélire, deux agentes du FBI qui font la paire, une borne à essence qui donne accès à un lupanar, quelques millions de dollars à récupérer, un ex-shérif qui va plus vite que le shérif en place et que son adjoint, deux femmes fatales qui dissimulent bien des secrets et quelques autres personnages se croisent, s’affrontent, se narguent, se défient, dans une intrigue peut-être pas toujours crédible mais parfaitement distrayante, servie par les dialogues qui claquent et par le sens de la formule et de la répartie de l’auteur.

Des dialogues et des personnages parfois à la limite de la caricature mais profondément humains, avec leurs forces et leurs faiblesses, leur duplicité mais aussi parfois leur naïveté, et, comme souvent chez Braverman, ces complicités et amitiés improbables, mais qui sonnent parfaitement juste, des alliances entre individus profondément différents mais prompts à s’inviter dans leur lodge ou autour d’une table pour avancer ensemble sur des pistes où ils sont à la fois alliés et concurrents, sur des problèmes qu’ils abordent avec le même mélange de sagacité et de désabusement.

Dans « Pasakukoo », Roy Braverman dressait de beaux tableaux de femmes fortes, blessées, estimables. La tendance est ici moins univoque, avec un équilibre entre femmes fatales, au sens propre du terme, et investigatrices aux réactions passablement épidermiques, et l’on sent, dans des passages qui sentent le vécu (on imagine sans peine les dialogues de sourds avec des lectrices hystériques et autres hébéphrènes monomaniaques lors des séances de dédicaces), pointer une certaine lassitude face à la criminalisation galopante de la courtoisie. Car si l’auteur en personne se devine à travers les personnages d’écrivains de Brian Ross et de Sébastien Dempsey, il apparaît également, comme dans une mise en abîme, dans des paragraphes introductifs de chapitres, en italique et en exergue, qui, à la première personne du singulier, font une valse-hésitation entre un personnage du roman et Braverman lui-même. Une manière pour l’auteur de prendre du recul et de montrer qu’il ne faut pas se prendre trop au sérieux, quelles que puissent être les circonstances.

« Le Cas Chakkamuk », avec l’inénarrable Mardiros en « running gag », avec les répliques au tranchoir, avec les retournements incessants de situation, apparaît donc comme un polar distrayant. Des personnages tordus, d’autres plus tordus encore, d’autres droits mais capables de flairer les crimes les plus tortueux, des références qui feront sourire le lecteur (les Blues Brothers, Retour vers le futur), des formules qui font mouche : un roman décontracté et prenant, une bonne lecture pour l’été.


Titre : Le Cas Chakkamuk
Auteur : Roy Braverman
Couverture : E. Pinchon / Shutterstock / Yusuf Ozluk
Éditeur : Hugo et Cie
Collection : Hugo Thrillers
Pages : 306
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : juin 2022
ISBN : 9782755697292
Prix : 19,95 €



Les thrillers Hugo et Cie sur la Yozone :

- « Pasakukoo » de Roy Braverman
- « Manhattan Sunset » de Roy Braverman
- « Crow » de Roy Braverman
- « Hunter » de Roy Braverman
- « Freeman » de Roy Braverman
- « La Caste des ténèbres » de Ludovic Lancien
- « Terra Nullius » de Victor Guilbert
- « Douve » de Victor Guilbert
- « Mortelle dédicace » d’Elly Griffiths
- « Le Journal de Claire Cassidy » d’Elly Griffiths
- « Les Sages de Sion » par Hervé Gagnon
- « La Terre promise » par Hervé Gagnon
- « Les Passagers » de John Marrs
- « Âmes soeurs » de John Marrs
- « Le Tricycle rouge » de Vincent Hauuy



Hilaire Alrune
1er août 2022


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