Depuis le début d’année, Laurent Genefort est omniprésent, ce dont les lecteurs ne peuvent que se féliciter. Après l’excellent « Les Temps ultramodernes », un roman uchronique / Steampunk complété par le fort savant « Abrégé de cavorologie » et le texte “Cavorite” dans le « Bifrost 105 », il change complètement de registre avec la novella « Opexx ».
L’illustration d’Aurélien Police semble donner le ton : un soldat casqué tenant un fusil d’assaut sur fond de planètes. Ça va friter, défourailler sec, dégommer de l’alien à tout-va, pas de pitié, l’humanité va montrer de quel bois elle se chauffe et qu’elle ne se laissera pas marcher sur les pieds. « Étoiles garde-à-vous » à la sauce française, te voilà !
Eh non, il n’en est rien, le propos est bien plus subtil, plus introspectif à travers le personnage principal, un soldat atteint du syndrome de Restorff, un déficit empathique, ce qui ne le rend que plus efficace pour ces missions. Il sont beaucoup à abandonner rapidement, car les contraintes sont nombreuses et être désassemblé pour être reconstruit sur le théâtre d’opération a de quoi perturber, tout comme l’étrangeté des missions dans des endroits improbables, défiant parfois l’imagination. Et le danger est toujours là, difficile à appréhender de surcroît. À chaque retour, un suivi psychologique est de mise avec la DP, une restructuration des souvenirs pour oublier ce qui s’est passé. Dans le cas de notre soldat, le syndrome empêche cette procédure d’oubli de fonctionner complètement. Il dispose toujours de souvenirs de chaque mission, vit avec, se pose des questions...
Le lecteur le suit dans sa vie, voyage à ses côtés lors des missions. Chacune se révèle fort différente, n’est pas toujours compréhensible, d’où le besoin d’obéir aux ordres. Notre soldat rencontre d’autres formes de vie, essaie parfois d’interagir avec elles pour tenter de comprendre. Quantité d’interrogations s’imposent à lui, le hantent comme les souvenirs et les rêves mystérieux, fruits de ces incursions outre-Terre. Sa femme voit le changement, assiste à son retrait, son repli sur un ailleurs qui lui échappe, lui est étranger comme cet homme qu’elle a toujours peiné à comprendre, car si différent. Le lecteur assiste à ce glissement insidieux, nourri par le sentiment de ne pas être à sa place. Où le soldat est-il le plus à l’aise ? Ailleurs où il peut être lui-même ou chez lui où il doit endosser contraint et forcé un costume répondant aux convenances sociales ?
Laurent Genefort a créé plus d’une planète d’accueil aux caractéristiques dressées rapidement pour donner une ambiance générale, ainsi que des formes de vie pour justifier des missions qui reviennent surtout à des protections rapprochées, loin de tout esprit de conquêtes. De nombreux tableaux sans titre agrémentent ainsi ce récit.
Loin d’être un roman guerrier, « Opexx » fait réfléchir sur l’autre et sur soi. Laurent Genefort place l’humanité dans un contexte qui la dépasse, dans lequel elle n’est qu’actrice, envoyant ses enfants dans des missions sans aucune explication. La tonalité générale est sombre, conforme aux pensées d’un soldat qui ne parvient pas à oublier. L’humanité n’a-t-elle vraiment que ses capacités guerrières à offrir au Blend ? Voilà qui n’est guère réjouissant.
Un court roman signé Laurent Genefort qui est décidément très inspiré et qui mêle ici avec brio voyages improbables, civilisations étrangères et interrogations pour un dépaysement garanti.
Titre : Opexx
Auteur : Laurent Genefort
Couverture et conception graphique : Aurélien Police
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Une Heure-Lumière
Numérotation dans la collection : 38
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 116
Format (en cm) : 12 x 18
Dépôt légal : mai 2022
ISBN : 9782381630458
Prix : 8,90 €
Laurent Genefort sur la Yozone :
« Les temps ultramodernes »
« Abrégé de cavorologie » de Hyppolite Corégone
Spire 1 : « Ce qui relie »
Spire 2 : « Ce qui divise »
« Colonies »
« Lum’en »
Laurent Genefort et la déferlante alien : un entretien
« Points chauds »
« Aliens mode d’emploi »
« L’Ascension du serpent »
« Bifrost » spécial Laurent Genefort
Autres titres de la collection :
1. « Dragon » de Thomas Day
2. « Le nexus du Docteur Erdmann » de Nancy Kress
3. « Cookie Monster » de Vernor Vinge
4. « Le choix » de Paul J. McAuley
5. « Un pont sur la brume » de Kij Johnson
6. « L’homme qui mit fin à l’histoire » de Ken Liu
7. « Cérès et Vesta » de Greg Egan
8. « Poumon vert » de Ian R. MacLeod
9. « Le regard » de Ken Liu
10. « 24 vues du mont Fuji, par Hokusai » de Roger Zelazny
11. « Le sultan des nuages » de Geoffrey A. Landis
12. « Issa Elohim » de Laurent Kloetzer
13. « La ballade de Black Tom » de Victor LaValle
14. « Le fini des mers » de Gardner Dozois
15. « Les attracteurs de Rose Street » de Lucius Shepard
16. « Retour sur Titan » de Stephen Baxter
17. « Helstrid » de Christian Léourier
18. « Les meurtres de Molly Southbourne » de Tade Thompson
19. « Waldo » de Robert A. Heinlein
20. « Acadie » de Dave Hutchinson
22. « Abimagique » de Lucius Shepard
23. « Le temps fut » de Ian McDonald
24. « La Survie de Molly Southborne » de Tade Thompson
25. « Les Agents de Dreamland » de Caitlin R. Kiernan
26. « Vigilance » de Robert Jackson Bennett
27. « La Fontaine des âges » de Nancy Kress
28. « La Chose » de John W. Campbell
29. « Ormeshadow » de Prya Sharma
30. « À dos de crocodile » de Greg Egan
31. « Toutes les saveurs » de Ken Liu
32. « Le livre écorné de ma vie » de Lucius Shepard
33. « Symposium Inc. » de Olivier Caruso
34. « Sur la route d’Aldébaran » de Adrian Tchaikovsky
35. « Simulacres martiens » de Eric Brown
36. « La Maison des Jeux, tome 1 : Le serpent » de Claire North
Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr