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Sympathique et sublime
Le mariage alchimique d’Alistair Crompton de Robert Sheckley - Malpertuis de Jean Ray
Délices & Daubes n°22


En v’là de la SF d’humour, en v’là ! Le mariage alchimique d’Alistair Crompton de Robert Sheckley (Calmann-Levy, dimensions SF, 1979, 243 pages). De l’humour beaucoup, trop parfois même, genre délire incontrôlé, mais qui retombe sur ses pattes, qui retrouve une cohérence et l’histoire continue.

Quelle histoire ! Un petit mec triste l’est devenu parce que, souffrant de schizophrénie, il a subi un traitement particulier : on a coupé son esprit en trois et implanté les deux autres personnalités (un jouisseur débridé et un violent méchant) dans des androïdes. Après avoir volé son patron pour avoir les sous nécessaires au voyage, Crompton, ce type mal dans sa peau, part aux confins de la galaxie à la recherche de ses autres morceaux d’esprit pour redevenir un homme entier.

On rate beaucoup de jeux de mots, à en croire les NdT en bas de pages, la traduction n’a pas dû être facile parce que les délires n’ont aucun sens alors qu’on subodore qu’ils en ont un. Mais ça ne dure jamais trop longtemps et on peut reprendre le fil. Des fois on dirait du Jack Vance et du space op, mais à la satirique. Par exemple : il y a des montures reptiliennes avec des sphincters au niveau des genoux des pattes antérieures.

C’est délassant, il y a même quelques phrases philosophiques bien cachées au milieu. Mais bon, c’est quand même aussi n’importe quoi, la fin surtout. Bien daté 70 avec drogues, libération sexuelle, toussa, c’est sympa et ça fait passer un bon moment.

Entendons-nous, on n’est pas au niveau de Martiens, go home ! (DD n°14), on en est loin même, mais c’est cool, Raoul.

Il est des avantages, rares certes mais quand même, à être vieux. Un de ceux-là est la possibilité de relire des bouquins trente ou quarante ans après, en n’en ayant plus qu’un très vague souvenir. Je vous ai déjà fait le coup avec Brown, d’Argyre, Moorcock ou Zelazny. Je continue avec un autre grand ancien de ma jeunesse : Jean Ray.

Je me suis racheté son roman, Malpertuis (Marabout Fantastique, 1976, 252 pages), qu’on a dû m’« emprunter » il y a une jolie lurette. Je l’avais acheté dans l’édition précédente (Marabout 1962).

Et boum badaboum la série de claques (même quand on se souvient en relisant) ! Un des fleurons de la littérature fantastique francophone - certes, c’est un fait établi incontestable -, mais quelle merveille de bouquin ! C’est difficile d’en parler sans dévoiler des bouts de cette histoire simple et complexe, d’une construction impeccable, d’un crescendo lent et implacable, d’un suspense hallucinant et haletant (sans héconner !) .

Il y a plusieurs narrateurs et un seul héros, un brave petit jeune homme de vingt ans qui se trouve embarqué, aspiré par la volonté d’un vieux grand-père pas net. À sa mort, pour des raisons d’héritage, le vieux l’oblige à vivre sous le toit de sa drôle de maison, Malpertuis, avec un certain nombre de personnages bizarres.

Tous les connaisseurs sont au courant de l’intrigue, inutile que je leur raconte. Mais pour tous les jeunots en mal de lecture, achetez-le d’urgence, vous comprendrez ce qu’est La littérature fantastique. Vous comprendrez aussi ce qu’est un écrivain, un raconteur d’histoires.

J’hésite à en bavasser des lignes parce que je vais finir par vous révéler des trucs. Alors découvrez-les vous-mêmes. Et c’est pas long. Les chefs-d’œuvre ça fait pas trois mille pages. Jean Ray était un homme libre, il écrivait comme il le sentait, pas comme on lui disait de faire. Il n’y a pas une longueur, pas un mot de trop. Et ça n’empêche pas la langue d’être belle, poétique et racée. Au-delà du délice. Du sublime, tout simplement !

Vous pouvez lire ce qu’en disait Alain Dorémieux quand c’est sorti en PdF en 1955 (10 ans après la première édition belge), par là.


Henri Bademoude
15 octobre 2006


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