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Soleil des Phaulnes (Le)
Thierry Di Rollo
Le Bélial’, roman (France), science-fiction, 304 pages, février 2022, 14,90€

La Garmak est une multimondiale sans scrupules s’enrichissant de manière plus qu’indécente. Elle s’arroge tous les droits, siphonnant sans vergogne l’hydrogène de soleils permettant la vie sur des planètes proches. C’est ainsi que les Phaulnes, les habitants de Gobo, sont avertis qu’il leur faut quitter leur planète, car leur soleil est en cours d’exploitation par la Garmak. Ils n’ont pas le choix, c’est l’exil ou la mort sur place.
Griddine, une jeune Phaulne, qui aime sillonner les étendues sauvages de Gobo à dos de war-lizzard, est une des dernières à partir à bord d’une navette affrétée par la compagnie pour les amener loin de chez eux, pour une nouvelle existence pleine d’inconnu.



Sur le forum du Bélial’, « Le soleil des Phaulnes » est présenté comme le dernier roman de Thierry Di Rollo, un auteur rare mais toujours intéressant, portant une voix souvent dérangeante au service de récits faisant leur effet auprès des lecteurs.
« Le soleil des Phaulnes » ne fait pas exception, il présente le combat d’une jeune Phaulne contre une multimondiale toute puissante, agissant en toute impunité. On peut y voir la fable du pot de terre contre le pot de fer, tant la confrontation est inégale. Ici, l’équilibre est encore plus disproportionné : que peut Griddine face à un être mythique comme Ien Éliki, le porteur de tant de bienfaits pour l’humanité ?
Qu’importe, elle croit en elle et ne peut laisser un tel crime impuni. Condamner une planète pour s’enrichir ne peut être pardonné, rien ne peut excuser un tel acte. Aussi, forte de sa conviction et d’une volonté sans faille, armée de son seul arc, se lance-t-elle à la recherche d’une personne qui n’existe peut-être même pas. Et l’espace est si vaste, rempli de dangers auxquels elle ne saurait être préparée.

L’héroïne Griddine éclaire l’ensemble de sa présence. Il s’agit d’un personnage magnifique qui en impose aussi bien à ceux qu’elle croise au fil du roman qu’aux lecteurs qui la suivent. On pourrait la croire fragile, vulnérable, d’autant que personne ne reste insensible à sa beauté. Il n’en est rien, elle attire la sympathie, sa force de conviction impose le respect et pousse les gens à l’aider pour qu’elle puisse atteindre son but. L’ensemble n’est pas dénué de naïveté, il faut l’avouer, mais qu’importe, l’histoire est belle, chacun éprouve l’envie d’y croire et espère que le combat inégal des laissés-pour-compte trouve une heureuse issue. La justice doit vaincre !
De l’autre côté, la multimondiale Garmak apparaît dans toute son inhumanité. Rien ne peut entraver sa marche vers un enrichissement permanent. La population d’une planète ne pèse pas bien lourd dans la balance quand un soleil convient pour en extraire l’hydrogène. Dans sa magnanimité, la compagnie les transporte vers d’autres planètes, mais il faut le dire vite, il n’y a pas de petits profits. À la tête de la Garmak, Ien Éliki ressemble à un dieu tout-puissant, demandant à être obéi au doigt et à l’œil, usant ses assistants jusqu’au bout avant de les jeter. Un être détestable que Griddine veut affronter pour le placer face à ses responsabilités. Comment ne pas y voir le monde du travail où les employés ne sont la majorité du temps qu’une addition de pertes et profits ? L’équilibre est fragile, la porte de sortie entrouverte en permanence. L’empathie n’a pas cours dans un tel milieu, seul compte le bénéfice. Une simple voix ne représente pas grand-chose. Le même discours peut être tenu en songeant aux richesses de sols exploités à outrance, sans considération pour les autochtones dont l’habitat est détruit et les récriminations ne sont même pas écoutées.

Au fil des rencontres, Griddine apprend à mieux connaître son adversaire, se rapproche du but. Elle découvre aussi qu’elle n’est pas la seule à s’interroger, mais contrairement à elle, personne ne franchit vraiment le pas, ne se décide à agir autrement qu’en détournant le regard. Thierry Di Rollo ne se contente pas de soulever des points dérangeants, il distrait aussi parfaitement les lecteurs avec des péripéties fortes en références au genre de la SF.

« Le soleil des Phaulnes » soulève bien des interrogations, car la situation actuelle prend ici une ampleur cosmique. La quête de Griddine semble désespérée, vouée à l’échec, car comment pourrait-elle réussir ? Thierry Di Rollo y a sûrement mis beaucoup de lui, livrant là son ultime roman, un récit éblouissant porté par une personnage magnifique. La science-fiction peut se révéler riche en enseignements, l’auteur en apporte ici la preuve à sa manière avec des montagnes qui peuvent être soulevées par la force des idées.
En refermant ce livre, il est difficile de ne pas éprouver des sentiments contradictoires : la satisfaction d’avoir lu une très belle histoire à laquelle chacun a envie de croire et la tristesse en se disant que c’est peut-être bien fini, que Thierry Di Rollo a définitivement tourné la page.
Passer à côté du « Soleil des Phaulnes » serait d’autant plus regrettable.


Titre : Le soleil des Phaulnes
Auteur : Thierry Di Rollo
Couverture : Manchu
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 304
Format (en cm) : 13 x 20
Dépôt légal : janvier 2022
ISBN : 9782843449956
Prix : 14,90 €


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francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
5 mars 2022


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