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Traverser la Ville
Robert Silverberg
Le Passager Clandestin, novella traduite de l’américain, science-fiction, 96 pages, janvier 2022, 7€

Dans un avenir indéterminé, les USA semblent devenus une gigantesque ville, et chaque méga-quartier est une ville dans la ville. A Ganfield, c’est le drame, on a volé le programme directeur, le logiciel qui gérait toutes les machines, ramasseuses d’ordures ou robots-policiers. Le narrateur est envoyé à la poursuite de la voleuse, au prétexte que c’était sa femme-du-mois, et qu’il est un peu suspect de n’avoir rien vu venir. Tandis qu’on craint les premières pénuries, le voilà envoyé, avec un pauvre sauf-conduit, chez les voisins, l’ennemi, l’inconnu.



Dans cette novella parue à la même époque que « Les Monades Urbaines » (1971), Robert Silverberg interrogeait également sur les dangers de la surpopulation et de la sur-urbanisation. La dépendance aux machines, aux ordinateurs, aux modèles prévisionnels qui fleurissent à cette époque est aussi grandement remise en cause. En effet, à Ganfield, c’est la panique : la bureaucratie, dont le héros fait partie, s’appuyait tellement sur tout cela que plus personne ne sait faire sans. La ville géante, bloc de béton qui a écrasé la nature, ne fonctionne plus, s’apprête à imploser. Aux frontières, les voisins se tiennent près à dépecer la bête à peine morte. Car point de solidarité ! Chaque cité est rivale de sa voisine, n’attend que ce genre de faiblesse pour l’absorber, elle et ses industries ou tout ce qui aura fait son intérêt, ses points forts.
En partant à la recherche de Silena, le narrateur découvre un autre aspect des relations inter-villes : les travailleurs qui prennent le métro quotidiennement, mais restent mal vus tant par leurs concitoyens que les collègues « étrangers ». Tout comme il note les différences, parfois flagrantes, parfois subtiles, notamment la forme des robots de police.

Pour lui, citoyen modèle, standard, la quête est complexe, puisqu’il s’agit d’infiltrer un réseau de rebelles à la norme et aux lois. On découvre peu à peu que sous la chape de plomb, des braises demeurent, même si c’est davantage l’organisation rationnelle de la xénophobie et de la misère ambiante qui sidère : ainsi d’un soir où le héros est contraint de dormir dehors, son permis de séjour perdu. Mais même le clochardisme, qui touche une forte part de la population, a ses règles, et les dormeurs à la belle étoile massés dans un parc ont chacun à cœur de faire respecter leur carré personnel.

Je m’en voudrais de trop en dévoiler sur les 70 pages de cette novella dont chaque mot est choisi avec soin, chaque phrase pesée et lourde de sens, jusqu’à la dernière, qui marque le retour de l’ordre « naturel », confortable pour la population, ce confort de l’esclavagisme volontaire.

Saluons pour terminer le très bon dossier en fin d’ouvrage, qui resitue le texte dans la carrière de Silverberg, redonne des éléments de remise dans le contexte sociétal de l’époque, les sources probables de l’auteur, ainsi que des pistes bibliographiques supplémentaires. Un très riche addendum qui achève de faire de cette édition de « Traverser la Ville » un petit bijou.


Titre : Traverser la ville (Getting across, 1973)
Auteur : Robert Silverberg
Traduction de l’anglais (USA) : Jacques Chambon
Couverture :
Éditeur : Le Passager clandestin
Collection : Dyschroniques
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 96
Format (en cm) :
Dépôt légal : janvier 2022
ISBN : 9782369354901
Prix : 7 €



Nicolas Soffray
7 mars 2022


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