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Princes-Marchands (les), tome 1 : Une Affaire de Famille
Charles Stross
Le Livre de Poche, Science-fiction, roman traduit de l’anglais (USA), transmonde, 475 pages, février 2011, 7,50€

Journaliste tech trop fouineuse, Miriam Beckstein est virée pour avoir déterré une trop grosse affaire de blanchiment. Faisant le point sur sa vie, elle reçoit de sa mère adoptive une boite à chaussures qui contient des souvenirs de sa vraie mère, dont un médaillon... qui lorsqu’elle le regarde, la fait passer dans un autre monde, une Terre parallèle qu’elle décide d’explorer un peu.
Peu de temps après, elle est enlevée en pleine nuit... non par les mafias de son enquête, mais par des gens qui se prétendent sa famille... de l’autre côté. Et qui ont, comme eux, la capacité de voyager entre les deux Terre. Elle découvre qu’elle est une princesse, que sa mère a sans doute été assassinée, et que son retour au pays va déclencher quelques remous dans la succession...
Mais surtout, avec sa collègue Paulette, elle réalise que le commerce lucratif qui a fait la fortune familiale est simplement le transport de drogue, car quel meilleur moyen d’échapper à la DEA et au FBI que de changer de monde ?



La SF de Charles Stross est souvent teintée, non, saturée d’humour noir, à l’image de sa série « La Laverie », qui mélange menaces d’invasion des Grands Anciens et petites misères bureaucratiques. Dans la saga des « Princes-Marchands », il s’en prend avec délectation au capitalisme et aux dérives économiques modernes.
La préface du prix Nobel d’économie Paul Krugman le salue avec érudition, car c’est un fait, la dimension économique centrale est assez rare en SF.

On a donc là deux Terre parallèles, et dans l’autre, le Gruinmarkt, la famille de Miriam se sert de sa capacité à voyager entre les mondes pour faire passer de la coke à la barbe des autorités, et des métaux et pierres précieuses dans l’autre sens. De fait, grâce à ces « passeurs », la cour de Beltaigne s’est enrichie de quelques anachronismes importés, comme les armes automatiques, mais dans l’ensemble tout est resté comme au XVIe siècle : confort, tenues, et surtout mentalités.
Chapeau à la très belle couverture signée Alain Brion, qui donne immédiatement le ton : les robes à frous-frous et baleines côtoient de près des M-16.

Miriam doit donc échapper à des tueurs dont elle ignore le commanditaire : des membres de sa famille, que son retour prive de certains héritages ? des partisans de la guerre qui a conduit au meurtre de ses parents, 30 ans plus tôt ? ou bien est-ce cette mystérieuse sixième famille, disparue depuis longtemps, qui veut juste provoquer du chaos et des luttes intestines ?

S’il n’y avait que les attentats... Miriam, pardon lady Hedge Hjorth-Lofstrom, doit également prouver sa valeur. Et à sillonner le pays en carrosse inconfortable, la jeune journaliste du XXIe siècle reprend le dessus, et est bien déterminée à faire voler en éclats le pauvre petit système économique détenue par sa famille, basé sur ce pouvoir détenu par un petit nombre et fortement limité. Au contraire, elle veut faire transiter des idées, des brevets... et produire de la richesse sur place, au lieu de juste échanger des ressources d’un monde à l’autre. Accessoirement, ce sera aussi sortir tout un monde d’un modèle social dépassé et œuvrer au confort, à la santé et à l’hygiène générale.

Pour l’aider, à Boston elle peut compter sur son amie Paulette, qu’elle installe gérante d’une petite société-écran, et Roland, un cousin de la Famille, qui avait tenté de lui échapper avant d’être rappelé fermement dans les rangs. Entre les deux adultes, idéalistes, une idylle s’installe, nécessaire soupape dans ce monde de manigances et cette ambiance de poignards dans le dos. Mais sur le conseil de Paulette, Miriam s’efforce de n’accorder sa confiance qu’avec parcimonie, convaincue que certains attentats ont profité d’une taupe dans les rangs.

Ce premier tome est extrêmement dense, et l’auteur a pensé à un million de détails. Certaines trouvailles sont très satisfaisantes, comme les bâtiments « doppleganger », des lieux sécurisés des deux côtés pour pouvoir traverser sans risque, et leur corolaire : les gratte-ciel, car il n’y a aucun bâtiment au Gruinmarkt qui soit si haut. Donc loger dans une chambre au 10e étage est le meilleur moyen d’être en sécurité, car traverser signifierait... apprendre à voler ! Inversement, Miriam comprendra vite, et à ses dépens, qu’une faille de sécurité dans un monde peut avoir de graves conséquences dans l’autre...

La conclusion de ce premier tome, temps d’apprentissage à la dure pour l’héroïne qui fourbit ses armes pour la suite, tandis que l’instigateur de ce bazar se dévoile, est assez brutale et pleine de suspense. On se ruera donc sur « Un Secret de Famille » avec avidité et délectation.


Titre : Une Affaire de famille (The Family trade, 2004)
Série : Les Princes- Marchands, tome 1/4
Auteur : Charles Stross
Préface : Gérard Klein
Traduction de l’anglais (USA) : Patrick Dusoulier
Couverture : Alain Brion
Éditeur : Le Livre de Poche (édition originale : Robert Laffont, 2006)
Collection : Science-fiction
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 32083
Pages : 475
Format (en cm) : 18 x 11 x 2,5
Dépôt légal : février 2011
ISBN : 9782253159834
Prix : 7,50 €


Deux autres avis sur ce roman, à sa sortie initiale en 2006 : ici et


Nicolas Soffray
9 avril 2022


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