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Haut-Royaume, tome 2 : L’Héritier
Pierre Pevel
Bragelonne, roman (France), fantasy, 493 pages, novembre 2014, 25€

La Garde d’Onyx enterre son capitaine. Le prince endosse l’intérim, et tente de faire honneur à son ami disparu, en accompagnant les négociations entre l’Empire et le Duché d’Arcante. Deux femmes s’affrontent : la reine Célyane administre l’Empire au nom du Roi, et veut écraser son ancienne rivale, Yssandre que son époux aima bien plus qu’elle.
Malgré tous les efforts d’Alan, les négociations échouent, à cause d’un attentat contre son frère, prélat de l’Eglise. La guerre est inévitable, mais à sa grande surprise, c’est son demi-frère ainé, et héritier en titre, qui est nommé pour mener le siège contre Arcante. Alan peste dans son coin, déterminé à montrer qu’il a mûri.
Pendant ce temps, la jeune Alissa tente de faire son deuil. Son père la fiance à un Duc des confins, un vieil homme guère causant, mais doté d’un fils vaillant et charmant. Tandis que la fiancée se risque à rêver à un avenir peut-être heureux, voilà que reparaît Lorn.
Et tout est et sera bouleversé.



En effet, le chevalier d’Onyx s’est fait passer pour mort, avec la complicité de ses officiers et du prince, pour mieux démasquer ses assassins. Mais son enquête piétine, ses alliés de circonstances coûtent cher et l’annonce du mariage d’Alissa l’a fait sortir de sa retraite. Il opte pour une autre stratégie : se montrer en plein jour pour pousser ses ennemis à la faute.
Et il n’en a plus rien à f... faire des prophéties, de son rang, du soutien royal. Un poil jaloux, il essaie de récupérer Alissa, qui venait juste de tourner la page. Les choses s’enveniment, voire foirent dans les grandes largeurs. A peine revenu des morts, de nouveau auréolé de gloire, Lorn est déchu. Et doit fuir. Écoutera-t-il son destin, qui met sur sa voie un artefact légendaire, l’Épée des Rois ? Ramener une telle arme, prise par l’Hydre, redorerait son blason. Mais l’aventure est à haut risque.

Pour ce second tome de « Haut-Royaume », Pierre Pevel déroule un plan aux petits oignons. La reine intrigue pour, on le comprend plus vite que les protagonistes, décrédibiliser Yrdel dans un siège stérile et coûteux, et assurer un soutien populaire à Aldéran, tout en manœuvrant pour trafiquer le testament royal. Alan, en bon fils en quête de reconnaissance, n’y voit que du feu si son ami Lorn ne lui met pas le nez dessus. La noblesse rentre dans le rang, ou prend fait et cause pour Arcante. On attend la mort imminente du roi, et le timing sera déterminant.
Et arrive l’élément perturbateur, Lorn qui hésite entre sa fidélité au roi et la prise en main de son propre destin, au fil des révélations. Il est entre autres possible que son père ne soit pas son père... Voilà de quoi bouleverser les plans du Conseil Secret d’Ir’kans qui ne sait plus qui doit avoir quel rôle dans leurs prophéties...

Le point fort de ce second tome, c’est que Lorn y apparait plus que jamais comme un sale type. On est bien tenté de le prendre parfois en pitié, justifier que certains accès de violence (comme le viol d’une prostituée) sont dus à l’Ombre qui le ronge, il y a un point de bascule où il jette l’éponge, trahi par ceux à qui il a juré fidélité, épuisé du poids qui pèse sur ses épaules, ce statut qu’il n’a pas cherché. Et pourtant, il va y revenir, assoiffé de ce pouvoir conféré par la chevalière du roi, affamé du respect qu’on lui doit, ivre des portes qui s’ouvrent, des genoux qui ploient. Définitivement, Lorn est terriblement humain, totalement masculin. Sa relation avec Alissa, ultra-possessive, en est la meilleure preuve : jaloux, il ne supporte pas qu’elle ait pu faire son deuil, ignore sa souffrance passée et présente. Il ne pense qu’à lui.

Pevel joue sur du velours. Le roman se découpe encore (et toujours) en courts chapitres, alternant les points de vue entre les camps, les protagonistes, le tout bien daté pour suivre un flash-back de temps en temps. C’est limpide, parfois un peu redondant, l’auteur s’assurant souvent, quelques dizaines de pages a posteriori, que le lecteur distrait aura bien saisi ce qui se trame ou qui tire les ficelles. Quitte à parfois nous prendre franchement par la main, ce que je trouve dommage : l’auteur nous livre une prose qui se dévore, un vrai page-turner dans les règles de l’art, doublé de complots et d’aventures propres à captiver ; croit-il, craint-il vraiment que nous ne lisions que quelques pages de-ci de-là, et oubliions la moitié des choses entretemps, qu’il soit nécessaire de les répéter ? C’est hélas un trait qu’on avait déjà remarqué dans « Wielstadt » et « les Lames du Cardinal ». On s’en accommodera cependant, pour mieux apprécier l’entrelacs des intrigues et des jeux de pouvoir, la qualité des personnages secondaires qui surmontent quelques passages obligés de la fantasy.

C’est sans doute là mon principal reproche à Pevel : d’être très grand public, sur le fond comme la forme. Le lecteur chevronné aura de nombreuses sensations de déjà-vu, déjà-lu ; les scènes très cinégéniques abondent au point qu’on ne sait plus quel medium se nourrit de l’autre. Et c’est finalement une grande force, pour attirer les néophytes ou satisfaire les lecteurs moins boulimiques : avec une fantasy aux accents politiques et historiques forts, et un terreau visuel issu du cinéma de genre, « Haut-Royaume » permet une immersion aussi rapide qu’intense.
Et c’est si dense que cela concurrence sans mal « Game of Thrones », et que même les lecteurs aguerris, distraits par les évidences, tomberont dans les petits pièges pourtant laissés en évidence. L’épilogue est à ce titre savoureux, et promet encore de sacrés rebondissements.


Titre : L’Héritier
Série : Haut-Royaume, tome 2
Auteur : Pierre Pevel
Couverture : Didier Graffet
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 493
Format (en cm) : 24,6 x 15,6 x 4,9
- édition reliée hardcover :
Dépôt légal : novembre 2014
ISBN : 9782352948049
Prix : 25 €
- grand format :
Dépôt légal : juillet 2015
ISBN : 9782352948773
Prix : 22 €
- poche :
Éditeur : Milady
Pages : 624
ISBN : 9782811217730
Prix : 8,20 €



Nicolas Soffray
9 mars 2022


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