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Enquêtes de Roderick Alleyn (les), tome 3 : La Clinique du Crime
Ngaio Marsh
Archipoche, roman (Angleterre), cosy mystery, 316 pages, janvier 2022, 14€

Angleterre, années 30. Le ministre de l’Intérieur prépare une loi sévère contre les gauchistes, communistes et autres agitateurs, et tout à son devoir, néglige son appendicite qui s’enflamme. Il décède peu après son opération, l’autopsie révèle un taux mortel d’hyoscine, utilisé comme anesthésique.
Missionné par la veuve, l’inspecteur Alleyn de Scotland Yard ne manque pas de suspects : le chirurgien, ancien ami du ministre, l’avait menacé de mort pour avoir couché avec une infirmière qu’il aime, ladite infirmière lui en voulait d’avoir ruiné sa réputation d’honnête femme. Une de ses collègues au bloc est une Rouge et ne cachait pas ses convictions. Enfin la sœur du défunt, adepte des médecines « novatrices », lui a peut-être fait avaler un cachet à son insu...



On devrait connaître Ngaio Marsh autant que sa contemporaine Agatha Christie. Néo-zélandaise émigrée à Londres, elle est la reine du cosy mystery, genre revenu à la mode depuis deux ans. Elle écrivait également du théâtre, et la troisième enquête de son inspecteur et gentleman en porte les traces. Jusque-là éditée par 10/18 depuis les années 1990 dans la collection Grands Détectives, son œuvre prend de nouvelles couleurs, un plus grand format, et de fait double de prix.

Troisième enquête de Roderick Alleyn après Le Jeu de l’Assassin et L’Assassin entre en scène, La Clinique du Crime, paru en 1935, montre hélas des faiblesses, ou du moins accuse ses 90 ans. L’écriture, la narration ont quelque peu évolué entretemps, et le lecteur de cosy contemporain n’y trouvera pas immédiatement ses repères.

Premier constat, la théâtralité de l’ensemble. Marsh procède essentiellement par tableaux fixes, où les protagonistes présents se donnent la réplique. Les dialogues ont la part si belle, les incises sont si rares que le tout manque d’émotion, de « direction d’acteurs ». Qu’un troisième personnage s’invite, et c’est parfois le drame : on ne sait pas toujours avec certitude à qui attribuer quelle réplique, comme lorsque Alleyn fait le bilan de son enquête avec Nigel, son « Watson », et son amie Angela (page 187-188). La scène de l’opération, à la clinique, est un peu mieux décrite, mais de fait l’autrice préfère séparer les choses : action/description d’une part, dialogues de l’autre. Voire monologue. Et cette affaire est si confuse que l’inspecteur Alleyn va faire des points récapitulatifs, avec son adjoint, puis Nigel le journaliste, répétant les interrogatoires des suspects et témoins qui eux-mêmes nous auront répété ce que nous avons lu/vu de nos propres yeux.

Quand il y a action, elle est parfois confuse, faible en description. La visite dans les bas-fonds, à une réunion d’agitateurs, nous met au niveau de Nigel et Angela qui ignorent où ils mettent les pieds. De même, la reconstitution finale est écrite de manière si obscure que lorsque Alleyn confond le coupable, on est bien en peine de comprendre par nous-mêmes ce qui s’est passé. On en sera quitte pour le long monologue explicatif final.

« La clinique du crime » n’est sans doute pas le meilleur roman pour découvrir Ngaio Marsh, puisque de l’aveu même de son héros, la résolution de l’enquête passe par un coup de chance. Mais l’intrigue a ses qualités, avec une poignée de suspects ayant le mobile et l’opportunité, et on ne peut qu’applaudir cette pirouette finale, puisque les raisons du coupable nous auront bel et bien été dites au milieu du roman.

On appréciera davantage les petits à-cotés : le spectacle au Palladium, soirée avec du théâtre, des sketchs, du cinéma ; la peinture de la politique, avec des partis interdits et donc clandestins ; ou les tâtonnements médicaux, entre débuts de protocoles opératoires et pharmacies libres de vendre leurs concoctions descendantes des thériaques médiévales.

En conclusion, c’est un bon policier, avec un mystère bien tordu, mais un roman dont l’écriture obéit à des codes très différents d’aujourd’hui, qui demandent une lecture fluide pour être agréable.


Titre : La Clinique du Crime (the nursing home murder, 1935)
Série : Les enquêtes de Roderick Alleyn, tome 3
Autrice : Ngaio Marsh
Traduction de l’anglais (Angleterre) : Roxane Azimi
Couverture : Hélène Crochemore
Éditeur : Archipoche
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 316
Format (en cm) : 19,5 x 12,5 x 2,5
Dépôt légal : janvier 2022
ISBN : 9791039200714
Prix : 14 €


Signalons notamment 2 coquilles, page 246 le numéro de page se retrouve au milieu d’un mot (!) ; page 265, un cadratin mal placé.

Ngaio Marsh & Roderick Alleyn sur la Yozone :
La clinique du crime
Mort en extase
Mort au champagne


Nicolas Soffray
21 février 2022


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