Laurent Genefort immerge le lecteur dans une époque décalée, où les avancées scientifiques ne sont pas dues à la vapeur, mais à la cavorite. Un petit air de steampunk se dégage de ses pages, mais l’auteur extrapole son récit d’après un matériau imaginaire, tirant son nom de celui qui l’a découvert. Les lecteurs des « Premiers hommes dans la Lune » reconnaîtront la création de H. G. Wells. En téléchargement gratuit sur le site Albin Michel, il existe un « Abrégé de cavorologie » qui permet de se familiariser avec l’univers de ce roman. Celui qui a parcouru cet opuscule se retrouve en territoire connu et peut donc apprécier pleinement la présente histoire.
Des voitures volent, des paquebots transcontinentaux sillonnent les cieux et amènent même des personnes sur Mars. Les propriétés de la cavorite, annulant la gravité, rendent tout cela possible. Mais sa rareté et sa faible période de demi-vie (18 ans) en font un enjeu considérable. La détenir revient à posséder le pouvoir, aussi la moindre mine est-elle exploitée à fond, les parois raclées pour ne rien en perdre.
La mise à jour d’un trafic de cavorite d’origine inconnue sert de fil rouge à ces « Temps ultramodernes ». D’où provient-elle ? Pourquoi les Services Secrets étouffent-ils l’affaire ? Le commissaire Maurice Peretti flaire la magouille en haut lieu et comprend qu’il doit se méfier, enquêter en douce, ni vu ni connu. Il demande l’aide d’une journaliste scientifique Marthe Antin.
Plusieurs personnages arpentent ce roman, apportant tous leur pierre à l’édifice qui n’est pas sans rappeler notre propre passé. Mars est une planète à coloniser et les autochtones n’ont pas voix au chapitre. Ils n’ont le droit que de s’écraser face aux hommes tout puissants, leur apportant la civilisation. Dans le récit apparaît aussi un sinistre docteur, Marcel Chery, condamné pour ses stérilisations forcées dans le but de purifier la race humaine. Il est recruté pour un projet secret qui ramènera les lecteurs à un horrible passé. Je n’en dirai pas plus.
Les divers protagonistes se croisent à un moment ou l’autre de l’histoire, chacun plus ou moins impliqué dans l’intrigue se déroulant aussi bien sur Mars que sur Terre. La politique n’est pas oubliée, elle aussi s’invite, tant les enjeux sont grands et la période trouble. Laurent Genefort livre là un contexte fouillé, ce d’autant plus que notre propre passé trouve là de tristes échos, donnant des accents de crédibilité à l’ensemble. Pourtant l’existence de Martiens place d’emblée le récit sur un autre plan, mais à aucun moment le roman n’en pâtit. Le décalage est tel que « Les temps ultramodernes » fonctionne très bien.
Cette uchronie bâtie sur la cavorite offre une très belle évasion exotique. Ses personnages dressent le portrait d’une société si proche et si éloignée de la nôtre. Elle a pris des chemins différents, mais commis les mêmes erreurs, comme si la guerre, la colonisation... étaient inscrites dans l’humain toujours désireux de posséder, d’exercer le pouvoir sur autrui.
Laurent Genefort régale. Avec « Les temps ultramodernes », les lecteurs retrouvent le souffle du steampunk à la sauce cavorite. Un bon coup de dépoussiérage !
De l’imaginaire de haut niveau !
Titre : Les temps ultramodernes
Auteur : Laurent Genefort
Illustration de couverture : Didier Graffet
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 462
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : janvier 2022
ISBN : 9782226461599
Prix : 22,90 €
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