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Grand livre de Mars (Le)
Leigh Brackett
Le Bélial’, Kvasar, trois romans et cinq nouvelles (États-Unis), science-fantasy, 552 pages, novembre 2021, 24,90€

Ce volume aujourd’hui épuisé figurait déjà dans le catalogue du Bélial (2008), mais dans un souci d’harmonisation avec « Stark et les rois des étoiles » paru dans la collection Kvasar créée entre temps, « Le grand livre de Mars » ressort dans le même bel écrin. Une fois dépliée, la couverture à rabats offre un aperçu martien, œuvre de Guillaume Sorel. Bienvenue dans les sables rouge de la planète Mars.



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Couverture panoramique réalisée par Guillaume Sorel

La civilisation terrienne, encore à son aube, y croise celle déjà ancienne des Martiens, qui en est à son crépuscule. Le décor est planté, enchanteur, ensorcelant, rougeoyant et nostalgique. Leigh Brackett plonge sans coup férir les lecteurs sur une planète en fin de parcours, sur laquelle les habitants survivent chichement sur des réserves qu’ils savent très limitées. Ils tiennent à leur mode d’existence, se souviennent d’un passé glorieux aujourd’hui bien lointain et à la technologie oubliée. Qu’importe... Ils voient d’un mauvais œil l’arrivée des Terriens qui veulent tout révolutionner sans respect pour les autochtones qui ne désirent que suivre la fuite inéluctable du temps.
À aucun moment, le lecteur ne bute sur ce qu’il sait de cette planète, se dit que tout cela est tout simplement impossible, n’a jamais pu exister. L’histoire l’emporte, un point c’est tout. Le sense of wonder dans toute sa splendeur, made in Leigh Brackett, fait sensation et c’est bon de s’y abandonner.

Trois romans, plus un recueil de cinq nouvelles, autant d’occasions de s’évader dans un ailleurs ensorcelant. Dans « L’épée de Rhiannon », le héros est envoyé dans le passé, découvrant alors une Mars avec des océans non asséchés. Eric John Stark, personnage emblématique de Leigh Brackett, apparaît dans « Le secret de Sinharat » et « Le peuple du Talisman ». Il y côtoie à chaque fois le présent et le passé de la planète avec des survivants de la grandeur de Mars qui ne sont pas sans donner une image décadente. Stark trouve là de grandes étendues désolées à sa mesure, le ramenant souvent à celui qu’il était, N’Chaka que la planète Mercure a endurci dans sa jeunesse et capable de se sortir des situations les plus désespérées. L’aventure avec un grand A, l’inconnu, le danger, des ennemis puissants... autant d’obstacles à franchir pour parvenir au but.
Avec ses cinq nouvelles au sommaire, « Les Terriens arrivent » affine le décor martien, décrivant une situation explosive avec un fragile équilibre mis à mal par l’arrivée des Terriens peu à l’écoute d’une civilisation sur le déclin mais qui ne veut pas accélérer sa fin.

On est loin ici du cycle de John Carter d’Edgar Rice Burroughs offrant en général une suite de péripéties au schéma simpliste et répétitif (le héros tombe amoureux, la belle se fait enlever, il la récupère avant de la reperdre...). Le propos est plus profond, l’action moins échevelée, la planète Mars impose son rythme.
Cet omnibus s’ouvre sur une préface éclairante et inspirée de Michael Moorcock qui situe très bien l’œuvre martienne de Leigh Brackett et ce que des auteurs, comme lui-même ou Ray Bradbury qui la connaissait bien, lui doivent. Le ton est donné d’emblée et met la saveur à la bouche.
La postface signée Charles Moreau permet de se familiariser avec l’écrivaine en retraçant son parcours. Et Alain Sprauel conclut cet épais ouvrage sur une bibliographie des œuvres de fiction de Leigh Brackett. La boucle se referme sur cette évasion martienne dans un air chargé de sable rouge, témoin d’une planète aride, érodée par le temps.

Même si on a déjà lu certains récits, on ne les relit pas avec moins de plaisir. Il est des auteurs comme ça que l’on se plaît à retrouver. Quel que soit l’instant de notre vie où on les recroise, l’émerveillement est intact. Les écrits de Leigh Brackett se jouent des modes, ils figurent au rang des intemporels, des marqueurs forts dans le corpus de l’imaginaire.
Véritable concentré de Leigh Brackett, « Le grand livre de Mars » est à déguster sans modération.

Le dossier du numéro 105 de « Bifrost » sera justement consacré à Leigh Brackett. La barre est déjà haute avec cet omnibus, je suis curieux de découvrir ce que ce dossier apportera de plus. Espérons aussi que d’autres récits de l’auteure retrouveront le devant de la scène éditoriale.


Titre : Le grand livre de Mars
Auteur : Leigh Brackett
Sommaire :
- La reine des mystères martiens, préface de Michael Moorcock traduite par Pierre-Paul Durastanti
- « L’Épée de Rhiannon » traduit par Amélie Audiberti
- « Le secret de Sinharat » traduit par Pascale Aubignan
- « Le peuple du Talisman » traduit par Pascale Aubignan
- « Les Terriens arrivent », recueil traduit par Michel Deustch et Jean Laustenne et regroupant :
- “Le jardin de Shanga”
- “La malédiction de Bisha”
- “Les derniers jours de Shandakor”
- “La prêtresse pourpre de la Lune folle”
- “La route de Sinharat”
- Leigh Brackett, dame de Mars, Vénus et autres mondes, postface par Charles Moreau
- Bibliographie, par Alain Sprauel
Traductions révisées par : Pierre-Paul Durastanti et Olivier Girard
Couverture : Guillaume Sorel
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Kvasar
Directeur de la collection : Olivier Girard
Site Internet : Omnibus (site éditeur)
Pages : 552
Format (en cm) : 15 x 22
Dépôt légal : novembre 2021
ISBN : 9782843449918
Prix : 24,90 €


Leigh Brackett sur la Yozone :
- « Le grand livre de Mars », la première version chroniquée par Stéphane Pons
- Délices & Daubes 105, consacré au même recueil
- Délices & Daubes 129, consacré au recueil « Océans de Vénus »
- « Stark et les rois des étoiles »

Pour écrire à l’auteur de cette chronique :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
7 janvier 2022


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