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Commissaire n’a point l’esprit club (La)
Georges Flipo
Folio, Policier, roman (France), polar, 292 pages, octobre 2021, 8,10€

A peine l’affaire Baudelaire tassée, le ministre dépêche Viviane Lancier dans un club de vacances, sur une île grecque, club dont le gérant vient d’être retrouvé pendu, et pas de son plein gré. L’affaire est délicate, on l’envoie incognito, accompagnée d’un nouveau lieutenant, Willy Cruyff, espoir olympique. Séparée de son Augustin Monot au bel esprit remplacé par un éphèbe au crâne vide, Viviane se voit déjà dépérir, et plus encore lorsqu’elle arrive à L’Esprit Club de Rhodes, un monde à part, où les vacanciers sont les Chéris, les animateurs les Cocos et les Kikis, où le défunt se faisait appeler King et sa femme Irène, l’administratrice, écope du surnom de Reine.
Et donc, le Roi a été retrouvé pendu lors du spectacle du 14-Juillet, en lieu et place du mannequin de paille que chacun venait bastonner. Et cela, après une journée d’entretiens avec les animateurs où il a semble-t-il réglé ses comptes…



C’est avec un plaisir non dissimulé qu’on retrouve Viviane Lancier après « La commissaire n’aime point les vers », pour une enquête qui s’annonce encore plus truculente, avec ses allures de meurtres à plusieurs mains type « Crime de l’Orient-express »… à moins qu’au contraire, ce ne soit un meurtre en chambre close, car tout le monde a un alibi !
Le duo mal assorti s’avère une nouvelle fois complémentaire : Viviane a beaucoup de mal à s’intégrer aux vacanciers, tandis que Willy semble un poisson dans l’eau : il a l’esprit club ! Ouvert, il va vers les autres, se lie avec les kikis et les cocos, et malgré son inexpérience policière, il se fait les yeux et les oreilles de Viviane qui enquête de façon plus classique. Mais sans guère de résultats, si ce n’est découvrir que le défunt King, sous ses allures débonnaires, pouvait être un tyran, et qu’il se passe bien des choses pas très Esprit Club dans le village vacances.

L’esprit club, le lecteur, adepte ou non, le retrouve bien. On s’intéresse peu aux Chéris, car Viviane est certaine que l’assassin est un membre du personnel, et se concentre donc sur les Cocos et les Kikis. Pas de noms propres, car King ne s’en souvenait jamais, donc chacun est appelé par son rôle : Coco L’anime, Kiki Piqûre pour l’infirmière, Kiki Muscule la coach de sport, Kiki Plouf pour l’aquagym, Coco Picole s’occupe de la boite de nuit, Coco Clown de l’ambiance et Coco Cuistot du buffet… L’auteur évacue ainsi l’effort de ne pas se mélanger les pinceaux entre noms et fonctions, et comme disait Dany Boon, “pour le cerveau c’est déjà les vacances” ! Mais derrière cette facilité, on ressent également l’emprise du défunt, chef-roi du club, qui a imposé ces mots, ces patronymes à ses employés, au point qu’ils les emploient entre eux, y compris quand ils sont en couple ! Encore une fois, derrière les allures de carte postale ensoleillée, la réalité du terrain est bien là : jalousies, mépris, racisme parfois.

L’enquête est une fois encore très dense et pleine de pistes divergentes. Le défunt n’avait pas que des qualités, et chacun dans le club avait ses petits trafics pour arrondir les fins de mois, comme le découvrent les deux enquêteurs incognito. Mais de là à commettre un meurtre ?
Avancer à visage masqué n’aide pas Viviane et Willy. La commissaire se fait passer pour une scénariste de télévision, écrivant un polar fort similaire aux événements survenus, mais Viviane n’est pas une grande comédienne et le ton de flic prend parfois le dessus, intriguant ses interlocuteurs. Willy, policier débutant, se perd parfois un peu entre la nécessité de se fondre dans le décor, quitte à se croire en vacances, et ses élans malheureux inspirés de films américains, aux conséquences parfois désastreuses, comme lorsqu’il prend sur lui d’exhumer le chat mort du gardien turc, mort également, pour autopsie par un taxidermiste.
Viviane se languit également de son Augustin, cherchant tous les prétextes pour l’appeler à Paris, même si peu à peu, elle apprivoise Willy et le découvre moins bête qu’il y paraît. Georges Flipo fait encore merveille pour nous montrer, sur un ton léger, les failles très humaines de ses héros, pour nous faire franchir le pas entre un personnage et une vraie personne.

Fidèle au tome précédent, l’auteur nous livre une énigme ardue, véritable concentré de passions humaines qui se télescopent jusqu’à une issue fatale, à charge des enquêteurs de démêler l’écheveau.
Léger sur la forme, complexe sur le fond, « La commissaire n’a point l’esprit club » est une lecture plaisir pas si naïve qu’elle en a l’air, à la psychologie fine et remarquable. On en redemande, hélas les mésaventures de Viviane Lancier se sont arrêtées là, sur une dernière réplique pleine de sel.


Titre : La Commissaire n’a point l’esprit club
Auteur : Georges Flipo
Couverture : Studio Folio
Éditeur : Gallimard (édition originale : La Table Ronde, 2010)
Collection : Folio Policier
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 697
Pages : 292
Format (en cm) : 18 x 11 x 1,2
Dépôt légal : octobre 2021
ISBN : 9782072956591
Prix : 8,10 €



Nicolas Soffray
29 décembre 2021


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