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Entretien avec Guillaume Bernon
Illustrateur de la série « Cartaventura »
22 Novembre 2021

Guillaume Bernon est l’illustrateur principal de la gamme de jeux narratifs « Cartaventura ». Sa patte d’aquarelliste a donné cet aspect carnet de voyage à la série qui rend chaque jeu très immersif. Mais Guillaume vient d’un autre monde que celui du jeu. Il nous explique ses premiers pas, réussis, dans cet univers...



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Vous venez d’entrer dans l’illustration de jeux de société avec la gamme « Cartaventura ». Mais quel a été votre parcours pour y parvenir ? Êtes-vous joueur vous-même ?

Absolument pas, mon univers naturel est plutôt celui des pochettes de disque. Je suis graphiste, à tendance photoshopo-compulsive. J’ai atterri dans l’univers du jeu par accident (ou pour mieux dire par le hasard des rencontres), en retrouvant après vingt ans un ami de passage à Paris. Il s’était reconverti dans la création et l’édition de jeux. Il m’a parlé de son travail, je lui ai montré mes dessins. L’idée de travailler ensemble nous a paru évidente.

Vos illustrations font très photoréalistes. Qu’est-ce qui vous attire dans cette vision du dessin ?

Le réalisme permet de rendre crédible des univers fictifs. Je suis amateur depuis toujours de bandes dessinées, et j’ai une admiration particulière pour des dessinateurs aux dessins très détaillés, des maîtres tels que Moëbius, Loisel, Ségur et plus récemment Juan Guarnido. Le soin qu’ils savent apporter aux détails est proprement fantastique, et permet au lecteur de s’identifier et de croire à leurs récits qui sont pourtant fantastiques.

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L’utilisation de l’aquarelle donne un aspect très carnet de voyage à vos illustrations. Vous étiez forcément le candidat idéal pour la gamme « Cartaventura ». Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet d’illustration ?

J’ai repris l’aquarelle spécialement pour ce sujet. Je pratique aussi la peinture à l’huile, l’acrylique ou la peinture numérique (c’est d’ailleurs le cas des illustrations de couverture). Mais l’aquarelle s’est imposée naturellement car ce médium évoque le voyage et a l’avantage d’être une technique assez rapide, compatible avec des délais de production courts. De plus, cette technique donne un côté un peu vieillot qui pourrait faire accroire que les dessins sont anciens, qu’ils datent d’époques proches de celles racontées. Pour « Oklahoma », j’ai d’ailleurs ajouté de la gouache car je trouvais que le rendu rappelait les illustrations américaines classiques.

La gamme « Cartaventura » est très historique. Avez-vous été limité dans vos illustrations à cause du besoin d’exactitude ou est-ce pour vous justement l’occasion d’être réaliste tout en ajoutant votre touche ?

Le réalisme est l’objectif recherché. Tout le problème est d’immerger le joueur dans la scène de jeu, tout en conservant une représentation historiquement crédible. « Cartaventura » est un sujet créatif d’une richesse incroyable qui me fait découvrir des univers, des lieux, des cultures, des personnages passionnants dont j’ignorais l’existence pour la plupart. Je découvre à chaque fois toutes les images fausses qu’on a de l’histoire, véhiculées par le cinéma. Le réalisme du dessin permet de corriger un peu cette vision faussée. Mais paradoxalement, j’aime bien essayer de camper les personnages dans des poses stéréotypées, parfois à la limite de la caricature.

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Comment se sont déroulés vos recherches pour effectuer toutes ces illustrations sur des thèmes aussi différents que les Vikings, le Tibet ou le far west ?

Le travail de recherche est très compliqué car « Cartaventura » aborde des périodes anciennes, souvent mal documentées et pauvres en illustrations. Pour ce jeu, BLAM ! a même développé un système de partenariat, pour chaque épisode, (le parc historique ORNAVIK pour les Vikings, La Maison Alexandra David Neel pour le Tibet et les historiens Art Burton et Farid Ameur pour l’Oklahoma), afin de garantir la solidité de la narration. Mais le plus long reste la recherche de données visuelles fiables pour s’inspirer sans commettre (trop) d’erreurs. Pour les trouver, les sources sont multiples. Internet est ton ami, maisc’est vraimentlabyrinthique de s’y retrouver (on finit par trouver de l’information sur à peu près tout, mais avec beaucoup de patience !). Les films et les séries - lorsqu’ils existent, sont parfois plus pratiques car ils condensent toutes les données visuelles de l’époque (décors, costumes, objets, personnages), mais il faut tomber sur la bonne période au bon endroit, et surtout vérifiersystématiquement la fiabilité historique des choix artistiques de leurs auteurs.

Le système du jeu est imbriqué avec les illustrations puisqu’on en découvre beaucoup qui se construisent au fil des cartes. Avez-vous travaillé avec les auteurs pour caler ces imbrications ? Comment votre rôle a été défini dans la construction du jeu ?

Le process de création est une co-construction entre les intervenants : les auteurs, le directeur artistique chez BLAM ! et moi. Nous échangeons nos idées pour créer une image qui saura immerger le joueur dans la situation sans influencer son choix. Le côté historique ou scénaristique prévaut a priori, mais il arrive que le côté visuel influence le texte, lorsque la représentation est plus évidente que l’idée de départ. Je peux donc être relativement libre pour le dessin de certaines cartes.
En revanche, celles qui servent à naviguer géographiquement doivent être conçues ensembles, comme un plateau de jeu, sauf que ce plateau peut se transformer en fonction des choix opérés par les joueurs ! Ces cartes sont plus complexes à concevoir. Plus contraignantes aussi, car il faut montrer des lieux pittoresques mais évoquer un espace généralement vaste. La cohérence géographique est rendue très difficile à cause de l’étendue des territoires.

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Avez-vous joué aux jeux avant de les illustrer ?

J’aurais été bien en peine de le faire : jusqu’à présent, aucune histoire n’était finalisée lorsque je me suis attelé à ma planche à dessin ! Il est même arrivé que l’histoire change pendant mon travail, et quelques dessins ont dû finalement être retirés de l’histoire finale.

Dans quels autres domaines illustrez-vous ? Faites-vous des carnets de voyage ?

Je rêve qu’un éditeur visionnaire me propose de me financer des voyages afin que je réalise des carnets de voyage, mais pour l’instant, je remplis plutôt les carnets de croquis ! Je partage ce passe-temps avec la peinture de tableaux, généralement à l’huile. Et bien entendu, mon travail de graphiste me donne l’occasion de dessiner sur ordinateur en permanence.

Vous utilisez l’aquarelle, mais pouvez-vous nous en dire plus sur l’ensemble de vos techniques de conception d’illustration ?

J’aime toutes les techniques, même si certaines me sont plus faciles que d’autres. Contrairement à ce qu’imaginent mes amis, je me sens plus peintre que dessinateur, avec une appétence pour la matière. Niveau méthode, pas de règle : quand je suis la proie du doute, je peux multiplier les essais, les points de vue laborieux, des harmonies de couleurs, au point d’utiliser parfois l’ordinateur pour tester des compos ; et parfois, je me lance sans dessin, directement à la couleur.

Avez-vous des routines de travail ?

Du coup, pas vraiment !

Avez-vous de futurs projets ?

Trois autres aventures sont en cours de conception pour « Cartaventura », je pense qu’elles vont occuper une grande partie de l’année à venir.

Merci beaucoup Guillaume.


Liens utiles :
- Guillaume Bernon sur Instagram


A lire sur la Yozone :
- « Cartaventura : Oklahoma », la chronique
- « Cartaventura : Lhassa & Vinland », la chronique
- Entretien avec Arnaud Ladagnous, scénariste de « Cartaventura
- Le portrait ludique d’Arnaud Ladagnous, scénariste de « Cartaventura »


© Guillaume Bernon & les éditeurs


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