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Entretien avec Cesare Mainardi
Créateur du jeu « Conquêtes » chez Atalia Jeux
2 novembre 2021

Cesare Mainardi vient de sortir le jeu « Conquêtes », jeu de cartes d’affrontements, aux éditions Atalia Jeux, dont il est aussi CEO. Il nous raconte son parcours de créateur, mais aussi son métier de distributeur et éditeur de jeux de société. Car Atalia, c’est d’abord la passion du jeu…



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Quel a été votre parcours de créateur de jeu ?

« Conquêtes » est mon quatrième jeu. Le premier a été « Racing », un petit jeu que j’avais autoédité en 2010 en tant que passionné de Formule 1, alors que je n’avais encore aucune connaissance du marché du jeu de société moderne. J’avais pensé à un jeu pour un public amateur de Formule 1 sans connaitre les attentes des passionnés de jeux. Mais c’est grâce à « Racing » que j’ai découvert cet univers.
J’ai créé « Robotroc » l’année suivante, qui s’adressait à un public familial. « Spywhere » a été mon 3e jeu, publié par Azao Games en France et par d’autres éditeurs dans d’autres pays.

« Conquêtes » est un jeu familial avec un matériel simple, un paquet de cartes. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’utiliser ce matériel et cette mécanique de jeu ?

J’ai toujours aimé les jeux de cartes. Les protos sont faciles à fabriquer soi-même. Les cartes peuvent être des supports formidables pour mettre en valeur de belles illustrations ou pour contenir des rappels de règles et ainsi de faciliter la prise en main. Et surtout, les jeux de cartes sont généralement de petite taille et donc faciles à transporter.

Lorsqu’on joue à « Conquêtes », on peut retrouver le principe du « Risk », mais avec plus de simplicité, de rapidité, et aussi un peu plus de hasard. Vouliez-vous retrouver ces sensations, un peu comme une madeleine de Proust ?

Oui, il y a en effet un côté nostalgique de « Risk ». Je l’avais ressorti pendant mes vacances d’été de 2019. Désormais habitué aux jeux plus rapides et tendus jusqu’à la fin, cette partie m’a donné envie de créer un jeu qui procure les sensations que j’aime retrouver dans « Risk », tout en gommant les aspects que j’aimais moins. L’objectif était de créer un jeu de cartes où l’on puisse attaquer/défendre des régions, dans le but de construire un territoire le plus grand possible. Je voulais que les parties ne durent pas plus d’un quart d’heure à 2 joueurs et trois quarts d’heure à 4 joueurs. Enfin, il me semblait important de ne pas connaître le gagnant jusqu’au tout dernier moment. Sans lancer de dés, « Conquêtes » est à mon avis moins hasardeux. Certes, à cela se substitue la pioche de cartes mais, avec une bonne gestion de sa main, on peut limiter le facteur chance.

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Nous regrettons un peu de ne pas voir se dessiner les continents sous nos yeux lorsque l’on pose les cartes, mais on se doute que c’était compliqué pour mettre les différentes infos comme les régions limitrophes. Comment avez-vous appréhendé et adopté cette question visuelle sur le jeu ?

Pour garder un nombre de cartes relativement contenu, il a fallu diviser la Terre en un nombre limité de régions. Ce nombre devait être un multiple de 6 pour garder le clin d’œil aux dés, tout en choisissant/créant des régions qui puissent se définir par des noms existants ou qui sonnent familiers. Du coup, si l’on adoptait la même échelle pour toutes, certaines régions étaient vraiment trop grandes et d’autres trop petites. De plus, le but n’était pas de créer un puzzle avec des cartes.

Pourquoi n’avez-vous pas adopté une période historique particulière pour le jeu ?

Parce que n’importe quelle période historique choisie aurait été anachronique par rapport aux territoires que l’on peut regrouper pendant les parties. Ceci a aussi facilité l’attribution des valeurs à chaque région.

Justement, comment avez-vous choisi les valeurs de chaque région ? Y a-t-il des composantes historiques, militaires, ou est-ce plutôt de l’ajustement et équilibrage du jeu ?

J’avais pensé à des valeurs de 1 à 6 comme clin d’œil aux dés du jeu qui m’avait inspiré. Au départ j’avais attribué ces valeurs en fonction de l’histoire militaire passée ou présente de la région concernée. Mais il a vite fallu faire des compromis. Pour des raisons de lisibilité, il fallait que chaque région ait un couple valeur/couleur unique. Ainsi, il est facile de repérer, par exemple, le Soleil Levant en jeu chez un adversaire, malgré la distance et la disposition de la carte : il s’agit toujours de la carte ayant un dé rouge de valeur 3.
Au final, les valeurs ont été attribuées de façon à éviter un quelconque déséquilibre. Ainsi on retrouve le même nombre de 1, de 2, etc... sur les 90 cartes.

Avez-vous plutôt imaginé le jeu à partir de sa mécanique, de son thème, ou de son matériel ?

Je dirais par rapport à son matériel : je voulais un jeu de cartes qui ait pour thème la conquête de territoires.

Comment s’est déroulé le travail éditorial au sein d’Atalia ? Beaucoup de modifications ont-elles été nécessaires entre votre prototype et le jeu final ?

Le développement de la mécanique a été réalisé en amont par mes propres soins, en tant qu’auteur. Ensuite, nous avons développé le mode solo avec Arnauld Della Siega, l’un de mes collaborateurs.
Le travail éditorial qui restait à faire consistait uniquement à réaliser des visuels jolis, mais également lisibles. C’est pour cela que nous avons contacté un directeur artistique de confiance qui saurait trouver le juste équilibre : Benjamin Treillou. C’est d’ailleurs lui qui nous a aidés à choisir l’illustrateur pour compléter l’œuvre : Gael Lannurien, dont nous appréciions déjà le talent.

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En tant que CEO d’Atalia, qu’est-ce qui a donné le top départ à votre envie de créer des jeux « made by Atalia » ?

Plusieurs raisons. L’expérience : au bout de 6 ans d’échanges avec des éditeurs expérimentés et d’écoute des besoins de nos clients, nous nous sentions prêts à apporter notre contribution créative au monde du jeu. L’opportunité : l’équipe, qui avait testé le proto sans savoir que j’en étais l’auteur, avait apprécié le jeu. La concurrence : nos confrères distributeurs sont aussi éditeurs et vendent leurs créations à des distributeurs/localisateurs étrangers. On ne pouvait plus se passer d’une telle ressource.

Les prochains jeux de cette nouvelle aventure d’Atalia seront-ils aussi dans une gamme familiale ou d’autres approches sont envisagées ? Avez-vous une politique éditoriale précise ou est-ce que les coups de cœur seront plutôt les moteurs des choix ?

La ligne éditoriale reste celle que l’on avait en tant que distributeur. Proposer des jeux de tout type et qui présentent des twists les différenciant des autres jeux du marché. Les coups de cœur influenceront forcément nos choix, car c’est la passion pour les jeux qui nous a toujours guidés !

Pouvez-vous nous révéler quelques informations sur les prochains jeux prévus ?

Le 2e jeu dans les tuyaux c’est « Explora », un autre jeu de cartes. Il s’agit de la refonte de mon premier jeu « Racing ». Finalement, nous avons uniquement conservé le cœur de la mécanique originale, mais en la développant en tenant compte des goûts du moment. Nous lui avons implanté une nouvelle thématique qui s’adapte parfaitement. Les joueurs seront de riches membres du Livingstone Club, une association de passionnés d’exploration qui siège dans une Londres steampunk du début du XXe siècle. L’Eldorado, l’Atlantide et d’autres régions que l’on croyait mythologiques ont été découvertes et les joueurs rivalisent pour financer des expéditions et en rapporter des richesses. Il s’agit d’un jeu d’enchères où il faudra engager les meilleurs aventuriers, les équipages les plus intrépides et acheter les véhicules les plus rapides afin d’arriver avant ses concurrents. Mais attention, vos adversaires vous mettront des bâtons dans les roues car ils ont les mêmes ambitions que vous !
Le 3e jeu, « East India Companies » est quant à lui un jeu de plateau pour un public expert réalisé par Pascal Ribrault (auteur du récent « Virtu » - NDLR). Son proto, connu sous le nom de « Compagnie des Indes », avait gagné le concours Jeux de Demain à Paris Est Ludique en 2017. Je me souviens que tout le monde m’en parlait à Paris cette année-là. Suite au rachat d’Ystari et à l’annulation de tous leurs projets d’édition, j’ai contacté Pascal.
Les joueurs représentent les premières compagnies maritimes du 19e siècle qui faisaient du commerce entre l’Asie et l’Europe. Le jeu séduira par son interaction inédite entre les joueurs.
Les points se gagnent par sa propre activité (achat et revente de marchandises dont les prix fluctuent continuellement) mais aussi en investissant dans les compagnies concurrentes (par l’achat d’actions). Il est donc possible de favoriser indirectement un adversaire en entrant dans son capital.

Quels sont les jeux qui vous inspirent ? Appréciez-vous plutôt des mécaniques, des auteurs, des univers ?

Chez Atalia nous apprécions les bons jeux et ceux-ci sont le fruit de plusieurs facteurs : la mécanique, les illustrations, le thème et, surtout, il faut que l’ensemble soit homogène et étudié pour être apprécié par son public-cible.

Quelles sont vos influences venant d’autres media, cinéma, livres, BD, peinture… ?

Nous travaillons en équipe. Tout le monde chez Atalia donne son avis sur les jeux que l’on distribue ou que l’on édite. Chacun ayant ses propres influences, celles-ci sont finalement très nombreuses sans qu’aucune ne soit pour autant prédominante.

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Quelles sont vos techniques de travail ? Avez-vous des routines ?

L’équipe Atalia, depuis le début, est volontairement recrutée en télétravail. Cela nous permet d’avoir des collaborateurs aux quatre coins de la France et ainsi de mieux couvrir le territoire. Cela nous permet d’être présent sur de nombreux festivals ou de rendre visite à nos clients. Nous travaillons donc comme tous nos confrères, à quelques exceptions près : toutes nos réunions se font par Skype et nous utilisons un système de partage de documents. On discute et on papote par chat plutôt que dans les couloirs, comme cela se fait dans les entreprises « normales ».

Comment concevez-vous vos prototypes ?

En tant qu’auteur, et là je parle à titre personnel, il n’y a pas une méthode bien précise. Je ne suis pas auteur de métier et je ne le serai jamais. J’ai parfois des inspirations fortes, soit sur un thème, soit sur une mécanique. Généralement l’envie d’un jeu que je ne trouve pas sur le marché… Je ne crée pas de jeux dans le but de les commercialiser, mais pour y jouer avec les proches. Ensuite, s’ils plaisent à l’équipe…

Quels conseils pourriez-vous donner à un apprenti créateur de jeux ?

D’écouter leur cœur, leurs envies pour la création de l’idée initiale. Mais ensuite d’écouter un maximum de personnes lors de son développement. En ayant toujours en tête le public que leur création cherche à cibler.

Pouvez-vous conseiller 3 jeux à nos lecteurs ?

La plupart des jeux que je préfère à titre personnel sont ceux que j’ai contribués à sélectionner au sein d’Atalia, car il ne me reste malheureusement pas beaucoup de temps pour jouer aussi aux jeux de nos confrères. Mais je ne peux pas mettre en avant ceux d’un partenaire au détriment des autres d’autant plus que j’aurais du mal à me limiter à seulement trois jeux. Beaucoup me tiennent à cœur. Ceux-ci, je les ressors à l’occasion, pendant mes vacances surtout, et selon l’humeur du moment !

Merci beaucoup Cesare.


À lire sur la Yozone :
- Conquêtes
- Le portrait ludique de Cesare Mainardi


Illustrations © Cesare Mainardi & Gaël Lannurien & les éditeurs


Michael Espinosa
Christelle Espinosa
1er novembre 2021



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