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YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Lady Kildare (T1)
Brian Haberlin, Brian Holguin & Jay Anacleto
Delcourt - Collection Contrebande

Lady Kildare règne sur un monde moderne, urbain, où les personnages de contes de fées vivent au milieu d’humains ordinaires. Mais une sombre menace plane...



J’ai dû lire une vingtaine de comics dans toute ma vie. Comme ça, à droite, à gauche, en piochant dans la collection de potes ou dans les rayons des bibliothèques municipales que j’ai fréquentées. Alors que du côté de la BD franco-belge, ce que j’ai lu se compte plutôt en milliers d’albums. Si j’étais un brin prétentieux, je pourrais même dire dizaine de milliers.

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Pourquoi tant d’appréhension face à ce genre, le comics, qui a tellement de succès dans le monde ? Quelques raisons, non exhaustives :

  • J’ai du mal avec ces histoires stéréotypées et ces personnes banales qui se révèlent du jour au lendemain bardées de super-pouvoirs.
  • J’ai du mal avec ces personnages poseurs, réduits à une attitude et une posture figées (le sage, le puissant, le rigolo, l’excentrique, etc.), décrivant minutieusement ce qui les entoure et ce qu’ils font.
  • J’ai du mal avec ces albums remplis de scènes ultra descriptives et de planches ultra détaillées, ciselées, mais uniquement vouées à « faire joli », sans grosse cohérence d’une page à l’autre.
  • J’ai du mal avec ces ellipses narratives permanentes, ces scènes coupées juste parce que le scénariste n’a pas trouvé l’idée qu’il cherchait.
  • J’ai du mal avec ces femmes complètement irréalistes, aux poitrines insolentes et rebondies, moulées dans des vêtements qui ne laissent guère de place à l’imaginaire, aux fesses parfaitement rondes et sculptées, aux hanches fines et aux cuisses subtilement musclées.
  • J’ai du mal avec ces hommes « badass », musclés eux aussi, évidemment, ou, s’ils ne le sont pas, hyper intelligents / extrêmement malins / très très méchants / d’une loyauté rare (rayer la ou les mention(s) inutile(s)).
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Voilà, j’ai un peu de mal avec tout ça, et je vais m’arrêter là. Cependant, j’ai quand même voulu essayer ce « Lady Kildare ». Un monde moderne peuplé de fées, d’elfes, de démons et de magie, un univers dans lequel je me sens définitivement plus à l’aise, une histoire de meurtre(s), peut-être une enquête policière. Ca me rappelle une BD (franco-belge, celle-ci) qui doit dater de 2010 à peu près : « Wisher » (références en bas de l’article), où un djinn ignorant de son état se retrouve à devoir sauver le monde féérique avec ses super-pouvoirs. Ca ne casse pas trois pattes à un canard, mais c’est sympa, ça se lit au calme, avec une tartine et une limonade et ça fait plaisir. Alors, « Lady Kildare », ça peut être dans le même genre, non ?

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Non. La réponse est non, non, et non.
Alors, oui, les dessins sont beaux, travaillés, précis, les personnages sont tous beaux aussi, et/ou stylés (quand ils ont les cheveux blancs) et/ou musclés (quand ce sont les personnages principaux) et les planches se lisent facilement grâce aux cases et aux bulles placées de manière à ce que le lecteur n’ait aucun effort à faire. Mais à part ça...reportez-vous à tout ce que j’ai listé ci-dessus : il y a tout. Tout ! Un scénario qui tient sur un timbre-poste, des scènes de 2 minutes qui durent 12 pages, des personnages stéréotypés, des plans et des dessins très suggestifs... Tout.

Si c’est ça que vous recherchez dans vos lectures, foncez ! Offrez-vous cet album et prenez votre pied, vraiment. Et, si vous avez le temps, envoyez-moi un message et expliquez-moi ce qui vous attire dans les comics. Parce que moi, je vais retourner à la BD franco-belge fissa, parce que c’est ça que j’aime. Bonne lecture à tous !

Critique par Yvain Mahé


Alors pourquoi cet échec mon cher Yvain ?
Et bien tout bonnement car ce “Lady Kildare” n’est pas du tout le bon choix pour appréhender les comics d’aujourd’hui. Autrefois était “The Magic of Aria”, publié en kiosques par les éditions Sélmic. Un autrefois situé entre 1999 et 2002, période pendant laquelle les fans de séries à la Witchblade et de dessins bien léchés qu’on découvrait chez Image Comics ne loupaient pas une sortie de ce mensuel plutôt jugé original à l’époque et surtout profitant de la capacité de Brian Haberlin à produire un dessin de très bonne qualité avec des héroïnes plutôt bien balancées. C’était une marque de fabrique de l’éditeur : appâter le lecteur par de jolies rondeurs, parfois au détriment des scénarios.
Mais il faut reconnaître que Miss Aria récoltait plutôt de bonnes notes à l’époque (entre 3,5 et 4 sur 5 étoiles sur la Bédéthèque).
Donc “Lady Kildare”, c’est refaire du neuf avec de l’ancien : renommer, travailler les planches pour supprimer les notions d’Aria, ne pas citer dans les informations de l’album que c’est une réédition de cette série. Bref, présenter ce titre comme une nouveauté, même si le visuel du premier épisode de “The Magic of Aria” chez Sémic est repris en 4e de couverture...
Notons aussi que le titre “Aria” est celui déjà pris depuis fort longtemps pour la série de Michel Weyland (39 albums publiés chez Dupuis) et que redonner un nouveau titre n’est pas totalement idiot. Et le Lady est à la mode, avec “Lady Killer” ou “Lady Mechanika” qui surfe sur un effet glamour steampunk chez Glénat Comics. Tout ceci doit entrer en ligne de compte pour ce choix éditorial.

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L’habitué ne se laissera pas abuser sauf s’il a envie de changer ses 16 mensuels ou ses deux Intégrales produites par Sémic pour passer en Contrebande chez Delcourt. Les autres peuvent réagir comme toi, se disant que les comics c’est un peu surfait (car le titre accuse ses 22 ans !) et même vieillot, et je pense surtout aux néophytes. Voilà qui serait dommage et totalement contre-productif...
Notons encore que les critiques vues à droite et à gauche sur le net donnent à “Lady Kildare” d’excellentes notes (même un 5 sur 5, là je suis un peu surpris !). Le titre aura ses fans pour le boulot du surdoué Brian Haberlin dont Delcourt est en mesure de publier l’ensemble de la production. Et l’éditeur a sans doute repris la nouvelle édition américaine telle qu’elle a été proposée.

Mais au-delà de “Lady Kildare”, qui devra se battre parmi la multitude de titres publiés en BD et notamment en comics si elle veut exister, le souci ici est de faire de ce titre un porte-drapeau de l’industrie des comics car l’univers ne se restreint pas à ce titre, et même pour ceux qui n’aiment pas le type de narration souvent répété en comics, avec ses scènes courtes qui se télescopent comme sur les séries TV américaines, il y a toujours quelque chose d’intéressant à capter dans la marée de titres US.
Tiens, restons chez Delcourt, pour aller à la rencontre d’auteurs qui n’écrivent pas leur scénario sur un timbre poste, je conseille vivement le travail fourni sur ce Big Man qu’est Will Eisner, par exemple avec “Will Eisner - Itinéraires d’un rêveur - Intégrale”, un formidable boulot paru le 16 juin 2021 (tout beau, tout neuf, le livre d’un génie de la narration BD et de l’exploration sociale !), auteur auquel on doit “Les Clés de la Bande Dessinée” qui est très inspirant. Prenons encore le boulot “Criminal” de Sean Phillips et Ed Brubaker ou leu splendide “Fondu au Noir”, “Monstress” (très particulier, mais d’une densité folle), “Walking Dead” bien entendu dont nous avons critiqué tous les albums, “Sonata” pour rester avec le dessin magnifique de Brian Haberlin... et un de mes champions, le phénoménal “Locke & Key” de Joe Hill et Gabriel Rodriguez, entièrement réédité chez Hi Comics, dont une Intégrale avec une couverture inédite signée Gabriel Rodriguez et une nouvelle préface de Joe Hill est attendue pour le 22 septembre 2021 (lecture follement addictive). Quelques exemples, seulement quelques exemples qui restent plutôt dans les codes de la Yozone... et il y en a encore beaucoup, beaucoup, beaucoup et pour tous.

Cher Yvain, tu t’es juste trompé d’embranchement à la gare “Lady Kildare”, pour Comics City, il te faut juste monter dans un train qui va un peu plus loin et découvrir, comme en bande dessinée franco-belge ou en mangas que la diversité existe bel et bien en comics...

Aparté par Fabrice Leduc


Lady Kildare (T1)
- Série : Lady Kildare
- Collection : Contrebande
- Scénario : Brian Haberlin et Brian Holguin
- Dessin : Jay Anacleto
- Couleurs : Brian Haberlin
- Éditeur : Delcourt
- Collection : Contrebande
- Pagination : 194 pages couleurs
- Format : 17,4 x 26,5 cm
- Date de parution : 14 avril 2021
- Numéro ISBN : 9782413024767
- Prix public : 16,95 €


A lire sur la Yozone :
- Sonata (T1) La Vallée des Dieux
- Clés de la Bande Dessinée (Les) (T2) La Narration
- Criminal (T7) Au mauvais endroit...
- Fondu au Noir
- Walking Dead - L’Étranger et le Retour de Negan
- Walking Dead (T28) Vainqueurs
- Monstress (T2) La Quête
- Monstress (T3) Erreur Fatale et Monstress (T4) L’Elue
- Locke & Key (T1) Bienvenue à Lovecraft


Illustrations © Jay Anacleto et Éditions Delcourt (2021)



Yvain Mahé
Fabrice Leduc
3 juillet 2021




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Quand Aria devient Lady Kildare...



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The Magic of Aria #2 - Sémic



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