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Renaissance (La) : l’histoire de Molly
Gemma Malley
Helium, roman (Grande-Bretagne), dystopie, 203 pages, mai 2021, 15,50€

Richard Pincent tente d’étouffer une information gravissime : dans toute l’Angleterre, des gens meurent d’un mystérieux virus, contre lequel la Longévité ne peut rien. Refusant de révéler son impuissance à Hillary Wright et aux Autorités, il accuse le Réseau d’avoir contaminé des lots de Longévité. Gagnant un peu de temps, il charge Derek Samuels, son fidèle chef de la sécurité, de retrouver les note d’Albert Fern et le mystérieux « Cercle de la vie ».



Pour clore sa trilogie de « La Déclaration », Gemma Malley porte un coup fatal à Pincent Pharma. Après la mise en échec de la Longévité+ dans La Résistance, c’est cette fois une pandémie qui s’abat sur les immortels. Richard, homme de pouvoir mais piètre scientifique, se souvient lorsqu’il a volé la découverte de son beau-père Albert Fern, et se mord les doigts de l’avoir fait tuer. Tout son empire s’effondrera s’il ne trouve pas un remède, s’il ne prouve pas aux Autorités, qui lui ont toujours fait une confiance aveugle, qu’il a la situation en main. Ce qui n’est pas du tout le cas. L’autrice nous montre son Grand Méchant complètement dépassé, qui sent le pouvoir lui échapper, et cela lui est bien plus intolérable que de savoir que des gens meurent. Par un mensonge, un peu gros, il convainc les Autorités qu’il s’agit d’une attaque du Réseau, et Hillary Wright tombe dedans. Si on peut un peu tiquer à la grossièreté du piège, surtout après les événements de La Résistance, il illustre parfaitement la double dépendance entre Pincent Pharma et le pouvoir, le second ayant délégué toute responsabilité au premier, en échange de la vie éternelle. Ce qui n’est pas si loin, parfois, des partenariats public-privé qui rongent nos services publics aujourd’hui... Gemma Malley le pousse à l’extrême, et nous en aura montré tous les effets pervers durant ces trois tomes.

Du côté du Réseau, c’est la panique lorsque la population, gobant cette histoire de contamination de leurs cachets, se soulève contre les Affranchis et tous les supposés sympathisants, allant lyncher des innocents. En l’absence de Paul, Jude et les membres actifs font tous pour sauver les enfants. Si Richard a joué un coup risqué, il pourrait néanmoins leur être fatal, balayant l’adhésion du public pour la rébellion.
Cependant, au fur et à mesure que les forces spéciales de Pincent Pharma viennent ramasser les cadavres desséchés puis, assez rapidement, enlever les gens qui présentent les premiers symptômes de fièvre, le doute s’insinue. On suit quelques personnes, comme Julia Sharpe, qui se mettent à douter de la Longévité, interroge l’utilité de cette immortalité, le vide de leur vie, les pénuries qui frappent le monde... A une petite échelle, s’attaquer au Réseau aussi violemment aura fait réfléchir des gens.

Davantage encore que « La Résistance », ce troisième volume a un rythme haletant, comme une fin de partie d’échecs, quand il ne reste que trop peu de pièces pour jouer en finesse, que seul reste le coup de grâce. C’est le moment des rebondissements finaux, des trahisons et de la tombée des masques. Rien de très original, mais là aussi des choses qui posent question, des choix qui feront réfléchir les plus jeunes : jusqu’où peut-on aller pour approcher le mal et le contrer de l’intérieur ? Quelles armes pour lutter dans l’ombre, pour quelle efficacité ? La longévité aura duré 120 ans, combien auront souffert pour cette victoire finale ?

J’en ai peu dit sur Anna et Peter. Cachés dans un coin perdu d’Écosse avec Ben et leur petite Molly, ils ont leurs premières disputes. Anna ne vit que pour Ben et sa fille, et si elle est encore marquée par le conditionnement des Surplus, elle aspire à cette vie paisible, cachée mais à l’abri. Peter, au bout de quelques mois, bout intérieurement : il est un soldat, un homme d’action, et ne supporte pas d’être tenu loin de l’action, de ne pouvoir aider. Il n’entend pas Anna qui lui dit qu’il a fait sa part, et même plus. Malgré tout son amour pour elle et pour leur fille, il a besoin de faire, pour les autres, pour se savoir utile, partie prenante de la rébellion. De ne pas être le seul à bénéficier de cette paix retrouvée. De la savoir précaire. De savoir qu’Anna sursaute encore. Syndrome du sauveur, ou besoin de reconnaissance très masculin ? Toujours est-il qu’il va sauter sur la première occasion de retourner à Londres, participant à son insu à la nasse finale, à l’ultime coup des deux joueurs qui s’affrontent.

L’épilogue est plein d’espoir, on pardonnera le détail final, aussi superflu qu’incohérent, pour ne retenir que la leçon de cette histoire : la Vie l’emporte toujours.

Si, comme dit précédemment, « La Déclaration » a été un choc que ses suites n’ont pas pu reproduire, une fois les bases de cette uchronie révélées, Gemma Malley nous tient en haleine jusqu’au bout, par des procédés certes classiques mais diablement efficaces, grâce également à des personnages fouillés et profondément humains, plein de failles et de forces cachées. Elle nous brosse surtout un tableau réaliste d’une société libérée de la mort, mais à quel prix ?, doublé d’un contexte d’épuisement des ressources. La focale est centrée sur Londres, nous laissant peu voir la réalité du monde au-delà, et l’on s’en accommode avec quelques œillères nécessaires pour ne pas faire déborder ces trois volumes de leur intrigue et de leurs 250 pages. Au contraire, cette restriction à peu de personnages fait la force de la trilogie.

Terminons en saluant encore une fois le très bel écrin que leur donne Hélium, avec des couvertures à la fois sobres et très graphiques, et une composition intérieure qui reflète parfaitement son contenu : une typo « machine » droite, presque rigide et pourtant pleine de rondeur, un corps et un interligne réduits, loin des codes jeunesse et young adult. Idéal pour le mettre entre de nombreuses mains.


Titre : La Renaissance : l’histoire de Molly (The Legacy, 2010)
Série : Fait suite à La Déclaration et La Résistance
Autrice : Gemma Malley
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Nathalie Peronny
Couverture : Katie Fechtmann
Éditeur : Helium (édition originale : Naïve, 2010)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 203
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2021
ISBN : 9782330150563
Prix : 15,50 €


La Déclaration : l’histoire d’Anna
La Résistance : l’histoire de Peter
La Renaissance : l’avenir de Molly


Nicolas Soffray
12 juillet 2021


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