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Entretien avec les Lartinchon
Les Lartinchon, créateurs de jeux - Space Cowboys - Matagot - Mandoo Games
29 avril 2021

Lartinchon vous dites ? Mais késako ?
Simplement 3 créateurs helvètes de jeux de société, Grégoire LARgey, Frank CritTIN et Sébastien PauCHON, bien décidés à s’amuser ensemble, et surtout à amuser les autres.
On leur doit déjà « Wangdo », « Seals », « Ankhor », du saucisson et tout récemment « Botanik ». Les compères nous préparent encore 3 jeux à venir très prochainement.
Autant vous dire que ça travaille, mais ça n’oublie jamais de se marrer.
Partons à leur rencontre…



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Sébastien PauCHON, Frank CritTIN et Grégoire LARgey

Vous êtes aujourd’hui créateurs de jeux mais quels ont été vos parcours pour y parvenir ? Quelle a été la bascule qui vous a fait passer de joueurs à créateurs ?

LAR  : J’ai toujours été joueur dans ma tête. Tout jeune, c’était les classiques jeux de cartes en famille et pas mal de tennis (que je trouve extrêmement ludique). Mon premier contact avec le jeu moderne, c’était en 2002-2003, très vite le salon du jeu de Essen et plein d’autres salons. Puis à force de voir tous ces jeux avec mon biais d’ingénieur, l’envie de créer est apparue en 2010.

TIN  : Mon entrée dans le monde ludique s’est faite par la porte des jeux de rôles avec l’incontournable « Dungeon & Dragons », puis « In Nomine Satanis ». D’abord comme joueur puis en tant que maître de jeu. Le passage de maître de jeu à créateur de jeu s’est fait naturellement après quelques milliers de parties, quelques dizaines de salons et de nombreuses rencontres avec des joueurs et des créateurs.

CHON  : J’ai toujours aimé jouer enfant à « Stratego » et d’autres jeux MB, aux échecs avec mon père plus tard. Et soudain, un contact fortuit avec « Condottiere », « Carcassonne » et les milliers de classiques modernes via Internet. Une dose de créativité sur tout ça, et hop, ça démarre.

Vous êtes un trio avec vos caractéristiques propres, chacun amenant sa patte sur chaque jeu. Quelles sont d’après vous les capacités spéciales que vous inscririez sur votre carte personnage de jeu ? Et quelles ressources faudrait-il pour vous acheter ?

TIN  : Mathématicien plus instinctif que calculateur. Pour m’acheter, il suffit de me donner un nombre étrange impair.

LAR  : Ingénieur tenace. Un tonneau de whisky de « Isle of Skye ».

CHON  : Simplificateur, ergonomisateur. On m’achète facilement avec du saucisson.

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Démarrez-vous un jeu plutôt par sa mécanique, son thème ou son matériel ? Et pour vous l’expérience de jeu est-elle primordiale ?

CHON  : De mon côté, toujours la mécanique, mais pas vraiment par choix : c’est rarement l’objet qui m’inspire un jeu, peut-être est-ce plus souvent le cas pour les jeux pour enfant. Et ce n’est pas la narration ou le thème, je suis mauvais en histoire et en géopolitique. Reste les mécaniques de réflexion.

LAR  : Les 4 jeux Lartinchon sont tous issus d’une idée de mécanique. En revanche, j’aime également bien partir d’une idée de thème comme ce qu’on a fait avec Frank pour « 8Bit Box ». Oui l’expérience est primordiale, elle peut toutefois être vraiment différente selon la durée et le type de jeu.

TIN  : Ça dépend, mais le plus souvent de la mécanique. Cependant, MM. Lar et Chon sont des vrais pitbulls. Une fois qu’une mécanique nous plaît, ils vont épuiser littéralement toutes les variantes potentielles en termes de matériels et de thèmes afin d’améliorer au maximum l’expérience de jeu. Sur « Botanik », nous avons testé un nombre astronomique de thèmes avant d’arriver sur ces étranges machines...

Pour « Botanik », nous avons appris que l’idée des échanges de tuiles avait émergé sur une plage à Cannes. La thématique vous est-elle apparue lors d’une visite d’une usine désaffectée ?

CHON  : Je laisse mes compères répondre, je n’y étais pas, et ils avaient encore trop bu de Perrier. Le thème, ce sont les Space Cowboys qui à défaut de fumer la moquette mangent de l’herbe à chat.

TIN  : Comme la mécanique de base s’est imposée assez rapidement, on en a profité pour passer un peu plus de temps sur l’exploration des thématiques potentielles...

LAR  : Et vu le tissu industriel relativement faible de la croisette, on avait dû malheureusement se rabattre sur un bar désaffecté.

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Comment s’est déroulé votre travail avec l’éditeur ? Beaucoup de modifications ont-elles été nécessaires entre votre prototype et le jeu final ?

CHON  : Cela s’est très bien passé, nous nous connaissons tout de même assez bien :) Il y a eu de très nombreux essais de thèmes, en revanche le gameplay n’a pas vraiment changé, on était calé presque dès le début.

TIN  : Picco bello ! Super content du résultat final, la thématique colle parfaitement à la mécanique !

LAR  : Super bien. Comme le dit Seb, c’est surtout le thème qui a été travaillé et si je me rappelle bien c’est Philippe Mouret qui a eu l’idée de la machine et l’envie de travailler avec Franck Dion.

D’où vous vient cet amour des jeux abstraits ?

TIN  : Alex Randolf porte une part de responsabilité avec des jeux comme « Twixt » et « Ricochet Robot ». L’autre partie vient probablement des mathématiques qui sont aussi, d’une certaine manière, des « jeux » abstraits.

LAR  : J’ai toujours été un grand fan des jeux de projet comme « GIPF » de Kris Burm. Pour autant je ne crois pas que dans le processus créatif on commence en se disant on va faire un jeu abstrait. C’est peut-être cette envie commune d’épurer les jeux qui donne ce rendu au final.

CHON  : Je n’irais pas jusqu’à dire amour, mais il y a une certaine élégance à un jeu offrant une belle profondeur avec un minimum de moyens. Le fait d’avoir joué jeune aux échecs a sans doute également une influence sur mes goûts actuels.

Quelles sont les jeux qui vous inspirent ? Appréciez-vous plutôt des mécaniques, des auteurs, des univers ?

TIN  : Je reste fasciné par les jeux abstraits, mais comme je suis rentré dans le monde ludique par les jeux de rôles, le grand écart « à la Jean-Claude Van Damme » entre mécanique et univers semble plausible.

CHON  : Ce n’est pas tant les univers que la qualité des illustrations et le matériel bien pensé qui me satisfont en tant que joueur aujourd’hui. Surtout avec les années et après avoir passé les 1500 jeux pratiqués. Au début, c’était avant tout la découverte d’une nouvelle mécanique qui me motivait, mais avec le temps, et sans doute aussi pour avoir été moi-même éditeur, je ne supporte plus les jeux “moches” ou mal fichus niveau édition. Quand bien même la mécanique serait top, je n’ai plus envie de me farcir des heures durant du matos mal réfléchi et/ou mal illustré, j’ai vraiment l’impression de m’être fait flouer. J’ai donc fait une énorme purge sur les deux dernières années, et certains jeux sont passés à la trappe précisément pour ces raisons.

LAR  : Il n’y a pas une catégorie particulière de jeux qui m’inspire. Je fonctionne plus au coup de cœur qui peut aller d’un petit jeu abstrait à un gros [améritrash-26030] ou encore un bon jeu de gestion à l’allemande.

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Quelles sont vos influences venant d’autres media, cinéma, livres, BD, peinture… ?

LAR  : Je n’ai pas l’impression que ces médias influencent ma démarche créative, à part peut-être le jeu vidéo. Si une BD pouvait me permettre de faire un jeu, j’adorerais retranscrire l’ambiance loufoque d’une BD de FabCaro.

TIN  : Le plus, le mieux... et le plus on peut mélanger les influences, plus le résultat devrait être étonnant.

CHON  : Je lis surtout de la SF, et BD, cinéma et peinture font en effet partie de mon environnement direct. Cela a sans doute une influence, mais je ne saurais pas dire à quel pourcentage.

Quelles sont vos techniques de travail ? Avez-vous des routines ?

CHON  : Moi je note tout dans des carnets, je dessine inlassablement les pièces d’un proto, quand bien même il n’est pas encore abouti. J’ai littéralement besoin de “voir” le matériel pour imaginer des liens mécaniques.

TIN  : Je suis le moins manuel du trio... et de loin ! Donc la plus grande partie se passe dans la tête à essayer de combiner des idées. J’ai ensuite la chance de pouvoir travailler avec MM. Lar et Chon qui peaufinent des prototypes incroyables !

LAR  : Créer des jeux c’est super chouette ! En revanche ça occupe la tête en permanence. La routine c’est peut-être justement d’y penser en permanence et le besoin de mettre ça sur papier ou sur ordi pour ne pas oublier.

Comment concevez-vous vos prototypes ?

TIN  : Avec l’aide de mes deux partenaires qui sont aussi redoutables l’un que l’autre pour créer des prototypes incroyables.

LAR  : Au début j’utilisais Powerpoint. Après m’être fait rabroué à maintes reprises par M. Chon, je me suis mis à utiliser des outils plus évolués. Pour le reste, une imprimante A3, du papier cartonné, un cutter, une imprimante 3D et pas mal d’huile de coude.

CHON  : Indesign et Photoshop, impression recto-verso sur du papier 250gr pour les cartes, encollage sur du carton 1.5 mm pour les plateaux. Presque tous les jetons commencent par être ronds par simplicité ; j’ai un emporte-pièce avec plein de lames… rondes.

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Quels conseils pourriez-vous donner à un apprenti créateur de jeux ?

LAR  : N’hésitez pas à montrer vos protos à des amis joueurs, c’est le passage obligé pour avancer bien que ce ne soit jamais facile d’essayer de faire jouer les autres à son jeu sans se dire qu’ils vont trouver ça nul et qu’ils auraient préféré faire un “vrai jeu”.

CHON  : N’hésitez pas à faire des coupes, à jeter le superflu, même si c’est “votre” bébé. Il vous viendra d’autres idées, d’autres situations dans lesquelles vous pourrez peut-être réutiliser tout ça, et d’autres jeux vous attendent au fond de votre tête.
Pour le reste, testez, testez, testez… ajustez… puis testez, testez, testez…

TIN  : Après les tests et lorsque le jeu vous paraît prêt, n’hésitez pas à le montrer à plein d’éditeurs. Les grands salons ludiques sont pratiques car ils permettent de présenter les créations à de nombreux éditeurs en peu de temps.

Pourriez-vous conseiller 2 ou 3 jeux à nos lecteurs ?

CHON  : Ah la vache, c’est toujours impossible de réduire autant…
« Ricochet Robots », parce que c’est d’une élégance rare et que cela semble avoir été créé pour mon cerveau.
« Catan - Villes et Chevaliers », qui est sans doute mon jeu préféré le plus sous-estimé de l’univers. Et après ça, la liste en looongue, mais bon, on a dit 2-3.

TIN  : Comme M. Chon a déjà choisi « Ricochet Robot », je dirais « Twixt » qui reste un classique abstrait du même auteur. Dans les jeux abstraits plus proches de nous, j’ai un faible pour « Zertz » qui force les joueurs à réfléchir de la même manière. Dans les jeux d’affrontement, « Tigre et Euphrate » reste un must malgré, ou grâce, au chaos généré par certains conflits.

LAR : pour les jeux récents, je dirais « Res Arcana » parce que je le trouve super épuré malgré des possibilités énormes de combo. Pour du plus vieux, l’incontournable « Puerto Rico » parce que l’interaction et la tension sont omniprésentes. Et pour finir « Zombie Kidz Evolution » et « Zombie Teenz Evolution » pour jouer en famille avec les plus jeunes en découvrant un jeu legacy juste top.


Illustrations & photos : Les Lartinchon & microjournal.ch & éditeurs


Michael Espinosa
Christelle Espinosa
29 avril 2021



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