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Elma
Eva Björg Ægisdóttir
Éditions de La Martinière, Noir, roman traduit de l’anglais, policier, 396 pages, mai 2021, 21€

La fin d’une relation vieille de neuf ans incite Elma à quitter Reykjavik pour revenir dans sa ville natale d’Akranes. Cette inspectrice rejoint la police locale, où elle est rapidement confrontée au corps sans vie d’une femme retrouvé près d’un des deux phares d’Akranes. La thèse accidentelle est vite écartée. Qui est-elle ? Que faisait-elle en ces lieux ? Que s’est-il passé ?
Pour mieux cerner la personnalité de la victime, Elma est obligée de remuer le passé, de revenir au temps où elle était aussi à l’école d’Akranes. Bien des secrets semblent enfouis avec la volonté qu’ils ne remontent jamais à la surface. Dans une petite ville où tout le monde se connaît, il n’est guère aisé de porter la moindre accusation, surtout dans le cas de personnalités.



Née à Akranes en 1988, Eva Björg Ægisdóttir installe justement l’intrigue de son premier roman dans cette petite ville de 7 000 habitants, distante d’une cinquantaine de kilomètres de la capitale, Reykjavík. « Elma » a remporté le Prix Blackbird créé par Yrsa Sigurðardóttir et Ragnar Jónasson, ce qui ne peut que susciter l’envie de l’ouvrir.

Lire un polar islandais revient un peu à retrouver une ambiance particulière : un climat rude, un rythme différent, loin de la course-poursuite pour trouver le coupable, un passé omniprésent, des secrets enfouis, des drames domestiques... L’ADN des polars islandais figure clairement dans « Elma » qui ne bouscule pas les codes, mais se montre très attrayant et inspiré.
La figure centrale, Elma, est une inspectrice d’une trentaine d’années qui quitte la capitale pour Akranes qui l’a vue grandir et qu’elle espérait bien quitter pour de bon. Ce retour aux sources s’apparente à un échec : fin d’une liaison qui la laisse en miettes, retour en arrière. Elle doit se reconstruire, aller de l’avant ce qui n’est pas aisé, car elle se rapproche de ses parents et l’enquête la ramène dans un passé qu’elle tente d’oublier. D’ailleurs la victime aussi avait quitté les lieux, alors pourquoi y a-t-elle été tuée ?
Les femmes en général occupent un rôle central dans ce roman policier. En plus d’Elma, le lecteur apprend à connaître Elísabet, la victime à travers un fil rouge lié à son enfance, mettant aussi en avant une de ses copines d’alors. L’épouse d’un homme influent a beau s’effacer derrière son mari, une personnalité incontournable de la ville, sa discrétion ne passe pas inaperçue, tout le contraire de sa belle-fille d’une grande exubérance. Quant à ses parents, la mère est omniprésente, alors que le père reste une énigme. Elma a beau être la petite dernière du poste de police, c’est elle qui se débat le plus pour expliquer le meurtre, n’hésitant pas à égratigner les susceptibilités, ce que son chef peine à se résoudre.
Dans un tel milieu dans lequel tout le monde se connaît, la réputation n’est pas un vain mot, elle accorde bien des blancs-seings, des passe-droits contre lesquels il est difficile de lutter. Les langues se délient rarement et bien des secrets demeurent enfouis. En effet, en Islande, les drames se déroulent souvent dans un cercle restreint, dans le cadre familial, domestique. Ils sont quelques uns à en détenir certaines clés, mais il faut leur arracher les confidences. Comment avancer dans ces conditions ? Entrer dans un cercle fermé ?

« Elma » se révèle très attrayant, le lecteur avance aux côtés de l’inspectrice, aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle. N’attendez pas un rythme effréné, une course contre la montre jusqu’à pas d’heure. Ici, on en est loin. Elma attire la sympathie, car elle doit se battre, aller contre l’abattement, mais elle n’écoute pas forcément son corps, tout à sa mission. Eva Björg Ægisdóttir maîtrise bien son sujet, délivrant de temps à autres une fenêtre sur le passé. Les jours enfouis ne sont guère tendres, la détresse reste invisible, les gens portent des œillères pour ne pas se mêler des affaires d’autrui et bien des drames découlent de cette ignorance délibérée. Il y a du sordide là-dedans, les murs cachent les pires méfaits.

L’histoire est dense, apporte de nombreux éléments permettant de se faire une idée, mais il faudra aller jusqu’au bout pour connaître le coupable, car le suspense est bien entretenu. Mais l’affaire est bien plus vaste et on peut s’interroger sur la morale finale.

En un roman, Eva Björg Ægisdóttir montre déjà qu’elle a sa place parmi les grands noms du polar islandais si particulier et si attachant. Sans rien révolutionner, « Elma » en reprend parfaitement les codes. Le lecteur s’attache à l’inspectrice Elma et espère sûrement comme moi la retrouver à l’avenir. Rien d’étonnant au vu des qualités se dégageant de cette première réussie.


Titre : Elma (Marrið í stiganum, 2018)
Auteur : Eva Björg Ægisdóttir
Traduction de la version anglaise : Ombeline Marchon
Couverture : dpcom.fr
Photo : David Pairé / Arcangel Images / AdobeStock
Éditeur : Éditions de La Martinière
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 396
Format (en cm) : 14 x 22,5
Dépôt légal : mai 2021
ISBN : 9782732494944
Prix : 21 €


Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
19 mai 2021


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