Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Nouvelles, tome 1 : 1952-1962
Frank Herbert
Le Bélial’, Kvasar, recueil de 19 nouvelles traduites de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 480 pages, mars 2021, 24,90€

Frank Herbert (1920-1986) est surtout connu pour son monumental cycle de « Dune ». Bien moins pour ses nouvelles, il n’en a d’ailleurs qu’une quarantaine à son actif. Sous la direction de Pierre-Paul Durastanti, le Bélial nous en propose justement l’intégralité dans deux ouvrages de la collection Kvasar. Une fois les deux rabats dépliés se révèle la belle fresque signée Manchu pour ce premier tome couvrant la période de 1952 à 1962. Quelques inédits sont traduits par Pierre-Paul Durastanti qui a révisé l’ensemble des textes avant publication.
Une bonne occasion de découvrir le nouvelliste et son évolution au fil des années.



En introduction nous est servie une présentation de l’auteur pour « The Best of Frank Herbert » (1975), dans laquelle il évoque un texte de jeunesse qui n’est pas repris dans la présente traduction de « The Collected Stories of Frank Herbert » (2014).

JPEG - 220.5 ko
La totalité de l’illustration de couverture signée Manchu

L’esprit, voilà un thème souvent croisé en ces pages. Persuasion, pouvoirs psi, manipulation mentale, folie... ne manquent pas de fasciner Frank Herbert. Le premier texte “Vous cherchez quelque chose ?” (1962) interroge déjà sur notre perception de la réalité à travers un hypnotiseur. Le second “Opération Musikron” montre la folie qui découle d’un instrument. “Le Rien-du-tout” plonge les lecteurs dans une société de psis aux différents pouvoirs leur facilitant les tâches, mais illustre aussi la fragilité d’une telle société quand les dons viennent à disparaître. Le plus récent du recueil “Champ mental” (1962) se passe dans un lointain futur dans lequel les survivants n’ont pas forcément leur libre arbitre. Bien sûr, “Les Prêtres du psi” relève aussi de cette thématique, mais elle ratisse bien plus large que cela et s’inscrit dans une mini série.
En effet, quatre textes ont servi à la construction du roman « Et l’homme créa un Dieu » qui relève du fix-up. Il s’agit de “La Voie de la sagesse”, “Chaînon manquant”, “Opération Meule de foin” et “Les Prêtres du Psi” mettant en scène Lewis Orne à la recherche de civilisations risquant de mettre la paix en péril et chargé de résoudre les possibles conflits. Ces récits ne manquent pas de piquant, ni d’intérêt et culminent dans le dernier avec pouvoirs psychiques et religions au programme. La comparaison avec Poul Anderson vient vite à l’esprit à leur lecture. À tort mais non sans raisons, « Et l’homme créa un Dieu » a souvent été présenté comme un prélude à « Dune », justement à cause du dernier texte.

Autre comparaison qui s’impose aux lecteurs, celle avec Jack Vance, grand créateur de planètes exotiques aux étranges habitants. “Tracer son sillon” relate justement les premiers pas de colons sur une nouvelle planète. Bien plus profond, “Chant nuptial” illustre l’influence néfaste que peuvent générer les nouveaux arrivants. La natalité est en berne, comment y remédier ? Dans “L’Œuf et les cendres”, les humains n’ont même pas conscience d’une présence qui les observe avant de devenir plus invasive.
D’ailleurs à plus d’une reprise, les extraterrestres sont déjà parmi nous (“La Course du rat”, “La Drôle de maison sur la colline”) ou arrivent soudain, comme dans “Forces d’occupation” au drôle de retournement final et “Essayez de vous souvenir”, une nouvelle où les aliens mettent au défi les Terriens de parvenir à communiquer avec eux, sous peine de disparaître.

L’humain aime bien dominer, montrer que c’est lui qui commande et la hiérarchie n’est pas un vain mot. Il faut respecter la chaîne de commandement dans “Cessez-le-feu”, même si l’enjeu n’est rien moins que la fin de la guerre. Dans “La Planète des rats porteurs”, le pouvoir politique nouvellement en place veut fermer la planète bibliothèque, empêcher l’accès à la connaissance. Et si un problème d’enrôlement n’est pas résolu par une agence de publicité, elle devra purement et simplement fermer, alors qu’elle n’est en rien responsable du souci (« B.E.U.A.R.K. »). Heureusement que ceux qui doivent appliquer ces décisions irresponsables trouvent du répondant en face.

Comme les nouvelles sont présentées dans l’ordre chronologique, le lecteur voit comment l’écriture de Frank Herbert a progressé, comment les nouvelles se sont étoffées. Par exemple, “Chiens perdus” (1954), dont la fin tombe à plat et qui n’est pas sans défauts, est bien loin en terme de qualités de la plus récente du sommaire “Champ mental” (1962) qui séduit par son déroulement et l’ensemble des thématiques abordées. Que de chemin parcouru en une décennie !

Bien sûr, la lecture de ce premier tome de l’intégrale des nouvelles de Frank Herbert passe par des hauts et des bas. Bien des textes font datés, sans forcément manquer d’intérêt, car il s’en dégage toujours au moins une idée forte. Il faut garder à l’esprit que quasi l’ensemble a plus de soixante années au compteur. Toutefois, il se lit sans déplaisir et mérite l’attention des lecteurs, avec une mention particulière pour les quatre textes à l’origine de « Et l’homme créa un Dieu » et le remarquable “Champ mental”.
En août 2021 sortira le second et dernier tome des « Nouvelles » de Frank Herbert qui nous amènera sûrement encore un cran au-dessus.


Titre : Nouvelles, Tome 1 : 1952-1962
Auteur : Frank Herbert
Traductions de l’anglais (États-Unis) : Vincent Basset, Jean-Michel Boissier, Pierre-Paul Durastanti, Claire Fargeot, Dominique Haas, Jacqueline et Michel Lederer
Éditeur : Le Bélial’
Collection : Kvasar
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 480
Format (en cm) : 15 x 22
Dépôt légal : mars 2021
ISBN : 9782843449765
Prix : 24,90 €



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
21 avril 2021


JPEG - 71.2 ko



Chargement...
WebAnalytics