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Douve
Victor Guilbert
Hugo et Cie, collection Hugo Thrillers, thriller, 298 pages, janvier 2021, 19,95€


Hugo Boloren est inspecteur de police à Paris. Un jeune homme un peu à part, qui ne sait pas mentir : dans ces cas-là, mieux vaut être inspecteur que criminel. Un jeune homme qui est entré dans le métier à cause de Malesherbes, ce n’est pas banal – et l’anecdote en vaut la peine. Boloren a de qui tenir, cependant : son père était policier, sa mère écrivait des livres sur les affaires criminelles. Enfant, il accompagnait son père en planque dans son véhicule. Et enfant, il a entendu son père dire à sa mère : “Le gamin a Douve dans les veines.
Douve.
Une impasse dans un coin d’une carte. Un village au fond d’un cul-de-sac, au bord d’une forêt sombre et humide.

« Les sapins ont peut-être moins d’aiguilles, ou alors c’est la route trop droite dans l’ambiance grisâtre qui donne l’impression de foncer dans des limbes. La luminosité ambiante ne correspond à aucune heure de la journée, ce n’est ni de l’aube ni du crépuscule, plutôt une longue lueur baveuse informe. Comme si le jour et la nuit avaient été des couleurs mélangées sur la palette d’un peintre. Un sale mélange. »

Boloren est en vacances. Boloren apprend qu’un crime vient d’avoir lieu à Douve. Boloren juge le moment opportun pour aller éclaircir ce vieux mystère familial
Il n’y a pas de bon moment pour se rendre à Douve.
Douve où son père a autrefois investigué sur une terrible affaire criminelle. Douve au sujet duquel sa mère a écrit un ouvrage qu’elle lui a toujours interdit de lire. Douve où, devine-t-il, il a été conçu par quelqu’un qui n’est sans doute pas son flic de père.
Ce n’est jamais une bonne idée que de se rendre à Douve.

« Même à vitesse maximum, les essuie-glaces sont incapables de suivre le rythme infernal de la pluie battante. (…) Avec ce qui tombe, même sous un arbre on doit pouvoir finir par mourir noyé. Je roule prudemment dans le flou torrentiel. La logique darwinienne voudrait que les habitants de Douve deviennent des amphibiens d’ici quelques générations.  »

Voilà donc Boloren fils installé à l’hôtel de Douve, dans une chambre qui semble être le seul endroit où l’on puisse capter un soupçon de réseau. Avec son mystère et avec le livre écrit par sa mère, dont les extraits distillés tout au long du roman dévoileront peu à peu le terrible fait divers. Quant au crime tout frais, il est déjà élucidé, le meurtrier arrêté. Client unique, Boloren est choyé par Maurice, le propriétaire. Bientôt invité à dîner par Benjamin, un jeune graphiste free-lance qui, après être venu quelques mois se mettre au vert à Douve, y est resté et en est devenu le maire. Intrigué par d’autres personnages, comme deux octogénaires jumelles et buveuses de chartreuse. Il découvre un à un les habitants de ce village reculé, qui tous semblent désireux de l’aider dans sa quête.

« Rien ne colle dans ce village. Il sent le conifère moite et la désolation, mais son maire est un jeune cadre dynamique et l’unique bar est tenu par un serveur qui a la carrure pour servir des cocktails au Ritz.  »

Mais Hugo Boloren est un faux naïf. Il sait que rien n’est jamais aussi simple qu’il le paraît. Il sent que le crime récent n’est pas réellement élucidé. Il comprend peu à peu que l’ouvrage écrit par sa mère n’est qu’un tissu de mensonges. Que comme les habitants de Douve, il en cache peut-être plus qu’il n’en dit. Qu’un individu un soir, en bordure de la forêt, l’agresse dans les ténèbres humides, n’a finalement rien pour l’étonner. Boloren écoute ceux qui causent et ceux qui ne causent pas. Il laisse les idées faire leur chemin, les détails s’accumuler. Des éléments le tracassent, mais il peine à déterminer lesquels. Ce qu’il nomme sa bille mentale, qui roule dans son cerveau, qui l’alerte, qui frôle sans cesse la vérité, image double de l’intuition et d’une compréhension sur le point d’advenir, comme une révélation imminente, le maintient en alerte. Il est persuadé qu’on lui fait avaler des couleuvres, mais il ne parvient pas à déterminer qui, ni quels sont exactement ces mensonges. Il erre dans les rues, dans la forêt humide, dense, ténébreuse.

« Je me fous qu’un meurtrier se fasse buter, j’étudie le droit, pas la miséricorde.  »

Une aventure avec une épicière à mi-temps qui étudie le droit, quelques échanges avec son commissaire parisien qui à sa demande fait quelques recherches et lui envoie des éléments qui l’intriguent plus encore, une battue à la recherche d’un simple d’esprit égaré ne sont que quelques-uns des évènements qui scandent une enquête qui ne dit pas son nom, une errance où présent et passé se mêlent. L’ambiance sombre et humide de Douve envahit le lecteur, éclairée par les pointes d’humour et d’humanité des uns et des autres. Mais il ne faut pas s’y fier. La menace rôde. Trop de choses ont été tues, qui finiront par être sues.

Comme il est de règle, la tension ne fait que croître et le rythme au départ lent ne fera qu’accélérer. La dernière partie cède à la tendance d’une surenchère de révélations, et à la mise au jour d’une machination extrêmement complexe qui certes ébahit, mais dont quelques rouages, une fois mis en lumière, peinent à convaincre. Une succession de stratagèmes trop alambiqués pour être parfaitement crédibles, et pour lesquels il faudrait admettre que tout a pu se passer très exactement comme cela a été imaginé et planifié – mais ce sera au lecteur de juger, une fois la surprise passée, si une telle histoire aurait pu advenir. Peu importe cette suspension d’incrédulité qui pourra être quelque peu mise à mal, l’auteur et le narrateur recollent un à un les morceaux de crimes en apparence très simples et, dans la grande tradition du roman policier, reconstituent un puzzle dont les premières pièces ont été disséminées plus d’un demi-siècle auparavant. L’essentiel est d’avoir intrigué et dupé le lecteur, et force est de reconnaître que si des indices étaient mentionnés çà et là, bien malin serait celui qui aurait pu les voir comme tels. Reste en définitive, sous une élégante couverture « nuit-verte » permettant à l’ouvrage de se démarquer du polar tout-venant sur les tables des libraires, une belle histoire de faux-semblants, et un premier roman marqué non seulement par un lieu singulier, mais aussi par des ambiances et des tonalités réussies. Dans l’anthologie « Storia », Victor Guilbert avait déjà offert au lecteur un joli tour de passe-passe ; il récidive ici dans la forme longue – sans doute est-il déjà en train d’échafauder et d’ourdir d’autres mauvais coups.


Titre : Douve
Auteur : Victor Guilbert
Couverture : R. Pepin / Plainpicture / BY
Éditeur : Hugo et Cie
Collection : Hugo Thrillers
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 298
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : janvier 2021
ISBN : 9782755685831
Prix : 19,95 €



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Hilaire Alrune
5 avril 2021


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