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Wyld, tome 2 : Rose de Sang
Nicholas Eames
Bragelonne, roman (Canada), fantasy, 540 pages, janvier 2020, 18,90€

Une nouvelle horde, menée par un géant et drainant les survivants de Castia, menace l’Humanité. Les roquebandes se rassemblent à Ardburg pour faire route à leur rencontre. Toutes ? Non. Fable, l’équipe de la Rose de Sang, fait le chemin inverse.
Tam Hashford a l’aventure dans le sang. Le Wyld a pris sa mère, une barde reconnue, et son père préfère la voir serveuse à la taverne que sur les routes à risquer sa vie. Néanmoins, quand Fable recrute Tam, il la laisse partir. La jeune fille découvre alors l’envers du décor d’une des plus célèbres roquebandes, et les liens complexes qui unissent ses membres, tandis qu’au lieu de sauver le monde, comme toute roquebande sérieuse qui se respecte, ils vont remplir un mystérieux contrat accepté par Rose, et qui devrait faire bien mieux : les faire entrer dans la légende ! Il s’agit juste de tuer le Simurg, dit Mange-dragon, une créature de conte de fées, le croquemitaine absolu.



Second volet de « Wyld », « Rose de Sang » reprend les mêmes excellents ingrédients pour livrer un récit de fantasy épique aux scènes de bataille à couper le souffle, mais aussi des moments plus intimistes durant lesquels Nicholas Eames nous dévoile toutes les failles de ses personnages, les rendant on ne peut plus humains et réalistes.

Rose vit dans l’ombre de son père, Gabriel, le leader de Saga. Ce contrat de légende, potentiellement mortel, est pour elle le seul moyen de ne pas rester « la fille de Gabriel qu’il est venu sauver à Castia ». Se faire un nom, une légende d’héroïne, et pas de gamine qui a fait une bêtise.
Si elle file le parfait amour avec Nuage Libre, le guerrier druine, leur union choque encore. Et savoir qu’ils ont produit une fille – une mutante – n’aide pas. La gamine, totalement innocente (comme tous les enfants, pas coupables d’être là), va aussi être un enjeu fort du roman. Raccrocher les armes, c’est aussi pouvoir enfin endosser le rôle de parents, un combat plus subtil, permanent, épuisant… une toute autre aventure, et un choix sans retour en arrière possible.
Tam observe qu’elle se drogue avant chaque combat, et cette addiction est un sujet houleux dans le couple, Rose promettant de se sevrer après leur contrat, qui doit être le dernier. Si la drogue est très souvent présente dans les groupes de rock, avec souvent une conclusion funeste, l’auteur nous éclaire sur son pourquoi chez Rose, un choix bien loin de la facilité.
Encore une fois, la transposition aventuriers – groupe de rock fonctionne à la perfection : la vie sur les route, la notoriété, les excès de toutes sortes, bien loin du confort cosy et plan-plan d’un foyer. Même si, justement, comme le découvre Tam, la caravane de Fable est un foyer, et le groupe une famille. Chacun a ses petits secrets, mais tous sont solidaires, par nécessité, mais aussi par choix.
C’est le grand message de « Wyld », et les mille façons de l’auteur de le dire, de le faire sentir au travers des actes, des mots de chacun en font un roman assez émouvant, et pas un simple divertissement alternant humour piquant et combats épiques.

La trame est certes classique, mais efficace. Après l’embauche de Tam, qui sera notre vecteur de découverte des autres, le groupe fait route à l’ouest, essuyant les railleries voire l’hostilité des autres bandes. Quelques représentations en arène soulèvent deux points importants. Le premier, c’est le refus croissant de ces spectacles barbares, avec des monstres captifs, maltraités. La critique déjà présente dans le premier tome revient en force, et rejoint les questions antispécistes actuelles autant que le déclin de ce genre de représentations : à quoi bon affronter des monstres non plus « régulés » en bord de Wyld, mais élevés pour alimenter des spectacles ?
Le second point concerne Brune, le chaman, torturé intérieurement, pas toujours capable de se changer en ours – parfois en ourson ! Sur le chemin, une étape sera nécessaire pour qu’il affronte son passé, ses démons, et son père. Un moment cathartique indispensable, tant pour son équilibre personnel que pour la sécurité du groupe, pour découvrir qui il est, et pas qui on a voulu qu’il soit.
Le cas de Cura, la sorcière qui invoque les créatures de ses tatouages, nous sera dévoilé un peu plus tard, alors que Tam, qui préfère les filles, se rapproche insensiblement de la sorcière, dont l’agressivité s’avère l’armure qu’elle ne quitte quasi jamais. Là encore, rien d’innocent, mais une personnalité salement brisée dans son enfance et toujours sur le fil.
Enfin leur manager, Roderick, cache cornes et sabots, et se fait le pendant de Nuage Libre pour concentrer les questions de racisme. Mais là où le premier est assimilé à un monstre, le second incarne aussi l’ancienne race dominante, oppressive et crainte.

Il va sans dire que lorsque Fable rejoint son employeur et s’apprête à exécuter le contrat (après avoir appris que leurs prédécesseurs ont tenu 17 secondes), comme on en est qu’à la moitié du bouquin, on se doute que ça ne va pas marcher comme prévu. Mais alors, du tout. Et là encore Nicholas Eames signe une histoire amère où rien n’est laissé au hasard, et dont les racines étaient déjà annoncées dans le tome 1. Et tandis que les pièces se mettent en place, on sent venir avec un grand frisson de plaisir la bataille titanesque qui va conclure ce diptyque.

Je n’en révèle pas plus, juste vous dire qu’après la claque de « La Mort ou la Gloire », « Rose de Sang » monte bien un cran au-dessus, donnant la parole à la jeune génération d’un monde en plein déclin. Ce n’est plus le baroud d’honneur, c’est le choix que certaines choses doivent changer, quel qu’en soit le prix. Et c’est magnifiquement raconté, à la hauteur d’une gamine qui au lieu d’idéaliser ses idoles, en vient à admirer sa nouvelle famille. Et devient elle aussi une héroïne, ou juste une adulte, en pleine apocalypse.

Au-delà du vernis de gloire, de l’aura de la roquebande et ses exploits réels, c’est profondément humain, plein de failles, de douleurs et de secrets. C’est époustouflant, c’est drôle, c’est grave, tout cela à la bonne dose, au bon moment. Bref, c’est sacrément bon.

Les deux tomes sont disponibles en poche depuis l’automne, c’est donc l’occasion de passer un excellent (et long) moment de lecture pour une somme fort modique, moins qu’un billet dans une arène.


Titre : Rose de Sang (Bloody Rose, 2018)
Série : Wyld, tome 2
Auteur : Nicholas Eames
Traduction de l’anglais (Canada) : Olivier Debernard
Couverture : Pierre Santamaria
Éditeur : Bragelonne
Collection : Fantasy
Site Internet : page roman (site éditeur)
- Grand Format
Pages : 540
Format (en cm) : 21,5 x 14,5 x 4
Dépôt légal : janvier 2020
ISBN : 9791028103958
Prix : 18,90 €
- Poche
Pages : 624
Dépôt légal : octobre 2020
ISBN : 9791028113643
Prix : 7,90 €


Wyld :
La Mort ou la Gloire
Rose de Sang


Nicolas Soffray
1er avril 2021


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