La distance Terre-Lune est-elle plus proche de dix ou de huit cent mille kilomètres ? La taille d’un chat est-elle plus proche de celle d’un chien ou de celle d’une bactérie ? Questions simples – du moins en apparence – et réponse intuitives, mais pas toujours justes. Du moins, cela dépend de notre manière de compter. En se penchant en introduction sur de tels sujets, Mickaël Launay séduit d’emblée le lecteur. Car ce qu’il décortique sous nos yeux n’est pas seulement ce que sont les choses et ce qu’elles semblent être, ce n’est pas seulement la réalité du monde tel que les nombres le définissent, mais aussi la manière dont nous le regardons et dont nous le pensons.
« Comment faire de la science lorsque le monde semble liquide et coule de nos mains à chaque fois que nous pensons le saisir. »
Où est le bas ? Comment l’eau peut-elle couler vers le haut ? D’ailleurs, qu’est vraiment ce haut, et sur la base de quel référentiel définit-on la montagne la plus haute ? Entre mathématique et physique, usant de questions qui semblent simples mais qui lorsque l’on s’y intéresse de plus près donnent réellement le vertige, l’auteur invite à reconsidérer les évidences en arpentant à grands pas l’histoire des mathématiques, de la physique, de l’astronomie et d’autres sciences encore. De la bluffante trouvaille de Napier qui donna naissance aux logarithmes aux intuitions fulgurantes de Newton et consorts, en passant par les étonnantes observations de Simon Newcomb et de Frank Benford relatives aux différences de répartition des chiffres partout retrouvées à l’identique, Mickaël Launay conduit le lecteur de surprises en émerveillement.
Des surprises, mais pas que. Des effarements aussi, comme ces jeux avec l’infini qui prêtent tout de même à conséquence, puisque l’on apprend qu’en ayant droit à deux chocolats par jour et en n’en mangeant quotidiennement qu’un seul, il est possible, suivant la manière dont on s’y prend, une fois parvenu à la fin des temps, soit de les avoir tous mangés, soit d’en avoir toujours une quantité infinie ! Effarements également devant ces grands nombres – non, ces nombres colossaux – inventés en Inde au troisième siècle, qui, bien avant les désormais fameux gogol et gogolplex, suscitaient déjà d’ineffables vertiges. Paradoxes, poésie et frémissements de l’incommensurable et de l’infini, mais également de la découverte de nouveaux mondes, de nouvelles dimensions.
« Le triangle de Sierpinski est coincé entre deux dimensions. Comme suspendu en plein vol dans sa migration d’une dimension à l’autre. Il n’est ni ligne, ni surface. Il est ailleurs. »
Avec toujours la même simplicité, et même, pourrions nous dire, la même limpidité, Mickaël Launay nous emmène en effet toujours plus loin, à la découverte des dimensions jusqu’il y a peu non conventionnelles, abordées par le biais des fractales développées et même popularisées par le français Benoit Mandelbrot, après des premiers défrichages, quelques décennies auparavant, par des précurseurs comme Lewis Fry Richardson, à l’origine du « Richardson effect » ou paradoxe littoral. Puis, non content d’avoir une fois encore bousculé les acquis et les certitudes du béotien, l’auteur toujours enthousiaste l’emmène vers les territoires des géométries non-euclidiennes, où, en balayant le cinquième postulat d’Euclide, l’on commence à entrouvrir la porte aux révolutions scientifiques du vingtième siècle, relativité restreinte et relative générale d’Einstein. Pour terminer, on débouchera sur une toute nouvelle science, celle de l’astronomie gravitationnelle. Mais que le lecteur se rassure : il aura aussi appris toute une série d’éléments secondaires, mais non dénués d’importance, comme l’identité du premier homme à avoir utilisé un parapluie, et aussi ce qu’un tel objet peut nous apprendre..
Ce « Théorème du parapluie » constitue donc un bel exemple de ce que la vulgarisation scientifique peut offrir de mieux. Accessible à tous – y compris, dans sa plus grande partie, aux plus jeunes, à condition qu’ils soient déjà attentifs et bien éveillés – naviguant entre mathématiques et physique, jamais déconnecté du monde réel, ce plaisant volume devrait convaincre plus d’un lecteur. Riche et léger, didactique et documenté, servi par de très belles illustrations de Chloé Bouchaour, agrémenté en fin de volume d’une bibliographie proposant, pour chaque chapitre, des références pour qui souhaiterait aller plus loin, ce « Théorème du parapluie » nous en apprend beaucoup, et nous pousse à considérer le monde avec un regard nouveau.
Titre : Le Théorème du parapluie, ou l’art d’observer le monde dans le bon sens
Auteur : Mickaël Launay
Couverture et illustrations intérieures : Chloé Bouchaour
Éditeur : J’ai Lu (édition originale : Flammarion, 2019)
Collection : Documents
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 13119
Pages : 344
Format (en cm) :11 x 18
Dépôt légal : janvier 2021
ISBN : 978290225790
Prix : 8,50 €
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