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Sueurs froides
Nadia Coste
Gulfstream, Echos, roman (France), thriller, 295 pages, mars 2020, 16€

La patinoire des Greilles n’a plus son lustre d’antan, malgré quelques espoirs de patin artistique. L’équipe de hockey pointe en bas de tableau. La faute au fantôme qui hante soi-disant le bâtiment, un joueur prometteur mort en plein match trente ans plus tôt.
Le directeur, ancien joueur, organise un gala pour tenter de rameuter des sponsors, et fait la leçon à ses jeunes : c’est leur dernier espoir.
Dans l’équipe de hockey, Hugo tente de faire bonne figure auprès du capitaine, de rire à ses blagues, mais son homosexualité devient de plus en plus lourde à assumer... surtout depuis l’arrivée d’Esteban, patineur artistique très séduisant... qui lui, de son côté, a bien du mal à se défaire de l’étiquette qu’on lui a collé d’office, avec son collant à paillettes, et il aimerait bien que les filles le regardent autrement que comme un bon copain...
Un soir, peu avant le gala, Hugo se déclare à Esteban, et se prend un râteau monumental. Problème, le lendemain, on retrouve le jeune hockeyeur pendu... A huit jours du gala, ce n’est pas qu’un drame, c’est une catastrophe !



On connaît le talent de Nadia Coste sur la Yozone, et là voilà qui rajoute la corde du thriller à son arc.
Je ne suis pas très thriller, et encore moins teenage horror movies, mais une fois entamé, j’ai eu du mal à lâcher « Sueurs froides » : on s’attache immédiatement aux personnages, on s’immerge tout aussi vite dans l’ambiance de cette patinoire décrépie, on rêve d’un miracle tout en savant pertinemment que la couverture nous vend la promesse d’un cauchemar.

Patinage, ton univers impitoyable

Dans cette petite ville de montagne, grisâtre et en perte d’attractivité, l’autrice concentre notre regard sur une petite communauté de sportifs sur glace. Très vite, l’image d’unité des équipes, de hockey ou de patinage, s’effrite, grâce à une narration chorale très bien menée : chaque chapitre, assez court, donne la parole à un protagoniste différent, et l’autrice nous immerge ainsi avec facilité dans leurs pensées et leurs démons les plus intimes.

Nadia Coste met au cœur de son histoire des sujets toujours très actuels, qui touche tous les ados : l’acceptation de soi, le poids du regard des autres, la course à la performance, le besoin de reconnaissance. Si Esteban et Hugo se battent avec leur identité sexuelle, d’autres débordent de jalousie pour plus talentueux qu’eux, et très vite ces ados nous semblent aussi réalistes que cruels. Mais capables de tuer ?

Un autre groupe est à prendre en compte : les adultes. Le directeur, le gardien, le responsable du matériel sont tous d’anciens hockeyeurs, tous ont connu Thomas Grimbert, mort sur la glace, et tous ont subi les conséquences de ce drame : la mort du jeune espoir a stoppé l’équipe. Et à être restés à la patinoire, ils sont hantés par ce souvenir de leur jeunesse. A l’exception du lieutenant changé de l’enquête, tous traînent ce lourd bagage mémoriel, croyant au non au fantôme, qui est bien entendu au centre de l’intrigue.

Fantôme, psychopathe ou les deux ?

Avec une narration ultra-dynamique, Nadia Coste nous plonge dans la tension d’avant-gala, auprès de ces ados minés tant par la mort d’Hugo que la superstition. Des phénomènes étranges se produisent, du sang coule d’une grille : mauvaise blague ou manifestation spectrale ? L’autrice joue à la perfection des codes des teenage movies américains, et « Sueurs froides » emprunte sans mal à l’atmosphère des fleurons du genre d’il y a quelques années déjà, « Scream » ou « Souviens-toi d’été dernier » (oui, cela ne nous rajeunit pas). Le monde du hockey renvoie bien sûr à la grande saga des « Vendredi 13 » et son tueur masqué.
La tension va crescendo, le jour J le huis-clos est à son comble, et si tous les ingrédients du genre sont bien là, il reste une petite touche française dans cette histoire, un refus de céder à la facilité de la peur juste pour la peur, grâce à des personnages très bien écrits et loin des stéréotypes américains.

Sur le fond, on appréciera le twist central (certes un peu gros, comme souvent dans le genre) qui nous fait glisser du thriller fantastique au psychologique, avec un tueur au fort ascendant sur ses jeunes complices (je n’en dit pas plus). C’est aussi l’un des points forts de l’autrice, faire vivre et interagir des personnages complexes avec un grand réalisme, et rendre crédible les manipulations des uns comme les choix drastiques et sans retour possible des autres.

On sort du gala aussi épuisé que les personnages, et aussi satisfait qu’à la fin d’un bon film de suspense, aux multiples rebondissements. L’épilogue, dans la plus pure tradition du genre, en rajoute une ultime couche.

Une nouvelle fois, Nadia Coste frappe fort et juste, pour le plus grand plaisir et le plus grand frisson des lecteurs ados (et plus), avec un roman captivant et intelligent dans un genre en apparence simpliste et galvaudé.


Titre : Sueurs froides
Autrice : Nadia Coste
Couverture : Tiphaine Rautureau
Éditeur : Gulf Stream
Collection : Echos
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 295
Format (en cm) :
Dépôt légal : mars 2020
ISBN : 9782354887810
Prix : 16 €



Nicolas Soffray
8 novembre 2020


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