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Etranges Floraisons
Jean-Pierre Favard, Philippe Gontier et Patrice Mallet (dir.)
La Clef d’Argent, anthologie (France), fantastique/SF, 173 pages, septembre 2020, 13€

Le vert est à la mode. Sa promotion, sa protection, ses mutations... Pour quelles conséquences ? un monde plus vert, plus propre ? à quel prix, notamment pour l’être humain ? Tentatives de réponses avec les auteurs habitués de la Clef d’Argent, et quelques autres.



Saluons d’emblée la préface très érudite de Jean-Guillaume Lanuque qui contredit d’emblée une quelconque originalité du thème. Cela fait des décennies que la SF et l’écologie se connaissent, et si vous n’aviez en tête que « Le nom du monde est Forêt » d’Ursula Le Guin et « Le jour des Triffides » de John Wyndham, vous réaliserez qu’ils ne sont que l’arbre qui cache le... touffu bosquet littéraire qui croît régulièrement depuis des décennies.

Chaque texte est « embelli » d’une illustration finale. Je me permets les guillemets car la plupart, ton des textes oblige, sont plutôt cauchemardesques.

Commençons avec Philippe Gontier, et du polar avec “Mon amie la Rose”, dans lequel un mari assassin cache le cadavre de son épouse dans sa roseraie, le temps que la police l’interroge. Si le déroulé est classique, tout le sel est dans la touche finale.
Direction l’Afrique avec “Le Kulu-Néré”, où les puissances telluriques viennent en aide à un garçon victime de harcèlement par les plus grands de son village. Mais pour l’enfant, la magie qui s’est emparée de lui est terrifiante, sans doute néfaste. Pierre Brulhet nous immerge parfaitement dans l’état d’esprit de son jeune protagoniste, terrifié par son pouvoir, et aux éléments du conte africain, sa magie noire, il apporte quelques touches discrètes, sur le rôle des femmes, qui contrebalancent très agréablement la superstition masculine.

Dans “Sexburge”, Céline Maltère nous plonge dans un futur où végétal et humain ont fusionné. Si cela commence très doctement par un cours universitaire sur les origines controversées de cette alliance (contre ?) nature, l’autrice amène de manière subtile son sujet, le rend plus proche au travers de son personnage, converti nais encore naïf, et la chute donne du piquant à cette histoire, dans la lignée très sexuée de ses textes précédents.

Si vous avez aimé « La Mémoire de l’Orchidée », “Fantaisies botaniques de Mirgance et d’Aiquose” de François Fierobe vous enchantera. Sur un ton mi-journalistique, mi-touristique, il y narre en un va-et-vient qui va crescendo la rivalité entre deux villages, lieux de fééries botaniques, florales et végétales, spectacles envirants et expériences fabuleuses, une explosion de mystère et de beauté qui n’est pas sans rappeler le charme trouble des « Cités Obscures » de Schuiten.

J’ai presque eu peur, car l’“Automne” de Jérôme Sorre commence exactement comme l’excellent et éponyme « Automne » de Jan Henrik Nielsen. Point de plagiat car les chemins dévient, et l’auteur introduit une bonne dose de fantastique assez terrifiant, rappelant « Cellules », qui vous laisse un grand frisson en travers du dos jusque dans les dernières lignes.

J’ai eu plus de mal avec “Canopée” de Patrick Mallet, qui nous envoie sur une lointaine planète en cours de colonisation, avec une Humanité qui se taille un domaine à coups de scies circulaires géantes dans une jungle gigantesque. La trame n’est pas très originale (des colons « appelés » par le Cœur de la forêt) mais plutôt bien traitée. Néanmoins, des poncifs d’une SF totalement surannée et des aberrations physiques (la planète « tourne » autour de 3 soleils !) tout à fait superflues gâchent profondément l’immersion.

Déception aussi avec “La grande offensive du printemps”. Stéphane Mouret, qui nous avait habitué à des textes d’une grande sensibilité (“la friche”), signe là une histoire bancale d’un couple en crise, mais le prosaïsme de l’écriture ne marche pas pour décrire la lente dégringolade de leurs relations qui va simultanément avec l’envahissement des végétaux dans leur villa. Il y a un je-ne-sais-quoi qui manque, de l’espace, du temps pour se glisser dans la peau du protagoniste, pour apprécier les contradictions que lui impose sa femme... Ou bien l’horreur arrive trop tôt...On est à rien d’une ambiance à la Stephen King, la fin est noire à souhait, et pourtant, j’ai eu la sensation de rester sur le bas-côté.

“L’homme qui se prenait pour un arbre” de Laurent Mantese décrit une métamorphose, suivi par un médecin, d’un homme isolé, seul dans sa maison. Il y a plein d’excellentes choses dans cette histoire, une société en crise sociale, le rôle des médecins à domicile (déjà longuement développé dans « La Mort de Paul Asseman », chez le même éditeur). Cela se double, en fin de texte, d’un tableau écolo parfaitement contemporain, une touche finale de poésie cruelle après le réalisme de cette mutation fantastique.

Enfin, “Une belle plante” de Jean-Pierre Favard oscille entre merveilleux scientifique à la Jules Verne et thriller à la mode type Maxime Chattam, pour un texte pro-féminin de toute beauté. Une étudiante accompagne une expédition scientifique en Amérique du Sud, et déjà durant le trajet, l’attitude des mâles ne peut pas être imputé qu’à leurs besoins primaires. L’avancée dans la jungle est digne des images des films d’aventures des années 80, et l’auteur nous offre une chute aux antipodes de nos attentes, balayant nos hypothèses en quelques lignes horrifiantes. On regrette presque que cela s’arrête si tôt.

Tout cela nous donne une anthologie assez équilibrée, avec des textes aux accents lumineux, même si on a la sensation que l’esprit de revanche contre les humains domine ces avenirs végétalisés.


Titre : Étranges floraisons
Auteurs :
Couverture : Léo Gontier
Éditeur : La Clef d’argent
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 173
Format (en cm) : 20 x 13 x 1
Dépôt légal : septembre 2020
ISBN : 9791090662599
Prix : 13 €



Nicolas Soffray
11 octobre 2020


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