Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




La new SF et celle de papa
La Tour des Rêves de Jamil Nasir - Le Long Voyage de Gilles d’Argyre
Délices et Daubes n°9


Toujours avec l’espoir insensé de combler mon inculture en SF, je surfe sur la toile et découvre de complets inconnus, pourtant primés.

C’est le cas du Grand Prix de l’Imaginaire 2003, La Tour des Rêves (Pocket, 316pp) de Jamil Nasir, un Américain d’origine palestinienne. Un drôle de bouquin, étiqueté SF parce que ça se passe dans quelques années dans une métropole cairote encore pire qu’aujourd’hui. Il y a une description méticuleuse et constante (excessive, quoi) de la misère, de l’horreur et de la pollution. En plus il y a des tremblements de terre. Il y a aussi la plongée du héros (toujours très détaillée) dans la vie du petit peuple (exactement la même qu’aujourd’hui) et de ce qu’il mange. Beaucoup de couleur locale, beaucoup, et même un mariage à la campagne comme si vous y étiez. Bizarre pour de la SF amerloque de 1999.

Malheureusement cet aspect est très mal traduit. Tout le monde sait ce que c’est qu’un narguilé, sauf le traducteur qui appelle ça un argila ( ? Faut sortir un peu quand même !). Figurez-vous aussi, toujours selon le traducteur, que Oum Kalsoum « beugle » (!!!) dans les transistors. Je ne pense pas qu’un arabe, même américain, ait pu jamais écrire une chose pareille. Les velléités de transcription des mots et expressions sont difficiles à suivre pour qui a mis les pieds en Egypte, mais je suppose que le traducteur les a gardés en version originale anglaise, ce qui fait bizarre en français.

Mis à part ces défauts qui gênent la lecture et donnent envie d’utiliser un stylo-bille rageur, l’histoire est assez originale. Une belle actrice copte Aïda serait en fait une paysanne musulmane (!) Buthaïna sur laquelle convergent les rêves et l’inconscient collectif des masses arabes. Le héros, arabe américain, contaminé (son métier est de chasser les images de l’inconscient collectif pour faire de la publicité), en devient fou amoureux. Il y a un peu de science-fiction sur les moyens de transport (des limousines hélicoptères), mais l’ambiance est plutôt réaliste et fantastique, mâtinée d’un zeste de croyances anciennes. La fin pseudo optimiste complètement ratée n’est pas du tout dans le ton du reste du bouquin. C’est relativement original dans les idées mais elles restent malgré tout ébauchées et confuses jusqu’à la fin où plusieurs explications sont alors proposées (?).

Franchement je n’ai pas lu le chef-d’œuvre annoncé et primé, et loin s’en faut.

Pour me changer les idées, j’ai plongé dans une réserve de bouquins aux pages jaunies par le temps et aux couvertures rafistolées au ruban adhésif, achetés en lot récemment, des Fleuve Noir Anticipation, avec la fusée. Nostalgie, nostalgie de ma jeunesse. Et j’ai lu un vieux Gilles d’Argyre (Gérard Klein) de 1964, Le Long Voyage (189pp). J’ai bien fait. C’est sympa et sans prétention.
De la SF de comme avant, pas bête du tout. Avec des « vire-matières » ou « transpaces » comme dans Stargate, des moteurs pour déplacer Pluton jusqu’à Alpha du Centaure, un héros noir mal dans sa peau, un hybride homme-machine en forme d’IA prophétique et qui se prend pour un dieu, des machinations politiques plutôt que des combats dans l’espace, des réflexions sur la place de l’homme dans l’univers, et toutes ces sortes de choses (toussa toussa comme on dit aujourd’hui dans les forums). Rafraîchissant et agréable comme lecture. Et, au moins, personne n’a prétendu - en fait je n’en sais rien mais j’imagine - que c’était un chef-d’œuvre.

Bon, d’accord, je n’ai plus vingt ans, depuis longtemps, je sais, mais franchement, la SF de papa c’est plus sympa à lire que la new SF qui ne sait plus ce qu’elle écrit ni où elle en est. On utilise aujourd’hui le sigle SF pour vendre n’importe quoi : des romans historiques (prétentieux car documentés) baptisés « uchronies » ou des romans de cape et d’épée (agrémentés de magiciens et de dragons) baptisés « fantasy ». Il y a aussi les deux à la fois comme l’encensé G.G. Kay dont je vous ai déjà parlé (voir D&D n°4). Bref, un retour aux sources de la SF ne fait de mal à personne et permet de recentrer le faux débat qui agite le petit monde F de la SF, F & F.


Henri Bademoude
16 juillet 2006


JPEG - 25.8 ko



GIF - 221 octets



GIF - 221 octets



GIF - 221 octets



GIF - 27.4 ko



Chargement...
WebAnalytics