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Quitter les monts d’Automne
Émilie Querbalec
Albin Michel Imaginaire, roman (France), Science-Fiction, 446 pages, septembre 2020, 21,90€

La jeune Kaori vit avec sa grand-mère Lasana, une conteuse qui l’a recueillie après la mort de ses parents. Elle se souvient d’un tragique incendie, mais guère plus et Lasana refuse de lui en parler. Les jours passent dans les monts d’Automne et Kaori désespère de voir ses talents de conteuse se révéler, aussi son entourage lui fait travailler la danse. Au décès de sa grand-mère, elle découvre caché dans les affaires de cette dernière un rouleau de calligraphie, objet très dangereux, car l’écriture est interdite. Rien que sa détention est passible de condamnation à mort. Quel secret renferme-t-il ? Pourquoi Lasana détenait-elle un tel objet ?
La raison lui dicte de s’en débarrasser au plus vite, mais la curiosité la pousse à en percer le mystère en se rendant à Pavané, la capitale de Tasai.



Second roman d’Émilie Querbalec, « Quitter les monts d’Automne » s’apparente à une quête initiatique, celle de Kaori qui ne se souvient plus de ses parents, désire être une conteuse comme sa mère et sa grand-mère et cherche à comprendre la raison de ce rouleau. Autant dire que ça va la mener bien plus loin que le cadre étriqué du départ ne le laisse soupçonner.
Être conteuse n’est pas affaire de talent, de mémoire ou encore de travail, mais une capacité qui se révèle ou non sous l’impulsion du Flux qui règne sur chaque monde. Cela ressemble à une révélation soudaine, certaines lignées sont frappées de cette tradition du Dit qui permet la transmission orale de la mémoire de l’humanité, mais cet art se refuse à Kaori qui en souffre beaucoup. Ces dépositaires sont d’autant plus considérés que l’écrit est banni, ce qui rend la possession du rouleau calligraphiée d’autant plus étonnante.

Dans son voyage vers Pavané, Kaori rencontre la marchande Aymelin, ainsi qu’Ekisei, un des rares hommes qui joue vraiment un rôle dans ce roman. En effet, « Quitter les monts d’Automne » est surtout une affaire de femmes, les personnages masculins sont un peu aux abonnés absents et plutôt faibles en comparaison. Cela s’en ressent, car l’action est rare dans ces pages, d’abord émaillées des joies simples de la vie sur Tasai, avant l’émerveillement des découvertes qui s’enchaînent. Quelques brefs intermèdes plus musclés réveillent l’attention, mais les longs passages contemplatifs, voire introspectifs, ne manquent pas. J’avoue avoir peiné à avancer dans le récit par moments, car il ne se passe pas grand chose finalement, mais il ne me semble pas appartenir au public ciblé pour cet ouvrage. Je pense qu’une femme l’abordera différemment, réagira à des passages qui me laissent de marbre, pas par manque de sensibilité, mais par manque d’empathie avec la personnage centrale.

Même si en tant que lecteur masculin, « Quitter les monts d’Automne » ne m’a pas convaincu, même si je m’y suis plutôt ennuyé, on ne peut lui dénier quelques qualités. Émilie Querbalec écrit très bien, elle a monté une histoire subtile prise dans son ensemble et sa conclusion ne manque pas d’élégance, même si elle soulève bien des questions. De plus, elle inscrit d’abord son récit dans une société japonisante qui apporte une petite touche d’exotisme sans perdre le lecteur, elle interroge aussi sur le rapport à la mémoire. Et puis, elle évoque le Flux, une force sur laquelle elle ne s’étend pas beaucoup finalement et qu’il est difficile d’appréhender, mais qui joue un rôle indéniable. La technologie reste chasse gardée, elle ne s’est pas démocratisée comme si elle était trop précieuse ou trop dangereuse, ce qui donne dans la première moitié des allures de fantasy à un roman de SF.

Quelques détails m’ont gêné comme la longévité de certains personnages, alors que Kaori voyage en stase et, suivant sa vitesse, le temps se déroule bien plus rapidement à l’extérieur. Les portes appelées cosmes permettant de s’affranchir de longues distances semblent être l’apanage d’un passé glorieux aujourd’hui révolu. Le Flux reste tout de même un mystère et l’énigme attachée au rouleau calligraphié débouche sur une solution pas forcément satisfaisante. Comment Kaori a-t-elle été repérée ? Certains points ont ainsi juste été effleurés, sans aller plus loin. Il est dommage que l’auteure se soit étendue sur des passages qui ne le méritaient pas forcément au détriment d’éclaircissements bienvenus.

« Quitter les monts d’Automne » me laisse un sentiment mitigé, je n’y ai clairement pas trouvé mon compte, la faute à un roman non dénué de faiblesses et surtout par sa trop grande orientation vers un public féminin qui devrait trouver en Kaori une belle héroïne en qui s’enthousiasmer.


Titre : Quitter les monts d’Automne
Auteur : Émilie Querbalec
Illustration de couverture : Manchu
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 446
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : septembre 2020
ISBN : 9782226451934
Prix : 21,90 €


Autres livres de la collection sur la Yozone :
- « Mage de bataille, tome 1 » de Peter A. Flannery
- « American Elsewhere » de Robert Jackson Bennett
- « Les étoiles sont légion » de Kameron Hurley
- « La cité de l’orque » de Sam J. Miller
- « Terminus » de Tom Sweterlitsch
- « Le chant mortel du soleil » de Franck Ferric
- « Une cosmologie de monstres » de Shaun Hamill
- « La fleur de Dieu », tome 1, tome 2 et tome 3 de Jean-Michel Ré
- « Rivages » et « La fin des étiages » de Gauthier Guillemin
- « Un océan de rouille » de Robert C. Cargill
- « Le magicien quantique » de Derek Künsken
- « Le livre de M » de Peng Shepherd
- « La Marche du Levant » de Léafar Izen

- Un entretien avec Gilles Dumay

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
31 août 2020


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