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Anti-Magicien (l’), tome 5 : Les Traîtres de la Cour
Sebastien de Castell
Gallimard Jeunesse, roman traduit de l’anglais (Canada), fantasy, 477 pages, mai 2019, 17€

Kelen, comme à son habitude, a réussi à transformer un exploit plein de panache en catastrophe totale : un geste malheureux suite à une bonne action le voit traîné devant la reine de Darome pour être, sans doute, condamné à mort. A sa grande et heureuse surprise, la très jeune souveraine le gracie et le nomme conseiller à ses côtés. Kelen comprend trop tard qu’il a mis les pieds dans un jeu politique très dangereux, dont il ne connait ni les acteurs ni leur vrai rôle. Déterminé à faire mentir la prophétie d’un assassin Zhuban qui lui a annoncé qu’il tuerait la reine, il va, comme d’habitude, faire de son mieux... Et comme d’habitude, Rakis aura beau lui mordre les oreilles, il aura l’impression de faire plus de mal que de bien...



« Les traitres de la cour » n’aura survécu qu’un week-end entre mes mains. Impossible à lâcher, il nous tient en haleine d’un bout à l’autre, parfois douloureusement, tant après 4 volumes l’empathie avec Kelen est à son paroxysme.

J’essaierai de ne pas en dire trop, pour ne pas vous gâcher la lecture de cet avant-dernier tome de la série. Le ton se durcit, néanmoins, et s’il reste des traces d’humour, il est de plus en plus difficile pour Kelen de faire preuve de légèreté.
Après quelques morts et disparitions suspectes, l’Argosi est éloigné de la cour, aux côtés d’une cousine de la reine qui a elle aussi bien des soucis, notamment sa suivante condamnée à mort pour un motif étrange et un général pédant qui lui fait une cour très assidue malgré ses multiples refus.
Comme dans tout complot politique, tout est étroitement intriqué, les coupables ne sont pas forcément les plus suspects, et il est difficile de démêler l’écheveau quand même les innocents se taisent. Plus Kelen s’efforce d’œuvrer pour le bien des innocents, des victimes, des faibles, plus les choses empirent, conséquences imprévues de règles diplomatiques qu’il ne maîtrise pas. Ce serait trop facile... et il joue comme il le peut ce rôle de chien dans un jeu de quilles, même si les réactions de ses alliées lui renvoie plutôt l’image de l’éléphant dans le magasin de porcelaine.

La violence autour de Kelen monte d’un cran, pour dépasser son seuil de tolérance. S’il n’a jamais rechigné à défendre sa vie, l’Argosi a de moins en moins de scrupules à parfois tirer le premier tant il sait que ses adversaires ne lui feront pas de cadeau. Et on s’en prendra à ses amis, à Rakis... Lorsqu’une porte de sortie lui est offerte, un espoir de calme, de paix, on le détruira de la pire façon : en le faisant se sentir coupable, en faisant de lui-même son pire ennemi. Au bout de 5 tomes, Sebastien de Castell a réussi à amener son personnage à ses points de rupture : prêt à lâcher tout cela, prêt à fuir pour sauver sa vie et ses amis, prêt à renoncer... Et toujours, au paroxysme de l’intrigue, son foutu idéalisme qui l’empêche de tourner les talons.

Plus encore que dans « L’abbaye d’ébène », la force du lien entre Kelen et Rakis est prégnante. Mais on notera l’influence grandissante des femmes, maintenant que le voilà devenu un jeune homme : il y a Mariadne, la cousine de la reine, jeune veuve courtisée dont il tombe amoureux tandis qu’il la protège, et qui répond à ses sentiments au point de le laisser imaginer une autre vie que sur les routes. La reine, aussi, gamine de 11 ans récipiendaire de la sagesse de ses prédécesseures, et qui l’appelle à l’aide en se montrant bien plus intelligente que lui, sans pour autant pouvoir lui donner toutes les cartes. Shalla sera évidemment présente, toujours à jouer avec les points sensibles de son frère. Et d’autres... Kelen a dépassé la perte de la figure maternelle depuis le départ de Furia, mais n’a pas surmonté ses peines de cœur, son désir d’être aimé. Il est toujours terriblement fragile et désespérément humain, ce qui n’en rend sa persévérance et sa fidélité que plus magnifique.

Par sa grande dimension politique, ce 5e tome ne tombe pas dans la redite des précédents : la matière change mais la manière demeure, et on le lit avec un immense plaisir, jusqu’à la révélation finale, ce petit détail d’une évidence telle qu’elle nous avait échappée, et qui lie tout à la perfection : rien n’a jamais été improvisé, aucun tome n’est superflu, tout était calculé depuis le début. La conclusion n’en sera que plus attendue, et on le sait, ne saurait nous décevoir.


Titre : Les Traitres de la cour (Queenslayer, 2019)
Série : L’Anti-Magicien, tome 5/6
Auteur : Sebastien de Castell
Traduction de l’anglais (Canada) : Laetitia Devaux
Couverture : Noémie Chevalier
Éditeur : Gallimard Jeunesse
Collection : Grand format littérature
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 477
Format (en cm) :
Dépôt légal : août 2019
ISBN : 9782075137430
Prix : 19 €


L’anti-magicien
L’ombre au noir
L’ensorceleuse
L’abbaye d’ébène
Les traîtres de la cour
Hors-la-loi


Nicolas Soffray
10 septembre 2020


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