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Océan de rouille (Un)
C. Robert Cargill
Albin Michel Imaginaire, roman traduit de l’anglais (États-Unis), Science-Fiction, 382 pages, janvier 2020, 21,90€

Voilà quinze années que le dernier homme est mort sur Terre. Fragile se demande encore pourquoi il a décidé d’en finir un jour, pourquoi il s’est exposé au danger, alors qu’il était resté caché plus de dix ans. De la classe des Aidants, Fragile pense souvent à l’ancien temps, quand les robots servaient les humains. À présent, elle vivote, cherche continuellement des pièces de rechange pour poursuivre son existence. Problème : il s’agit d’un modèle très rare. Elle connaît un seul autre Aidant : Mercer, un danger, car chacun représente pour l’autre une réserve de pièces...



C. Robert Cargill nous plonge sur une planète où toute vie biologique a disparu : plus d’animaux, plus d’humains... les IA, robots, androïdes ont fait table rase du passé après une longue guerre contre leurs anciens maîtres. L’Aidant Fragile a participé aux combats, comme possédée par le lance-flammes qu’elle tenait. Elle croyait en des lendemains meilleurs, pensait liberté, bonheur et non fuite comme ce qu’elle est obligée de faire désormais. Car l’ambition n’est pas le seul apanage des humains, les grosses unités centrales n’en sont pas dépourvues, chacune cherchant à dominer ses consœurs en absorbant les mémoires des robots, les transformant en simples exécutants, les facettes. Les deux dernières, Cissus et Virgil, se livrent une guerre sans merci pour la mainmise sur la planète. Les robots libres fuient, trouvant refuge dans l’océan de rouille, une vaste décharge couvrant le nord du Middle West. Cette étendue désertique constitue le terrain d’un nouvel affrontement entre liberté et asservissement. Les armes en tout genre sont de sortie !

L’auteur explique en fil rouge comment les événements se sont déroulés pour en arriver là. C’est clair et effrayant à la fois, cela apparaissait aussi inéluctable tant l’humanité est divisée et nombriliste. Pour autant, Fragile se souvient avec émotion du passé, de l’avant-guerre. Quand la fin approche, elle revient à cette période heureuse où la coexistence était possible.
Le début s’avère troublant, car il faut s’habituer au contexte. Au fur et à mesure, le regard sur les personnages change, exit les machines. En effet, leurs motivations et réactions sont si proches des nôtres que nous les jugeons rapidement comme nos alter-egos. Fragile souffre, décline, a besoin de soins sous peine de mourir... Elle est lancée dans un combat pour la vie et la liberté, n’envisageant pas l’une sans l’autre. Dans « Un océan de rouille », elle se lance dans un baroud d’honneur, comprenant que la solitude et l’égoïsme ne sont pas les seules voies. Elle s’ouvre sur les autres, rumine le fil des événements qui les ont conduits là, comment les robots ont remplacé les humains et pas forcément en bien. Son regard est très critique, non dénué de philosophie. Et oui, de la réflexion émaille les pages grandement baignées de violence, car la survie est à ce prix.

Ce roman fait étalage de muscles ou plutôt de servomoteurs, blindages épais, armes en tout genre et de tous calibres. Ça défouraille sec, les robots tombent à tour de bras, la plupart étant des Terminators en puissance. Même « Mad Max » s’invite au programme ! Une énergie furieuse se dégage du récit faisant la part belle à l’héroïsme. Par moments, on se croirait dans un western dans lequel la rue centrale est le lieu d’âpres fusillades, seuls les acteurs changeant, capables de plus grands exploits. La démesure de mise est en accord avec le changement d’espèces dominantes. C. Robert Cargill évolue sur le fil, il réussit à ne pas décrocher les lecteurs en en faisant trop et emporte tout dans son passage.

Porté par une personnage centrale attachante - et c’était pas gagné au départ ! -, « Un océan de rouille » dégage l’énergie d’une bombe écrasant tout sous son souffle. Robot ou humain, seule la dénomination change, tant les comportements se ressemblent. Inspiré par des marqueurs forts tels « Terminator », « Mad Max »... C. Robert Cargill combine à merveille action et réflexion dans une histoire du futur effrayante. Le lecteur en sort sans voix, assommé par cette violence montant crescendo, à la mesure des intérêts en jeu.
Peut-être extrême, mais qu’est-ce que c’est bon !


Titre : Un océan de rouille (Sea of Rust, 2017)
Auteur : C. Robert Cargill
Illustration de couverture : Aurélien Police
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Florence Dolisi
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 382
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : janvier 2020
ISBN : 9782226442192
Prix : 21,90 €


Autres livres de la collection sur la Yozone :
- « Mage de bataille, tome 1 » de Peter A. Flannery
- « American Elsewhere » de Robert Jackson Bennett
- « Les étoiles sont légion » de Kameron Hurley
- « La cité de l’orque » de Sam J. Miller
- « Terminus » de Tom Sweterlitsch
- « Le chant mortel du soleil » de Franck Ferric
- « Une cosmologie de monstres » de Shaun Hamill
- « La fleur de Dieu », tome 1, tome 2 et tome 3 de Jean-Michel Ré

Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
29 mars 2020


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