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Signal (Le)
Maxime Chattam
Pocket, thriller / épouvante, février 2020, 906 pages, 9,95 €

À l’évidence, Maxime Chattam marche en terrain connu. Les récits d’enfants courageux luttant contre une menace insidieuse et surnaturelle pourraient être considérés comme une branche vivace de la littérature fantastique. Des romans comme « Ça » de Stephen King et « Nuit d’été » de Dan Simmons comptent parmi les ouvrages les plus connus sur cette thématique, à laquelle Maxime Chattam s’était attaqué une première fois à ses débuts avec « Le 5ème régne », alors sous le nom de Maxime Williams. Le voici qui revient, plus ouvertement, plus ostensiblement, plus longuement, sur les traces du maître de Bangor.



La famille Spencer quitte le chaos de la grande ville pour s’installer dans la paisible bourgade de Mahingan Falls. Le chef de famille est écrivain, et la maman, ex-star de télévision, vient travailler à la radio locale. Ils ont une fille de deux ans, un fils de treize ans, et un neveu adopté à la mort de ses parents. Une famille unie, des voisins charmants, des amis pour les enfants, une vie provinciale qui s’annonce agréable. Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais des ombres viennent rapidement se glisser dans le tableau. Une jeune baby-sitter disparaît. La police locale enquête sur des morts vraiment bizarres. Les enfants sont confrontés à des évènements terrifiants. Et ce ne sont là que les premiers frémissements, les signes annonciateurs d’une horreur qui menace de s’abattre sur Mahingan Falls.

On connaît Maxime Chattam depuis ses débuts, avec une stratégie très simple qu’il utilise le plus souvent avec succès : prendre tout ce qui marche dans un genre, le passer au mixeur et en faire un roman qui certes sent le déjà-vu, mais fonctionne. Ainsi de ses premiers thrillers, à base du Kay Scarpetta de Patricia Cornwell et du sérial-killer façon Thomas Harris qui étaient alors au sommet des ventes. En se lançant dans l’horrifique, il ne prend pas de gants : ici du Stephen King, là du Stephen King, ailleurs encore du Stephen King. Si bien que l’on a l’impression de tenir entre ses mains un ouvrage du maître de Bangor que l’on aurait déjà lu mais partiellement oublié.

« Cela fait plusieurs semaines que je m’interroge. Les pendules s’affolent, les cartes donnent des tirages insensés, et mes tentatives de communication avec les plans parallèles n’ont jamais été aussi démonstratives. Je suis peut-être une vieille femme un peu originale, mais il y a des disparitions et des morts qui ne s’expliquent pas. »

Il y a bien ici et là quelques références lovecraftiennes (un personnage enseigne à l’université Miskatonic, un autre est à l’asile psychiatrique d’Arkham), mais c’est l’ombre du King qui partout domine. Même technique narrative, même description naturaliste, ad libitum, sinon ad nauseam, des personnages et de leur existence, ancrage maximum dans le quotidien. Même mélange du prosaïque et du fantastique, avec une préférence marquée pour ce qui a déjà été utilisé, encore et encore : les massacres d’indiens, le wendigo, la maison hantée, le cimetière abandonné, les champs de maïs avec épouvantails tueurs, la voyante, l’asile psychiatrique, les archives, la bibliothèque, les souterrains, le chien, la baby-sitter, les problèmes de divorce des flics, tout y passe. Maxime Chattam se permet même une fin mêlant fantastique et science, un peu rétrofuturiste, qui fait inévitablement penser à Stephen King et à son électricité parallèle décrite dans « Revival » – une fin amenée de manière suffisamment progressive pour ne pas rompre la suspension d’incrédulité. On ne peut, il est vrai, dénier à Maxime Chattam une habileté certaine à mêler ces éléments et à construire une histoire qui se tient, par exemple en réussissant, à l’époque contemporaine du tout connecté, à couper un moment du monde, de manière crédible, la ville de Mahingan Falls. Et à réussir, ici et là, à faire frissonner le lecteur, selon la loi immuable qui veut que l’on y parvienne le mieux là où l’on en rajoute le moins, comme cette scène très sobre mais réellement effrayante qui se déroule dans le lycée, et qui, en toute subjectivité nous semble bien plus efficace que des passages plus chargés.

« Deux des ombres giclèrent de la file, plus rapides qu’une flèche, et elles bouillonnèrent en prenant une consistance plus épaisse, comme pour devenir réelles avant de le soulever pour l’attirer vers ce qui leur servait de gueule, un crâne nébuleux, comme déformé par deux gravités opposées. »

Pour autant, le roman n’est pas exempt de défauts. Le chapitre 30, façon spaghetti, vient en rupture complète de ton avec le reste du roman. On note ici et là des comparaisons discutables, une prose passe-partout, parfois approximative (nul besoin d’être expert en armes pour être heurté par une « mitraillette automatique », ou en anatomie pour tiquer devant des « hanches dévissées », on s’étonne tout de même d’une flamme qui « feule en chevrotant » et l’on pourra discuter bien des erreurs lexicales.) L’auteur ne semble pas avoir compris que le vocabulaire familier peut être utilisé par un personnage mais pas par le narrateur omniscient (ruinant ainsi l’effet terrifiant du chapitre dans le champ de maïs), et certains paragraphes, objectivement bâclés, donnent l’impression d’avoir été écrits par un amateur (notamment dans le chapitre 71 qui au contraire aurait dû être particulièrement soigné dans son ambition de paroxysme). Et pour revenir à la comparaison avec le maître de Bangor, l’auteur va imiter jusqu’à ses défauts, avec sans doute deux cents pages de trop sur les neufs cents que compte l’édition de poche.

Malgré ces limites, on aurait tort de faire la fine bouche. Dans l’ensemble, Maxime Chattam non seulement réussit son pari, mais fait mieux que la plupart des imitateurs anglo-saxons du maître de Bangor. Ce « Signal », c’est un roman dans la lecture duquel on s’installe, comme lorsque l’on prend place dans une salle de cinéma pour regarder un honnête série B : on sait à l’avance que l’on ne sortira jamais vraiment des sentiers balisés du genre, mais que si l’on est bon public on se laissera captiver, et que l’on aura droit au lot requis d’ambiances, d’évènements et de péripéties. Notons, pour finir, que pour cette incursion de Maxime Chattam sur les terres de l’horreur moderne, les éditions Pocket, avec une couverture sobre ornée d’un dessin au trait en texture argentée, un fond noir, des tranches noires, une carte de la ville, et un liséré intérieur noir des pages, ont réalisé un livre de poche particulièrement soigné.


Titre : Le Signal
Auteurs : Maxime Chattam
Couverture : Olivier Sanfilippo / Philippe Narcisse
Éditeur : Pocket, 2019)
Site Internet : page roman
Pages : 907
Format (en cm) : 17,5 x 11 x 4
Dépôt légal : février 2020
ISBN : 9782266269100
Prix : 9,95 €


Maxime Chattam sur la Yozone :

- La Conjuration primitive
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Hilaire Alrune
1er mai 2020


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