Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Entretien exclusif avec Virginia Schilli

Juin 2006

Virginia Schilli est l’auteur de « Par le Sang du Démon » paru chez Nuit d’Avril.
Rencontre avec une auteure qui aime ce qu’elle fait et veut le faire savoir.



Fiche sur le roman ici.

Pouvez-vous nous dire quelque chose sur vous-même, votre passé ? Qui êtes-vous ?

J’ai 22 ans, je suis originaire de la région de Metz et je vis désormais près de Toulouse. Je m’intéresse de près à la littérature fantastique depuis une huitaine d’années. Avant, j’écrivais surtout des textes courts sur la mort, la mienne en particulier.
Qui je suis ? Je n’en sais rien. Un grand écrivain en devenir, j’espère ! Je n’ai pas beaucoup de recul par rapport à ma vie. Je n’éprouve de l’intérêt pour mon existence que depuis quelques mois. Auparavant, j’étais plutôt une ombre qui rasait les murs en attendant que les chaînes se brisent d’elles-mêmes. On me faisait sentir que j’avais des fils qui se touchaient, que j’étais à part. Depuis que j’ai rencontré les bonnes personnes et compris qu’il faut oser s’affirmer, je suis devenue Virginia Schilli.

Votre roman s’intéresse au mythe des Vampires. Qu’est-ce qui vous attire chez eux ?

Je suppose que c’est leur incroyable liberté d’action qui m’a attirée, en contraste avec le carcan dans lequel j’ai longtemps été enfermée. Quand on se sent différent par la mentalité et les aspirations mais que la pression sociale vous force à tout intérioriser, il ne reste que l’imagination comme soupape. Le vampire est un prédateur, l’humain est sa proie. Si j’avais eu à choisir, j’aurais intégré le premier groupe sans hésitation !
De cette période où l’on se moquait de moi parce que j’écrivais au lieu de frayer, j’ai gardé une animosité tenace envers le genre humain. Normal donc que j’éprouve de l’admiration pour des créatures qui auraient pu rabattre le caquet à tous ces cons, jeunes ou vieux, qui me tançaient en me répétant que je n’arriverais à rien !

Pourquoi le vampire est-il toujours un être malfaisant, sombre, hors norme ?

Est-ce vraiment le cas ? Je n’ai pas la science infuse, mais je suis sûre qu’il doit bien exister quelque part un buveur de sang qui n’est pas malfaisant, ni sombre ou hors norme. Les vampires tuent pour survivre, ce que nous faisons également, donc ça n’a en soi rien de monstrueux.
En ce qui concerne mes personnages plus particulièrement, j’ai choisi l’angle de la violence et de la solitude dans le but d’exorciser mes propres peines. Par le sang du démon n’est pas seulement un roman rédigé pour passer le temps. L’écrire a été un incroyable défouloir ! J’y ai réglé mes comptes avec beaucoup de personnes sans leur causer du tort, ce qui est très pratique quand on a, tout comme moi l’habitude, d’être compris de travers. Les situations auxquelles Anders doit faire face sont bien évidemment romancées et amplifiées, mais elles sont très fortement inspirées de mes expériences, de mes blessures. Alors, si moi-même je me considère comme malfaisante, sombre ou hors norme, mes protagonistes doivent refléter cela.

JPEG - 11.6 ko

Le vampire doit-il obligatoirement vivre sa vie seul ?

Le vampire est, selon ma vision, un humain aux passions démesurées. Il doit donc affronter ce qui nous guette tous, simples humains aux sentiments terre-à-terre : le désir, l’amour, la trahison, la rupture et la désillusion, dans le meilleur des cas. Donc il se peut que, comme tout un chacun, le buveur de sang se fasse entuber par ses amis ou amants et traverse une période de solitude plus ou moins longue. Je pense que beaucoup de pauvres mortels tels que moi connaissent bien cette spirale immuable. Cela n’est vraiment pas de la science-fiction, c’est juste la vie !

Vous apportez une touche toute personnelle au Mythe en transportant l’âme de votre héroïne dans le corps de son « bourreau ». Comment vous est venue cette idée ?

Encore une fois, d’une aspiration personnelle. Je me suis toujours demandé à quoi je pourrais bien ressembler si j’étais un homme et j’ai longtemps souhaité ne pas être une fille (non, je n’ai pas prévu d’opération chirurgicale pour autant !). Mon héroïne vit la même chose, connaît les mêmes angoisses que j’ai pu affronter à seize ans. Mais là, comme je suis le maître du jeu, j’ai pu pousser l’expérience interdite jusqu’au bout. Cela n’était pas dans le but de renforcer l’intrigue. Au contraire, cela risquait de la rendre confuse et j’aurais été prête à renoncer à cette dimension si je n’avais pas eu assez de talent pour rendre la transformation crédible. Par le sang du démon est un roman très dense, surtout quand on sait que j’y ai concentré dix-huit ans de frustrations et de questionnements !

Vous croyez que les vampires peuvent encore évoluer ?

Pourquoi pas ? J’essaie moi-même d’en explorer une nouvelle facette dans la suite de mon roman, Délivre-nous du mal (à paraître). D’ici à ce que ma carrière s’achève, j’aurais certainement d’autres écrits vampiriques à mon actif et mon but n’est pas de faire du réchauffé. Une part d’évolution viendra donc de moi, si tout va bien. Après, les autres feront ce qu’ils veulent.

Que pensez-vous des derniers films sur les vampires comme celui de Coppola ou les Blade ?

J’ai vu les Blade mais pas Coppola. Je connais également les Underworld. Mais ma préférence va à la magnifique adaptation d’Entretien avec un Vampire par Neil Jordan. Le but des Blade et consorts n’est pas tellement de faire dans le profond, mais dans le grand spectacle, ce qu’ils réussissent parfaitement. Mais bon, personnellement, je trouve plus de mérite à une personne seule qui parvient à me faire rêver au moyen d’une plume et d’une page blanche qu’à des blockbusters convenus aux budgets effets spéciaux hallucinants.

J’ai choisi l’angle de la violence et de la solitude dans le but d’exorciser mes propres peines.

Comment travaillez-vous ? Ecrire est-il votre profession ? Quelles sont vos passions dans la vie ?

En général, je travaille sur des feuilles volantes que je remanie plus tard sur mon ordinateur. Je peux aussi bien écrire à mon bureau que dehors, avec une planche. Les positions inconfortables me donnent de l’inspiration ! Il m’est par exemple arrivé de réaliser des passages entiers de Délivre-nous du mal alors que j’étais dehors sous une pluie battante, à travailler dans un parc d’attractions miteux pour financer mes études ! Ma capacité d’abstraction m’a bien servi, durant ces moments de stress et de solitude.
Ecrire est effectivement ma profession depuis quelques mois. J’ai connu une intense période de remise en question, qui m’a fait aboutir à l’arrêt de mes études au niveau Master. J’aimerais surtout pouvoir faire de la traduction littéraire, notamment de romans anglo-saxons de fantasy et fantastique.
Hormis l’écriture, disons que mes passions sont le dessin, le shopping, fureter partout pour agrandir ma bibliothèque d’ouvrages fantastiques. J’ai un besoin pathologique de m’entourer de possessions matérielles. Comme beaucoup de gens, j’adore la musique, en particulier le rock alternatif et différentes sortes de métal. J’adore un certain nombre de groupes mais le seul auquel je voue un culte restera toujours Tool (auquel j’ai d’ailleurs rendu hommage d’une certaine manière dans Par le sang du démon). Je compte sur mon homme pour m’apprendre à jouer d’un instrument. On pourrait penser que je m’éparpille, mais je suis sûre que tout cela enrichit énormément mon écriture.

Pourquoi le Fantastique ?

J’écris du fantastique car c’est avec ce genre littéraire que j’ai pu m’évader à de nombreuses reprises, bien plus qu’avec des romans de littérature générale. Quand j’ai commencé à aller mieux et à pouvoir transcrire mes émotions négatives par des mots, c’est un roman vampirique très noir et sanglant qui m’est venu. Je reste fidèle à la littérature de l’imaginaire car elle me permet de poser des mondes que je contrôle, où personne d’autre n’aura rien à dire. Je me fais plaisir quand j’écris. Le jour où je n’éprouverais plus cette fièvre, il vaudra mieux que j’arrête.

Que pensez-vous des romans de Bram Stoker et de Anne Rice ?

J’ai découvert et dévoré Anne Rice bien avant Bram Stocker. De ce dernier, je n’ai lu Dracula que l’année passée. Je dois avouer que je n’ai pas accroché. C’est un livre qui s’est révélé novateur en son temps et qui a posé les bases de tout ce qui a été écrit ensuite sur les vampires, y compris mon propre roman, je dois bien le reconnaître. Mais je trouve le style trop statique et elliptique. Je préfère de loin Carmilla de Sheridan Le Fanu. Quant à Anne Rice, à travers sa Reine des damnées, je lui dois ma passion soudaine pour les vampires. J’aimerais cependant que l’on cesse de me comparer à elle, dans la mesure où je ne suis pas une adepte béate de ses romans les plus récents. D’une manière générale, je ne suis pas une adepte des suites à rallonge et je trouve qu’elle profite un peu trop de son succès. Je me suis juré de savoir m’arrêter.

Quels sont pour vous les livres incontournables sur le mythe des vampires et pourquoi ?

Je ne sais pas, je n’ai pas la prétention de tous les connaître. Et pour vous faire une confidence, je possède pas mal de livres sans encore les avoir lus, car lorsque je suis moi-même dans une période d’écriture, je préfère ne pas risquer d’être influencée. Je compte sur la seule relecture de mes écrits pour me distraire, ce qui est en même temps un bon test de qualité !
Je peux dire que j’ai apprécié Lestat le vampire d’Anne Rice, on y apprend les origines de ce personnage que tout le monde pense connaître. Les trois tomes du Cycle de la Mort Rouge de Robert Weinberg sont extrêmement distrayants et fluides, ainsi qu’Anno Dracula de Kim Newman, où l’auteur propose une ré-écriture de ce mythe à la sauce moderne. Ces derniers temps, je penche plutôt vers des supports tels que les mangas (Hellsing de Kohta Hirano) et les bandes dessinées, Requiem, chevalier vampire de Pat Mills et Olivier Ledroit en tête, pour les dessins éblouissants. J’ai aussi adoré l’album de Pascal Croci sur Dracula qui, par le biais d’illustrations sombres et élégantes, nous fait découvrir ce mythe sous un autre angle.

Pourquoi écrivez-vous ? Quel est selon vous le rôle de l’écrivain dans notre société ?

J’écris parce que c’est la seule façon que j’ai de me défouler sans blesser quiconque et parce que j’ai pris l’habitude de m’évader du quotidien par ce biais. Le geste d’écriture m’est devenu indispensable, même si désormais ma vie est aussi agréable qu’on puisse le souhaiter. Pour ma part, je ne m’inscris pas dans une démarche de protestation, je ne tends pas à ce que l’on m’attribue un rôle autre que celui de divertir les gens.

Considérez-vous la science-fiction comme une autre sorte de littérature que le mainstream ?

Je suppose que, pour des raisons pratiques, il est indispensable de classer la littérature en différents genres. Cela ne date pas d’hier. Du moment effectivement que l’on considère ce que je fais comme de la littérature, je suis flattée. Mais je suppose que l’on ne retrouvera pas souvent un Par le sang du démon entre Eugénie Grandet et Germinal. Je ne serais par contre pas contente si l’on assimilait mon travail à ces pseudo autobiographies de personnalités de la télé-réalité, qui fleurissent en librairies. Cela me fait vomir, quand on pense que tant d’auteurs mettent toutes leurs tripes dans des livres qui resteront mal connus alors que ces daubes s’écoulent à des dizaines de milliers d’exemplaires.

Qu’aimez-vous à propos de l’écriture ?

Le geste tout d’abord. L’odeur de l’encre et du papier. Arriver à un assemblage cohérent de scènes et d’idées après des mois de labeur est aussi très gratifiant. Je regrette simplement de ne plus pouvoir ensuite redécouvrir mes écrits avec un œil neuf. Si c’était le cas, je pense que je figurerais au moins dans mes cinq auteurs favoris (et tant pis pour la modestie) !

Quel est votre écrivain-SF préféré ?

En ce moment, Greg Keyes.

Quel est votre écrivain hors SF préféré ?

Oscar Wilde.

Quel est votre roman SF préféré ?

Le choix est bien trop difficile pour une réponse catégorique ! Je dévore des romans fantastiques depuis que j’ai 13 ans, alors ça représente un paquet ! Ma réponse varie au fur et à mesure de mes découvertes. Il y a quelques années, j’aurais cité La Reine des Damnés ou Le Sang et l’Or d’Anne Rice. Pour le moment, si je devais n’en garder qu’un, ça serait Le Roi de Bruyère de Greg Keyes. Ou Légende de David Gemmell. Vous voyez, c’est impossible de trancher.

Quel est votre roman hors SF préféré ?

La Divine Comédie de Dante.

Quel est votre film SF préféré ?

Tous les Tim Burton en général, Edward aux mains d’argent en particulier. J’éprouve beaucoup d’empathie pour ce personnage depuis que je suis petite. En grandissant, je me suis trouvé pas mal de points communs avec lui.

Quel est votre film hors SF préféré ?

Billy Elliot et Moulin Rouge sont ex æquo.

Votre principal trait de caractère ?

Je suis assez négative, mais est-ce un trait de caractère ? Je ne peux dire qu’une chose : je suis tout et son contraire.

Quelles choses vous énervent ?

L’inconséquence, l’hypocrisie, l’indécision et la négligence chez les personnes. Entendre crier est un truc qui me hérisse également.

En dehors de l’écriture, quels sont vos hobbies ?

En dehors de tout ce que j’ai déjà cité précédemment, j’aime aussi m’occuper de mes animaux. Ils tiennent une place particulière dans mon existence, que peu de gens peuvent saisir. Je ne les considère pas comme des personnes, bien sûr, mais je n’arrive pas non plus à les considérer comme dépourvus de conscience et donc insignifiants. J’aime marcher et m’occuper de moi, de mon apparence.

Le don de la nature que vous aimeriez avoir ?

J’aimerais de grandes ailes pour voler. Elles auraient déjà pu me servir à plusieurs reprises.

Votre rêve de bonheur ?

La pérennisation de mes projets littéraires et de traduction. Une petite maison selon mes plans et surtout y vivre avec un compagnon et peut-être un enfant, tous en bonne santé. Sans cela, le succès ne me serait d’aucun soulagement.

Je reste fidèle à la littérature de l’imaginaire car elle me permet de poser des mondes que je contrôle.

JPEG - 32.7 ko


Vos héros dans la vie réelle ?

Dans la vie réelle ? Je ne vois personne, désolée. Si l’héroïsme consiste à se comporter avec bravoure, dans le déni de soi et l’altruisme toute son existence, je ne pense pas connaître quiconque qui soit ainsi. S’il suffit en revanche de montrer un peu de courage une seule fois dans sa vie, dans ce cas nous sommes tous des héros. Mais je ne juge personne.

Si vous deviez rencontrer le génie de la lampe magique, quels seraient les 3 voeux que vous formuleriez ?

Hé bien, comme pas mal de gens je pense, je souhaiterais en premier l’argent, puis le sexe à volonté ! Heureusement, j’ai déjà la moitié de mes vœux les plus chers ! En troisième, je voudrais pouvoir choisir ma mort et le moment où elle interviendrait.

Pouvez-vous nous dire, 5 choses que vous aimez et 5 choses que vous n’aimez pas ?

Cinq choses que j’aime : les livres fantastiques, le café, acheter des vêtements, les bougies parfumées et me laver les cheveux. J’aurais bien cité en premier mon homme et mes animaux, mais ce ne sont pas des choses, donc j’ai évité !
Cinq choses que je n’aime pas : la cruauté sur les animaux, le laxisme envers les criminels sexuels, le fait que personne ne se bouge le cul pour enrayer le réchauffement climatique, les bananes et la vulgarité, quand elle est récurrente chez quelqu’un et érigée en mode de vie.

Et la question classique : quels sont vos projets d’avenir ?

Dans l’immédiat, je peaufine la suite de Par le sang du démon. Parallèlement, je travaille sur quelques nouvelles d’horreur et de fantastique qui me permettront un jour prochain de proposer un recueil à mon éditeur. J’ai également un projet sérieux de collaboration sur une bande dessinée fantastique. Enfin, j’ai plusieurs romans en cours, toujours dans les genres de l’imaginaire, mais assez différents de ce que j’ai pu faire dans Par le sang du démon.

Contacts :
http://thewreckageofmysoul.free.fr
http://www.myspace.com/virginiaschilli


28 juin 2006


JPEG - 12.7 ko
Virginia Schilli



JPEG - 11.2 ko
Par le sang du démon (Éd. Nuit d’Avril)



Chargement...
WebAnalytics