D’emblée, il me faut reconnaître que je n’ai pas retrouvé le souffle des deux premiers tomes qui emportaient le lecteur dans leur sillage. « Cosmos incarné » s’avère plus brouillon et verse dans le mysticisme. L’ancien monde n’est plus, un nouvel ordre doit renaître du chaos. Tous les protagonistes sont au cœur d’un vaste plan. On comprend que la société actuelle est vouée à l’effondrement et que seul un petit nombre repartant quasi de zéro peut redonner à l’humanité un sens. Grâce à l’Enfant, tout est possible. Le présent et l’avenir se fondent l’un dans l’autre.
Jean-Michel Ré multiplie les scènes avec le Seigneur de Latroce, que ce soit lui ou un de ses nombreux clones.Quel est le vrai dans tout ça ? Seules la haine et la violence semblent l’animer, il sème le chaos, mais sans rien proposer. L’Enfant revient aussi à plusieurs reprises dans des situations quasi identiques : gens déplacés à qui il explique le pourquoi, ce qu’il faudra faire... Ces répétitions donnent une impression d’échos, comme si la même chose se répétait sans cesse, mais en perdant de sa consistance au fur et à mesure. Au bout d’un moment, la sensation de tourner en rond prédomine, le récit verse dans un mysticisme dont les précédents tomes portaient les germes, mais que l’action contrebalançait. Là, elle se résume à quelques incartades gratuites (tortures, combats rapprochés) et surtout la vie ne signifie plus grand-chose, car il s’agit la plupart de temps de clones interchangeables à l’infini. De même, la multiplicité des personnages évoque un vaste fouillis, car la plupart ne diffèrent en rien des autres.
« Cosmos incarné » débouche sur un nouveau départ, une nouvelle chance offerte à une infime part de l’humanité qui porte en elle l’espoir d’un avenir meilleur, sans que l’ancien monde ne meurt totalement. Un Dieu visible lui est offert en pâture. La fin m’a laissé dubitatif, d’ailleurs la majorité du déroulement de ce troisième roman, l’imaginaire de l’auteur aurait demandé à être plus canalisé et l’utilisation de temps à autre de la première personne du singulier plus claire. Dans la chronique de « La Fleur de Dieu », j’ai évoqué le parallèle avec « Dune » de Frank Herbert et là, « Cosmos incarné » me fait penser à « Le messie de Dune » celui que j’ai lu ébloui par ce qui précédait et pour lequel mon intérêt s’est petit à petit effrité. Ici, le même sentiment prédomine. C’est très frustrant, car « Les portes célestes » offrait de belles promesses.
Pour autant, Jean-Michel Ré a mené son idée jusqu’au bout et l’existence de trois tomes s’explique en partie. Il n’y a vraiment aucun regret à avoir après lecture de cette histoire du futur à la vaste envergure, car le lecteur en prend plein la vue tout du long. Le glossaire est à nouveau très imposant et développe les divers concepts rencontrés au cours du récit. Rien que l’entrée de chaque chapitre montre la maestria de l’auteur qui a mûrement pensé cet avenir.
Même si le mysticisme trop présent de « Cosmos incarné » peine à convaincre, prise dans son ensemble, « La Fleur de Dieu » en impose par son épaisseur et sa consistance. L’univers ébauché est si vaste, si fouillé que Jean-Michel Ré peut tranquillement y revenir à nouveau sans l’épuiser. Et je signe de suite pour le lire à nouveau.
Titre : Cosmos incarné
Série : La fleur de Dieu, tome 3
Auteur : Jean-Michel Ré
Illustration de couverture : Pascal Casolari
Éditeur : Albin Michel
Collection : Albin Michel Imaginaire
Directeur de collection : Gilles Dumay
Sites Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 270
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : février 2020
ISBN : 9782226442383
Prix : 19,90 €
Également sur la Yozone :
le tome 1 de « La fleur de Dieu »
le tome 2 de « La fleur de Dieu »
Autres livres de la collection sur la Yozone :
« Mage de bataille, tome 1 » de Peter A. Flannery
« American Elsewhere » de Robert Jackson Bennett
« Les étoiles sont légion » de Kameron Hurley
« La cité de l’orque » de Sam J. Miller
« Terminus » de Tom Sweterlitsch
« Le chant mortel du soleil » de Franck Ferric
« Une cosmologie de monstres » de Shaun Hamill
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