(relire la chronique du tome 1 : « l’ordre des revenants »)

Les seconds tomes sont souvent des moments charnières, où l’univers prend son envol et les péripéties mettent en place les éléments indispensables au grand finale du dernier volume. Ils en sont donc parfois un peu bancals. « De vieux ennemis » n’échappe pas à cette règle.
Après une double introduction « explosive » qui renverse les rôle de chasseur et de proie, l’action se resserre autour d’Elizabeth et Iseult, leur voyage en Italie, le cérémonial de l’Ordre autour de l’Ile des Morts, et leur retour agité puisqu’elles sont attaquées. Rentrées à Londres, l’enquête d’Elizabeth et de Turner les conduit rapidement à confronter W. S’il leur réchappe, c’est pour peu de temps : ils retrouvent sa trace et l’affronte sur un paquebot en pleine Manche.
Structurellement, c’est donc assez linéaire, les Revenants subissant, réagissant aux actes des Trompe-La-Mort qu’ils harcelaient précédemment.

On creuse le fonctionnement de l’Ordre. Elizabeth rencontre d’autres chefs de Cellule, comme le Français Lattès, ancien mousquetaire, et Cortés, le conquistador ayant massacré les Aztèques. L’auteur détourne adroitement l’Histoire pour donner à ces événements une raison surnaturelle, et bien figurer les deux camps qui s’affrontent politiquement dans l’Ordre : les partisans du travail dans l’ombre et les jusqu’au-boutistes prêts à décimer des innocents. Les attentats dont les Revenants sont victimes apportent de l’eau au moulin des radicaux, et même si le discours de Cortés est un peu trop cousu de fil blanc, même en littérature jeunesse, il est en écho avec la politique du XXIe siècle : un populisme séduisant, extrémiste, sans retour en arrière possible, présenté comme seule alternative aux problèmes actuels.
La politique est très contestée, avec un chambellan, le premier doge de la ville, contesté par Cortés, et un Charon inaccessible, dont W se sert pour faire douter Elizabeth sur l’identité du vrai maître de l’ordre. Si le quotidien de la jeune femme avait retrouvé une nouvelle routine, cette dimension politique tortueuse la pousse à interroger son nouveau rôle de Revenante et sa fidélité à Charon et Iseult.

L’identité de W est un petit coup de théâtre un brin exagéré, puisque le méchant occupe le corps pourrissant d’un personnage croisé dans le premier tome, ce qui déconcerte suffisamment Elizabeth pour lui permettre de lui échapper. Paradoxalement, cela renforcera la conviction de la jeune Revenante à leur 2e rencontre, sur le paquebot. Notons que cette dernière partie, très marquée par l’aventure, pâtit d’un phénoménal faux raccord page 294 : Turner et Elizabeth sont censés être à deux endroits différents, mais le suspect intercepté par Turner reconnaît Elizabeth ! Fort dommage, en sus de quelques scories typographiques dont un difficilement pardonnable S final à Jules Verne à deux reprises.

Renversement de l’ordre des choses, politique de couloirs, alliances, trahisons, et aventures tambour battant, « Au service de sa Majesté la Mort - De Vieux Ennemis » se lit avec plaisir, malgré sa structure plus hachée et certains rebondissements attendus, grâce à un univers toujours captivant, des révélations bien amenées et un bon dosage entre réalisme historique et mécanismes littéraires.

Toujours très belle couverture de Sébastien Pelon.
Conclusion « De l’autre côté de la faux » !

Titre : De vieux ennemis
Série : Au service de sa majesté la mort, tome 2
Auteur : Julien Hervieux
Couverture : Sébastien Pelon
Éditeur : Castelmore
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 312
Format (en cm) : 21 x 14 x 2,2
Dépôt légal : février 2019
ISBN : 9782362314995
Prix : 14,90 €

Au service de Sa Majesté la Mort :
1 - L’ordre des Revenants
2 - De Vieux Ennemis
3 - De l’autre côté de la Faux