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Ravel, un imaginaire musical
Guillaume Métayer, Karol Beffa et Aleksi Cavaillez,
Seuil Delcourt

1936. Ravel entreprend de conter son histoire à son fidèle ami et disciple Roland-Manuel. On assiste à la création de Gaspard de la nuit, de Daphnis et Chloé, du Concerto pour la main gauche et du Boléro. Le musicien se lance dans une évocation bigarrée de sa vie, tissée d’amitiés indéfectibles et de fulgurances musicales, où l’on croise Debussy, Fauré, Ida Rubinstein ou Colette....



C’est sur le mode du journal que Guillaume Métayer et Karol Beffa abordent cette bande dessinée sur Maurice Ravel. Le journal des rencontres du compositeur avec son ami, disciple et biographe Roland-Manuel, qu’il avait invité à venir le voir chez lui, au Belvédère à Montfort-L’Amaury, avant que sa mémoire ne le lâche. Rencontres au cours desquelles le plus célèbre des compositeurs de musique classique français revient sur les moments marquants de sa vie et de son oeuvre. Souvenirs qui émergent alors sur la page comme un nuage qui l’entoure.

En effet, « Ravel, un imaginaire musical » n’est pas une biographie retraçant l’ensemble de la vie du compositeur, mais l’évocation des moments marquants de sa vie qui permettent d’expliquer son œuvre. Né entre le Pays basque et l’Espagne où son père est ingénieur dans les chemins de fer, il cherchera toute sa vie à retrouver l’émerveillement de l’enfant découvrant les sons d’un piano. Et même si sa famille s’installe à Paris alors qu’il est âgé de 3 mois, sa mère basque va lui transmettre sa passion de la musique tandis que alors que son père, d’origine suisse savoyarde, lui transmet la rigueur pour la composition et l’invention.
Loin des stéréotypes, Ravel n’est pas un génie torturé. Il a une enfance puis une vie heureuse. Pour lui, « la joie est plus fertile que la souffrance. »

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Cette recherche des origines et de la formation du génie musical est intéressante mais parfois didactique. On découvre les différents compositeurs qui ont marqué le style de Maurice Ravel. Sa rencontre, grâce à son père, avec Erik Satie à l’âge de 19 ans le confronte à l’avant-garde mais aussi à la musique du Moyen-âge.
Il met en valeur ses professeurs du Conservatoire. Le compositeur Gabriel Fauré lui enseigne la liberté et l’introduit dans la vie mondaine. On sort de la simple dissertation de musicologie en découvrant ce milieu artistique. Le jeune Maurice Ravel rencontre Colette et Debussy, Isadora Duncan. Il devient ami avec Stravinski
Il s’intègre dans ce petit milieu très fermé de dandys qui défendent la modernité même s’il s’y présente comme un « apache », un sauvage qui bouscule les conventions.
Durant l’entre-deux-guerres, Ravel fréquente le cabaret « Le Bœuf sur le Toit » où il rencontre Picasso, Cocteau ou encore Max Jacob
« Ravel, un imaginaire musical » est la galerie d’une époque. Les dialogues sont très écrits – Paris est « la nouvelle Athènes » - mais parfois convenus presque compassés. Est-ce voulu pour montrer l’aspect bourgeois de Ravel ? On a parfois du mal à y croire – le jeune artiste lit Maeterlinck vers 10 ans.
Le récit n’enjolive pas sa vie. L’instrument n’est pour lui qu’un moyen d’accéder à la composition. Sa première représentation suscite sifflets et applaudissements. Ravel dénigre ses premières œuvres. Des aspects plus sombres émergent au fil du récit. Lors de la Première guerre mondiale, il est rejeté de l’armée en raison de sa maigreur. Ayant une vision romantique et nationaliste de la guerre, il s’engage comme ambulancier. L’horreur de Verdun, s’ajoutant au choc de la mort de sa mère en 1817, il ne dort plus et perd l’envie de composer. Il remonte la pente en se reliant au passé de la Renaissance.
La guerre apporte une gravité dans sa musique. On ne trouve cependant rien sur sa vie sentimentale. Ravel répond que sa « seule maîtresse c’est la musique. »
Le lecteur comprend l’origine de ses compositions. Ce sont parfois des cadeaux à des amis ou pour leurs enfants. Ravel ne pense pas seulement en terme de musique. Il est aussi très inspiré par la poésie. Son but est de « bâtir des architectures éphémères » et transmet même sa méthode de composition : après de longues périodes de méditations muettes, il couche sur papier rapidement les esquisses, chaque pièce est un jeu avec ses contraintes, comme sa pièce pour piano à cinq mains.
Comme tous les compositeurs, il déteste les interprètes qui prennent des libertés avec ses partitions. Engagé, il refuse la légion d’honneur et ses Chansons madécasses sont une œuvre anticolonialiste.
La richesse de ces informations découle des personnalités des scénaristes. Karol Beffa est en effet compositeur et pianiste, tandis que Guillaume Métayer est universitaire, poète et traducteur.

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Dans la Coda, des bonus enrichissent la BD, finalement assez courte.
La couleur apparaît avec la lettre de Roland-Manuel. Aleksi Cavaillez, qui signe ici sa première bande dessinée, humanise le personnage en rappelant que c’était un amateur de Mode et de bonne chair. Sourd mais passionné de musique, Aleksi Cavaillez a suivi le groupe Fauve. Dans un texte émouvant en bonus, il explique son rapport à la musique. Son style graphique évoque Blutch par le contraste entre des coups de pinceaux bruts, pour le fond, et le crayon fin, pour le visage. Il n’y a pas de case mais des pleines pages structurées autour de différents espaces de dessin et de texte. Pourtant, la lecture est facile. Cavaillez intègre des copies de peinture de l’époque – “Le Lac” de Gabriel Deluc. Le choix du noir et blanc, hélas, renforce l’ambiance surannée créée par le texte.
Œuvre très documentée et agréable à lire, « Ravel, un imaginaire musical » donne envie d’écouter sa musique et de lire les poètes cités. La bibliographie et la sélection d’œuvres amplifient cette envie. On y apprend énormément mais l’organisation trop rigoureuse manque d’humanité et de fantaisie.


Ravel, un imaginaire musical
- Scénario  : Guillaume Métayer, Karol Beffa
- Dessin  : Aleksi Cavaillez
- Couleurs  : Noir et Blanc
- Editeur  : Delcourt
- Collection : Seuil - Delcourt
- Pagination  : 135 pages
- Format  : 20,2 x 26,5 cm
- Dépot légal  : août 2019
- Parution  : 21 août 2019
- Numéro ISBN  : 9782413013372
- Prix Public : 24,95€


Illustrations © Aleksi Cavaillez / Seuil - Delcourt



Corentin Grebert
15 octobre 2019




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