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Kaléidoscope
Marie Caillet
Castelmore, roman (France), fantastique, 280 pages, mai 2019, 14,90€

Temps difficile pour Naomi. Une 6e où elle a encaissé des brimades, un divorce de ses parents, la voilà qui débarque en Bourgogne, un Dijon loin de son Paris. Nouveau foyer, nouveau collège, nouveau départ ? Hélas, elle n’est pas aussi à l’aise que sa soeur aînée Sandra pour se faire des amis, et dès le premier jour, sa timidité maladive, sa crainte de voir l’an passé se répéter, la voient déjà mise à l’écart, pire, accolée à Makoto, le premier de la classe ostracisé.
Enchainant les crises, refusant l’amitié d’un beau-père fleuriste qui fait son possible pour être cool - et qui du coup en fait trop - sentant sa soeur s’éloigner d’elle, sa mère plus aussi présente, plus aussi patiente... Naomi parvient tout de même, en jouant un rôle, en luttant contre sa nature, à se lier à Marine, Chloé et Soumia. Mais elle est une pièce rapportée dans leur trio de longue date...
Aux vacances d’automne -une bouffée d’oxygène pour elle-, sa grand-mère, lui offre un étrange objet, une sorte de tube en argent avec une lentille de verre coloré, en lui assurant qu’il l’aidera, comme il l’a fait quant elle était petite. Mais elle ne doit s’en servir que quand personne ne la voit !
A travers le kaléidoscope, dans le secret de sa chambre, Naomi découvre des portes vers un monde fantastique, aussi effrayant qu’attirant.



Marie Caillet signe un très beau roman sur les affres de l’adolescence. Son héroïne, en souffrance - comme tant d’ados, car la loi du préau est violente - refuse ce déracinement qui ouvre le livre, dans un premier chapitre techniquement impeccable.
L’autrice égrène au moment venu les informations, une à une, avec une application soignée des méthodes de creative writing qui ont quelque peu douché mon enthousiasme.
Très appliqué, presque trop propre, le texte du roman peine à prendre son envol, sa liberté, sa respiration. A posteriori, je pense que c’est volontaire, et cela participe au partage de cette sensation d’oppression permanente que ressent Naomi, nulle, inutile, invisible... On découvre avec crainte l’univers magique qui se déploie en regardant dans le tube d’argent, cet autre côté de la lentille moins fou que celui d’Alice, mais plus sauvage, reflet de son âme.

Bien sûr, à fur et à mesure qu’elle « domestique » son pouvoir, elle va franchir les règles interdites : sortir l’objet de la sécurité de sa chambre ; l’emporter, tel un talisman, en classe, où les enseignants ne la ménagent pas plus que ses camarades ; enfin, l’utiliser à la vue d’autrui. Elle changera ainsi de regard sur Makoto, comprendra son malaise à lui aussi. Et se retrouvera tiraillé entre feux : tenter de réintégrer le groupe des filles cool, populaires, ou rester fidèle à son ami mis au ban ? Le paraître, ou la sincérité ? A quel prix ?
Dans ce jeu social sans pitié, on a parfois tendance à oublier que les personnages n’ont que 12-13 ans, et pas davantage, tant ils font preuve de complexité, de maturité dans leur introspection et de cruauté dans leurs rapports. Seule, à l’abri dans son monde, avec sa peluche Diego devenue véritable panthère, Naomi peut se permettre de retrouver une douceur enfantine,

Tout se dénoue dans les dernières pages. A contrario de son écriture très appliquée, son récit très structuré ne suit pas, en termes de pages, la grille habituelle. L’installation de l’ambiance est lente, l’intrusion du fantastique au tiers sonne, pour les amateurs du genre, comme le début des hostilités. Mais Marie Caillet préfère la finesse à un crescendo à la Stephen King, car son message est tout à fait contraire, et la porte ouverte finalement vite refermée, la conclusion catapultée. Les plus jeunes méditeront longtemps ce coup de pouce que fut le kaléidoscope pour Naomi, tant il est diffus, aux marges de sa réalité quotidienne.
Il n’en est que plus magique, et à la portée de chacun.

« Kaléidoscope » promet beaucoup, et pas plus qu’à Noami il ne donne ce qu’on s’attendait à trouver, trop peu en apparence mais exactement ce qu’il faut en réalité. Plus insidieux qu’il n’y paraît, apte à charmer les lecteurs plus enclins au roman d’apprentissage réaliste, il séduit et comble à tête reposée. On retiendra longtemps la psychologie adolescente parfaitement dépeinte, dans ces joies comme ses (nombreuses) peines.


Titre : Kaléidoscope
Autrice : Marie Caillet
Couverture : Peggy Nille
Éditeur : Castelmore
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 280
Format (en cm) : 21,5 x 14 x 2
Dépôt légal : mai 2019
ISBN : 9782362316371
Prix : 14,90 €



Nicolas Soffray
20 juin 2019


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