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Derniers mètres jusqu’au cimetière
Antti Tuomainen
Fleuve éditions, roman traduit du finnois, humour noir, 320 pages, février 2019, 19,90€

À la tête d’une petite entreprise de cueillettes de champignons, Jaako pense nager dans le bonheur aux côtés de sa femme Taina. Sa désillusion est d’autant plus grande lorsque son médecin lui apprend qu’il souffre d’un empoisonnement et qu’il ne lui reste que peu de temps à vivre. En rentrant chez lui, il surprend sa femme en train de copuler avec un employé. Tout s’écroule et, comme si cela ne suffisait pas, une société concurrente s’est implantée dans la ville pour profiter de la manne des champignons. Et ce ne sont pas des rigolos !



Rien ne va plus ! À 37 ans Jaako qui pensait son avenir tout tracé n’a plus rien à attendre de la vie. Et pourtant, il choisit de se battre. Lui qui vivait dans une espèce de cocon protecteur, s’empâtait en mangeant les bons petits plats de sa femme, ne prenait aucun risque en terme de travail, change du tout au tout. Dans un regain d’énergie, Jaako mène plusieurs combats en même temps, dont la recherche de celui ou celle qui cherche à le retirer de l’équation. Il ne peut tout perdre sans livrer un ultime baroud d’honneur.

Antti Tuomainen livre là un personnage magnifique. Le lecteur a beau savoir que Jaako va mourir, qu’il est condamné, il oublie facilement ce paramètre pour mieux vibrer à ses péripéties. Pas de fatalité à attendre, mais une envie de profiter des derniers instants, de brûler la flamme jusqu’au bout. Alors que Jaako pourrait faire œuvre de destruction, il agit plus comme créateur à travers sa bataille pour sauver sa société. Il ne peut abandonner, il essaie tout le temps de sauver les apparences, de repousser l’inéluctable. Une belle brochette de protagonistes le côtoie, ils sont habités par toutes sortes de sentiments, ce qui offre des passages particulièrement savoureux.

« Derniers mètres jusqu’au cimetière » baigne dans l’humour noir. Rien que le début donne le ton avec la suite d’emmerdements tombant sur Jaako et l’obligeant à surnager dans un quotidien qui ne veut plus de lui. Il pourrait trépasser à de multiples reprises et puis... non, il se relève à chaque fois, comme si une nouvelle chance pouvait lui être accordée. Antti Tuomainen se plaît à le faire passer par toutes les émotions, à le tuer pour mieux le faire renaître, à le presser pour retirer toutes les possibilités de la situation... L’auteur exploite très bien le potentiel de son idée de départ, il choisit des chemins inattendus comme pour faire durer le voyage vers le cimetière au maximum. Même si chacun sait que Jaako est condamné, chacun espère qu’il pourra en profiter encore un peu, à nouveau connaître le bonheur avant la fin.

Par rapport à « Sombre est mon cœur », son précédent ouvrage traduit en France, Antti Tuomainen change de registre. Du roman noir très sombre, il dérive vers l’humour noir avec le même bonheur. La Finlande s’y révèle moins froide, certains habitants sont plus sanguins, on sent que ça peut partir dans tous les sens et l’auteur ne s’en prive pas.
Lire Tuomainen, c’est l’assurance d’être surpris, d’emprunter des sentiers inusités, de profiter de l’incursion en territoire finlandais hors des circuits touristiques. D’une situation morbide, il tire quelque chose de beau, de sublime par sa démesure. Il flirte parfois avec l’absurde, mais sans jamais franchir la limite.
Un roman à consommer sans modération et à savourer comme une bonne poêlée de champignons.


Titre : Derniers mètres jusqu’au cimetière (Mies joka kuoli, 2016)
Auteur : Antti Tuomainen
Traduction du finnois : Alexandre André
Éditeur : Fleuve éditions
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 320
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : février 2019
ISBN : 9782265117945
Prix : 19,90 €

Chronique réalisée d’après les épreuves non corrigées de l’ouvrage.



Pour écrire à l’auteur de cet article :
francois.schnebelen[at]yozone.fr


François Schnebelen
15 février 2019


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