En Sibérie, un camp isolé abrite des condamnés à mort servant de cobayes avant l’électrocution. Lors d’une exécution, une coupure de courant change la routine habituelle. Quand la lumière revient, au lieu du mort, un autre homme sans pupilles gît sur la table d’opération. Comment est-ce possible ? D’où vient ce macchabée ?
Contre toute logique, bien des heures plus tard, il revient à la vie. Il n’accepte de se confier qu’à la docteur Irina Danko, victime d’étranges rêves la nuit. Malgré son handicap apparent, il voit très bien et semble même pouvoir influencer les esprits alentours. Ce sujet d’études surnommé le spécimen n’a pas fini de surprendre.
D’après un scénario de Walter Hill, adapté par Matz, “Le spécimen” n’est pas avare en interrogations. Tout l’intérêt réside dans l’irruption soudaine et inattendue du spécimen, un homme sans pupilles et aux étranges pouvoirs, qui ne s’intéresse qu’à Irina Danko. Les nuits de cette dernière sont peuplées de rêves qui la mettent souvent en scène avec cet inconnu à des périodes différentes. Invariablement ils virent au cauchemars la réveillant et la laissant avec ses questions.
Cet album s’apparente à un jeu du chat et de la souris, mais n’est pas la proie celui que l’on croît. Le spécimen impose sa volonté, il montre que mieux vaut lui obéir, sans quoi... Qui est-il ? Irina soupçonne peut-être la vérité, mais a-t-elle raison ?
Dans son sillage, le lecteur nage dans l’expectative. Le surnaturel s’invite dans le milieu de la médecine, dans un laboratoire dans lequel il n’a pas droit de cité normalement. Les faits scientifiques sont mis à mal. Irina semble bien frêle dans ce milieu, le seul qui a voulu d’elle. Pourquoi cet intérêt envers elle ? Qu’a-t-elle de spécial ?
Julen Ribas délivre un dessin assez clinique pour les scènes se déroulant dans la prison. Décor froid, peu ou pas de fantaisie à l’image du spécimen aux yeux vides et à la tête rasée n’offrant aucune aspérité à laquelle se raccrocher. Contraste total avec les songes d’Irina permettant de multiplier les ambiances et offrant de beaux moments de lecture comme d’échappées visuelles. Le graphisme colle au contexte, cadrant l’action : froid de la Sibérie, laboratoire aseptisé, prison sans avenir pour ses pensionnaires à l’inverse des envolées oniriques d’Irina.
“Le spécimen” possède un côté dérangeant, car de nombreuses questions restent en suspens quant au spécimen. Le surnaturel s’invite dans un milieu scientifique déshumanisé où le condamné n’est qu’une source de matières premières, le froid du quotidien côtoie la folie des rêves, la belle Irina se frotte à la bête sortie d’on ne sait où.
Une histoire intrigante loin de livrer tous ses secrets, ce qui n’est pas plus mal. À chacun de se forger son opinion en s’immergeant dans le récit bien servi par l’équipe aux manettes.
Le spécimen
Scénario original : Walter Hill
Adaptation et traduction : Matz
Dessin et couleurs : Julen Ribas
Éditeur : Rue de Sèvres
Dépôt légal : 23 janvier 2019
Format : 21,5 x 28,1 cm
Pagination : 128 pages couleurs
Numéro ISBN : 9782369816751
Prix public : 18,00 €
Illustrations © Julen Ribas et Rue de Sèvres (2019)
